Event - Attaque au casino des Forzalli

Des addictions, Liam en avait un certain nombre. La plus dévorante étant celle qu’il combattait avec hargne, les anti-douleurs à haute dose. Il adorait également l’adrénaline et il avait une passion pour l’exaltation des sens, mais ces dernières pouvaient aisément être considérées comme des qualités ! Ce qui était sûr, c’est que le jeu ne faisait pas partie de ses vices. Alors, pourquoi se trouvait-il ici, assis à l’une des tables de Blackjack d’un des casinos les plus réputés de la ville ? La raison était simple ; sa mère lui avait, une fois de plus, fait le virement d’une somme astronomique sans qu’il ne lui ait rien demandé. Sans doute que cela partait d’un bon sentiment, d’une envie d’aider, mais le jeune homme le prenait davantage comme un avilissement, le signe de la non-confiance qu’on lui accordait et la preuve ultime qu’on le considérait comme un raté. Si à une époque, il aurait accueilli ce cadeau avec plaisir, profitant de ces dollars pour aller trouver son dealer préféré et se payer une soirée merveilleuse à planer en bonne compagnie, désormais, il prenait cela comme un affront. Sa vie avait changé. Il faisait en sorte d’être quelqu’un de bien, de travailler sérieusement, de prendre soin de ses compatriotes, d’éviter ses vieux démons et de devenir un bon père. Ce n’était pas une chose facile, les embûches étaient nombreuses et les obstacles énormes, mais il se devait de faire au mieux. Et ce nouveau Liam, il voulait - il devait - le découvrir seul, sans l’aide de personne, et surtout pas celle de ses déserteurs de parents. Il était donc venu balancer par la fenêtre la coquette somme se trouvant à présent sur son compte en banque. Ou plutôt, sur le tapis devant lui puisqu'il avait déjà transformé le virtuel en jetons. Une partie de ces derniers s’était envolée en fumée lors des premières parties, mais depuis, les cartes lui étaient favorables et les petits ronds multicolores s’entassaient comme pour montrer à tous la fortune dont il ne voulait pas.

Contrairement aux autres participants, Liam ne montrait aucun signe de concentration, son jeu ne comportait pas de stratégie ; il misait, demandait une carte supplémentaire ou doublait sa mise sans s’intéresser réellement au tapis vert. Son regard vagabondait régulièrement sur la salle pour remarquer à quel point l’endroit pouvait grouiller de monde. Il observait les visages, se demandant ce que tel air inquiet cachait, ce que ce sourire dissimulait ou ce que tel mimique signifiait. Il n’avait aucun intérêt pour le bluff, c’est pourquoi il avait choisi de s’installer à cette table pour faire appel au hasard et à la malchance pour dilapider son argent. Une voix venait de le sortir de son observation, lui tirant un soupir découragé alors qu’elle lui annonçait que sa main était gagnante et que la décision de miser plus gros prise quelques instants plus tôt avait porté ses fruits. « Je croyais qu’on perdait toujours quand on s’installait avec vous. », son ton était las, mais le sourire dédié au jeune homme mélangeant les cartes était sincère, amical. Un simple signe de tête plus tard, et un nouveau morceau de carton était déposé devant lui tandis qu’il espérait silencieusement voir, enfin, sa chance tourner.

Le problème de cette dette lui semblait insurmontable. La somme qu’il devait à Las Chiapas suite au vol de la marchandise était énorme, et à chaque fois que Diego y songeait, il sentait le vertige pointer le bout de son nez. Julian s’était montré étonnamment conciliant, préférant voir son argent lui être rendu même si cela prenait un peu temps plutôt que de ne jamais être remboursé en se montrant trop expéditif. Du moins pour l’instant. C’était une bonne chose - bien que le stress grignotait tranquillement le ventre de Diego - mais l’épée de Damoclès se trouvant au-dessus de sa tête n’était pas ce qui l’inquiétait le plus. Pendant qu’il se tuait à la tache afin de rembourser, le Mexicain ne pouvait pas subvenir aux besoins des siens et il remerciait Gabriela d’avoir trouvé un travail honnête lui permettant d’éviter de suffoquer. Elle lui enlevait une épine du pied en prenant soin d’envoyer de l’argent à leur oncle, en payant les frais de scolarité et les à-côtés pour les plus jeunes de la famille Arriaga. Mais il ne pouvait laisser une telle charge sur les épaules de sa petite sœur, alors il devait effacer son ardoise au plus vite. Pour cela, il avait bien essayé de s’acharner dans son food truck, accumulant les heures pour son business visible, cherchant sans cesse de nouveaux clients pour ses affaires illégales, cependant, ce n’était pas suffisant. Les caisses ne se renflouaient pas assez rapidement, et il lui fallait trouver une solution plus efficace.

L’idée qui lui était venue était stupide. Totalement stupide ! Ne disait-on pas que le Casino était toujours le grand gagnant ? Néanmoins, après avoir pesé le pour et le contre des dizaines de fois, il avait finalement pris le chemin de cet établissement réputé de la ville. Pour ne pas prendre trop de risques, Diego avait fait 50/50 ; la moitié de la somme qu’il avait emportée venait de ce qu’il devrait donner à son supérieur d’ici la fin du mois, l’autre moitié était de ses deniers personnels. Il avait, au fil des années, réussi à mettre de côté un petit peu d’argent qui lui serait nécessaire pour son entreprise, et cela lui fendait le cœur de mettre en jeu ce qui lui permettrait de remettre à neuf son matériel de cuisine. Tant pis, il n’avait pas le choix !

Afin de coller au dress code demandé, il avait fait un effort vestimentaire, et voilà qu’il se retrouvait planté au milieu d’une allée avec un costard bon marché sur le dos. Il avait commencé par arpenter les salles où des tables de jeux de cartes se trouvaient, mais puisqu’il ne connaissait nullement les règles, il avait préféré éviter de perdre l’intégralité de ce qu’il avait en seulement quelques manches. Après avoir opté pour les machines à sous, Diego s’était assis à l’une d’elles et ses yeux s’étaient perdus quelques instants sur les dessins se trouvant sur le cadran. Le hasard devait se faire aligner une suite de cerises, de bananes, de pommes ou de lingots d’or… Ok. A priori, il suffisait d’appuyer sur le bouton pour lancer la machine. Alors qu’il venait de sortir un billet de sa poche, il souffla en s’apercevant qu’il n’y avait aucun moyen de jouer directement avec ; il lui fallait des jetons. Se frappant doucement le front avec la paume de sa main, il se releva brusquement pour se diriger vers un comptoir.

Un bruit de verre brisé se fit entendre tandis que le jeune Mexicain se mit rapidement accroupi afin d’aider le pauvre serveur qu’il venait de bousculer, « Je suis désolé, je ne vous ai pas vu. Laissez... Vous allez vous couper, je vais vous aider. ». Un cocktail multicolore se retrouva explosé au sol après être venu gentiment se répandre sur cette chemise blanche qu’il avait spécialement choisie pour l’occasion.