Comme un ouragan

Je me sens étrangement mise a nue de partager ce secret devenu trop lourd avec Liam. Non en fait je me sens honteuse et chaque syllabe me coute. Je n’ai aucun soulagement a ce partage, bien au contraire, j’ai l’impression de me condamner en lui confessant ce que je ressens pour lui. Rester a ses cotés en profitant de sa générosité pour vivre une parodie d’un bonheur rêvée, sans qu’il le sache n’est pas honnête. Chaque petit geste innocemment doux, parole amicale ou attention généreuse entretiens mon espoir comme une drogue dont je n’arrive plus à me passer. J’ai essayé de me persuader que ça n’était pas grave, que je ne faisais rien de mal alors que j’ai clairement abusé de la situation au nom de mon égoïsme.

Au fonds, c’est moi la toxico de nous deux. J’ai tellement honte de lui avouer, a demi-mots, que ces nuits passées a ses cotés n’étaient peut-être pas aussi candides qu’elles l’auraient dû. Lutant contre une montée de sanglot a mesure que je m’ouvre, incapable de maintenir la duperie dans ce lieu ou tout me fait rêver d’être « la bonne personne » avec qui il aurait eu envie d’être ici, je continue sur cette lancée suicidaire.

Est-ce que je vais le perdre ? J’en ai peur. Pour autant, je tiens trop a lui pour continuer comme nous le faisons. Je suis déjà obligée de lui cacher tellement de choses, il ne mérite pas que j’en ajoute par égoïsme et confort. Un silence pesant s’installe quand je ferme la bouche pour de bon, craignant plus que tout sa réaction. Devoir me retrouver a errer en pleine tempête mais fait moins peur que de devoir quitter sa vie pour de bon.

Nerveuse, tremblante dans mon peignoir, je tressaille en sentant ses jambes m’entourer et son ventre contre le mien alors que ses doigts se referme sur mon poignet et qu’il prend la parole. Spontanément, malgré toute la tension qui m’habite, je me laisse aller a me reposer contre lui. C’est presque un réflexe de chercher sa chaleur et cette place, dans ses bras, ou je me suis toujours sentie bien, surtout en ce moment ou je me sens terrifié.

L’espoir renait a mesure où il parle. Ses mots sont limpides mais il y a toujours cette peur de ne vouloir entendre que ce que je veux. Je n’ose pas bouger, pas parler de peur de tout casser alors qu’il tente de m’expliquer qu’il n’a jamais été question d’amitié. Ses lèvres sur ma nuque déclenchent un frisson sans précédent et mon cœur s’emballe autant d’appréhension que d’impatience lorsqu’il reprend la parole. Lui aussi tremble, je le sens a ses doigts contre mon ventre. Sans réfléchir, ma main vient se poser sur la sienne. Un geste doux et d’apaisement spontané, comme a chaque fois que je sentais que la tension prenait le dessus en lui, a croire qu’il y a longtemps que nos corps ont compris ce que nos têtes refusent de voir : nous sommes tellement complémentaires.

J’en crois a peine ce que mes oreilles entendent. Tous mes sens en alerte, je m’arrête presque de respirer et si mes yeux piquent a nouveau, ca n’a rien a voir avec le désespoir ressentit il y a quelques minutes. Il veut que je reste avec lui ? Il ne se rend pas compte que je n’ai jamais voulu autre chose ? En fait, je ne suis pas sûre d’interpréter les tenants et aboutissants, tout me parait tellement trop beau pour être réel. La déception me fait peur mais il est déjà trop tard pour me protéger alors que tout mon être se met a croire.

Ses doigts quittent mon poignet dans une caresse qui se termine sur mon visage, m’invitant a le tourner vers le sien. Pour la première fois depuis que je me suis ouverte a lui, mes prunelles retrouvent les siennes, m’y noyant une nouvelle fois. Je n’y vois pas la lueur de gosse malicieux qui aime se moquer, non. Dedans, c’est tout autre chose que je distingue et ca ne donne que plus de force a ces simples mots qu’il a besoin de répéter. C’est moi qu’il veut. J’arrive a peine a respirer, presque sous le choc d’entrevoir, pour de bon, ce possible bonheur ensemble. Je sens une larme couler le long de ma joue alors qu’un sourire indécis lutte pour venir sur le pli de mes lèvres. Je me tourne lentement pour lui faire complètement face, sans réussir a relâcher sa main. A genoux entre ses jambes torse contre torse, j’arrive a peine a articuler, d’une toute petite voix :

« Liam… »

J’ai besoin de me répéter, mentalement, tout ce qu’il vient de me dire. De chasser mes doutes pour de bon car il n’a pas laissé de place pour eux. Mon visage s’illumine malgré les larmes qui continuent de perler de mes yeux et, sans préavis, je lui saute littéralement au cou, nous faisant basculer sur le matelas. J’en profite pour lover mon visage dans le creux de son épaule alors qu’un petit rire nerveux monte.

« Est-ce que c’est le moment de t’avouer que l’assurance a déjà versé l’argent pour mon appartement mais… mais que c’est possible que je n’osais pas te le dire parce que je ne voulais pas être séparée de toi ? »

Je me sens horriblement idiote maintenant. Mes doigts serrent un peu plus les siens avant de les entrainer, non sans hésitation, sous mon peignoir, juste en dessous de mon sein, la ou se cache un cœur dont les battements ne veulent pas redescendre.

« Tu sens ? Je crois qu’il va exploser… »

C’est un euphémisme tellement il s’emballe. J’ai la tête qui tourne et je n’arrive toujours pas bien a réaliser ce qui se passe. Je me sens juste euphorique, encaissant mal l’ascenseur émotionnel de cette soirée. Ma tête est en train de me hurler quelque chose, mais je ne suis pas en état ni d’humeur de l’écouter pour le moment. C’est du bout des lèvres, contre sa peau, que je murmure :

« Je n’ai jamais été qu’a toi Liam Keller… je … je t’aime… et la seule chose que je voudrais c’est rester auprès de toi… »

Mes joues deviennent écarlates alors que je réalise a quel point je fais tomber le masque. Juste dire ce que je ressens pour lui aussi naturellement, me fait presque peur. Des années a lutter, a taire mes sentiments… il n’en faut pas plus pour que ma raison arrive a trouver une petite faille pour se faire entendre. Je me redresse sur mes coudes pour lui faire face et lui demander avec maladresse :

« Mais… Liam… je… croyais que …enfin… que tu aimais les garçons et… et… que… que je t’avais dégoutée a cause de… de… de mes problèmes … »

Comme un ouragan

Emma Lockwood et Liam Keller

“Savoir sourire : quelle force d'apaisement, force de douceur, de calme, force de rayonnement !” - Guy de Larigaudie

C’est dit. Cette fois-ci, tu t’es montré clair. Précis. Concis. Tu ne veux qu’elle. Tu ne veux qu’Emma Lockwood. Il est impossible qu’elle ne comprenne pas. Il ne peut avoir aucune confusion, aucun doute, aucun mal entendu. Tu l’as dit. Haut et fort. Distinctement. C’est limpide. Ça t’inquiète, mais c’est vrai. Ce n’est que la pure vérité. Emma, tu la veux. Toute entière. Tu ne veux plus de cette relation pseudo-amicale. Tu ne sais pas comment tu feras si sa réponse ne va pas dans le même sens. Comment réussiras-tu à continuer à partager ton lit avec elle ? Comment pourras-tu continuer à passer la nuit à tenir sa main, à la blottir contre ton torse pour que ses terreurs s’amoindrissent ? Parce que tu le sais, tu seras incapable de lui demander de partir. Ce ne serait pas toi. Et tu ne pourras pas lui tenir rigueur de ne pas ressentir la même chose que toi. Il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’elle veuille mieux. Plus intelligent. Plus ambitieux. Plus en adéquation avec elle. Mais lorsqu’elle se retourne en tenant toujours ta main dans la sienne, tu chavires. Ton cœur chavire. Il s’emballe. Il croit que c'est possible. Et il a raison, il en vient même à se moquer de ton cerveau qui commençait déjà à craindre le rejet.

Doucement, tu as essuyé la larme qui venait dégringoler sur la joue d’Emma tandis que ton prénom entre ses lèvres te fait frémir. Si tu t’écoutais, tu l’embrasserais. Là, maintenant et tout de suite. Parce que grâce à son regard, tu es convaincu de ne pas faire fausse route. Mais toujours grâce à son regard, tu ne te précipites pas sur sa bouche, lui laissant le temps d’assimiler l’intégralité de tes mots afin qu’elle puisse réagir. La réaction ne tarde pas. Tu vois son visage s’illuminer malgré les gouttes salées qui continuent inlassablement à décorer ses joues, et toi, tu souris. Puis tu ris en te sentant basculer sur le matelas sous la force de son geste. Ton éclat ne dure pas longtemps tandis que tu places ta paume libre dans le creux de ses reins, comme si tu refusais de prendre le risque qu’elle s’éloigne. Ton souffle se coupe un instant quand tu sens le sien dans ta nuque alors qu’elle te révèle un secret bien gardé qui te fait à nouveau rire, « Je ne te savais pas si manipulatrice... ». Ce n’est absolument pas un reproche. À dire vrai, tu trouves son petit secret adorable, attendrissant et parfaitement révélateur de l’aveuglement dont tu as fait preuve pendant si longtemps.

Le geste qui suit te fait vibrer. Totalement. D’elle-même, elle fait glisser tes doigts sur sa peau, les menant jusque sous son sein pour te faire sentir les battements de son cœur. Oh bon sang oui, tu le sens. C’est fort alors que son derme est d’une douceur extrême. Tes phalanges se déploient davantage, allant jusqu’à caresser délicatement le galbe de sa poitrine avant que tu ne stoppes ton mouvement peut-être un peu trop cavalier. Mais ce n’est pas tant pour cela que tu t’arrêtes ; les paroles qui viennent te paralysent. Elle… Emma vient de te dire que… Qu’elle t’aime. Ta bouche s’ouvre. Ta bouche se referme. Elle poursuit en te disant exactement ce que tu espérais entendre, en te disant qu’elle souhaite rester auprès de toi, mais seul son Je t’aime résonne au fond de ton crâne. Tu peines à réaliser ce qui est véritablement en train de se passer. Ta main quitte finalement la chaleur se trouvant sous son peignoir alors que tu repenses aux différents mots que tu as entendu à plusieurs reprises sortir d’entre ses lèvres. Pourquoi reviennent-ils te percuter maintenant ? Ils étaient durs et tu n’as jamais réussi à savoir de quoi elle parlait exactement, et maintenant qu’elle te dit t’aimer, tu bloques dessus ? T’es qu’un crétin ! Mais un crétin inquiet au demeurant… Ton cerveau fait une rapide équation, et tu décides que ce n’est pas le moment d’aborder le sujet. Tu as le droit de profiter de l’instant. Vous avez le droit de profiter de l’instant. Vous avez suffisamment attendu ! Et puis, toi aussi, tu as quelque chose à lui dire, « Je t’aime Emma Lockwood. ». Tes bras se resserrent autour de son corps et tu fermes les yeux pour savourer cette vérité enfin déclamée.

Mais vous ne seriez pas Emma et Liam si vous n’aviez pas l’art de tout compliquer… Tu la sens s’éloigner. Ton nez se fronce alors que tes paupières sont toujours closes et lorsqu’elle reprend la parole, tu souris encore. Une risette plus grande que précédemment. Au début. Parce qu’à la fin de sa phrase, tes lèvres forment un trait droit et linéaire. Tu rouvres rapidement les yeux pour la fixer en fronçant les sourcils.

Cette fois, tu ne peux pas faire abstraction de cette étrange sensation qui t’étreint alors qu’elle mentionne des problèmes que tu es censé connaître et qui, apparemment t’auraient dégoûtés. Finalement, sa vision plutôt enfantine de ce que peut-être les relations amoureuses et surtout tes goûts en matière d’homme ou de femme passe totalement à la trappe.

« A quels problèmes tu fais allusion exactement ? », avec tendresse, tes deux paumes encadrent son visage alors que tu la regardes sérieusement. Finalement, tu ne lui laisses nullement le temps de répondre que ta voix s’élève déjà dans la chambre, « Il n’y a rien qui me dégoutte en toi. ». Tu buttes sur le mot, le trouvant trop dur et horrible. La pulpe de tes doigts vient délicatement caresser sa lèvre inférieure alors que tu attires doucement son visage vers le tien, « Crois-moi... ». Tu ne termines pas immédiatement ta phrase, guidant sa bouche contre la tienne pour votre premier baiser échangé depuis ceux de cette seule et unique nuit dont tu te souviens à peine tellement tu étais ivre et tant le manque grignotait déjà ton être. Tu prends ton temps pour profiter de ce contact doux et délicat, et tu fais s’étirer les secondes. Juste comme ça, lèvres contre lèvres. Rien de trop pousser comme si cela te permettait de t’assurer que c’était bien réel. Et puis, tu espères aussi et surtout qu’elle comprenne une chose, « … Tout en toi m’attire. ». Finissant ton propos en murmurant contre ses lippes, tu éloignes légèrement son visage afin de lui offrir un sourire rassurant en plongeant tes iris bleus dans les siennes, ton index droit tapotant son tympan, « Je ne sais pas ce qu’est allée s’imaginer cette jolie petite tête, mais elle se trompe royalement. ». Comment pourrais-tu être dégoûté par elle ? Tu n’as qu’une seule envie, c’est de la dévorer. De l’embrasser jusqu’à ne plus pouvoir respirer. De la déguster jusqu’à être rassasié – même si tu doutes de l’être un jour. Tu veux l’aimer jusqu’à ce qu’elle comprenne véritablement ce qu’elle déclenche en toi.

(c) princessecapricieuse

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