C'est l'heure du point de croix

J’ai la tête qui tourne vraiment et je suis plus qu’heureux d’être couché pour ne pas montrer a Carmelo que je suis peut être un peu plus esquinté que je voudrais le montrer. Je vois bien qu’il s’agite et même si on n’est pas du genre a mettre des mots sur les choses, j’ai la prétention de penser que je suis sa famille comme il est la mienne. A sa place, je serais inquiet aussi.

L’infirmière fait partir la sécurité, ce qui m’enlève un poids. Je ne me sentais pas de venir jouer les gros bras dans mon état, ni de finir au poste de police pour expliquer la situation. Ca serait bien que les flics nous voient un peu moins pendant quelques temps. Assez posément, elle lui explique la situation, mais je ne manque pas de grimacer quand elle se montre « un tantinet » autoritaire avec lui. En n’ai pas toute l’histoire de mon bro, mais je n’ai pas besoin de savoir d’où cela vient pour savoir qu’il a « un peu » de mal a l’autorité. C’est d’autant plus vrai quand c’est assorti de menace. La réaction ne se fait pas attendre et c’est en faisant es gros yeux que j’articule un « non » a Carmelo quand il me demande a voix basse s’il peut la dépouiller.

Elle se concentre sur moi, m’étonnant presque qu’elle est le droit d’utilisé du MEOPA sans médecin présent, je résiste a la tentation d’accepter. C’est évidemment que Carmelo va exploser et je préfère ne pas être dans les vaps pour tenter d’éviter que ca prenne le genre de proportion qui nous ramènera devant l’inspecteur Levi. Je n’ai pas le temps de refuser le gaz que mon « pseudo frère » me prouve que je le connais trop bien. Je lève, une nouvelle fois, les yeux au ciel, lançant un regard plein d’excuses a l’infirmière avant de répondre a mon ami :

« Elle le fait parce que c’est une personne bienveillante qui prend soin de ses patients…je ne suis pas sur qu’un mec avec le bras ouvert et un frangin stressé donne envie de rencard comme je crois qu’elle n’a pas de doute sur le fait que je sois majeure. »

J’essaye de mettre un peu d’humour pour dédramatiser la pique en espérant que Melle Scott n’est pas du genre cassée du rire ou a s’offusquer trop vite. Carmelo se rend compte qu’il est peut-être en train d’énerver une nana qui va se servir de moi pour faire du point de croix ? Le connaissant, c’est possible qu’il assume sa vengeance.

« Je préfère faire ca sans Meo… »

Le bruit de la chaise que Carmelo tire me coupe une nouvelle fois. Je crois qu’un gosse de 3 ans serait plus facile a tenir. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer de l’entendre expliquer a l’infirmière qu’elle ne pourra pas le faire sortir d’ici. En vrai, on ne va pas s’en sortir si je ne désamorce pas la bombe dont le compte a rebours est lancée. Je préfère intervenir avant qu’elle ne lui propose du Meopa a lui aussi.


« Excusez moi Melle, j’ai besoin d’une petite minute. »


Je fais signe a Carmelo de s’assoir sur le lit. Même si ma voix est pâteuse et mon regard épuisé, c’est sincèrement que je lui explique :


« Viens par la au lieu de faire l’idiot. Personne ne va te faire sortir. Je suis désolé de t’avoir autant inquiété et t’as pas idée comme je suis content que tu sois là. Tu le ne sais peut être pas, mais je suis pas bien rassurés avec les aiguilles. Tu crois que tu pourrais être un petit frère exceptionnel en me donnant la main le temps que Melle Scott effectue son travail ? Tu voudrais bien faire ca pour moi ? »

Je lui lance un regard suppliant de chat potté. En vrai, les aiguilles… je donne mon sang et j’ai un tatouage, comme je sais poser des perfs en urgence, autant dire que ca va. J’espère juste donner a mon pote le sentiment de m’aider parce que je suspecte qu’au-delà de l’inquiétude, c’est aussi le sentiment d’impuissance qui le ronge. Cela étant, je me projette peut-être un peu trop. Je tourne ma tête vers l’infirmière pour ajouter :

« Enfin, si vous êtes d’accord Melle. Mon frère et moi sommes vraiment proches et on a tendance a vite s’inquiéter l’un pour l’autre… vous voyez l’idée? »


Est-ce que moi je me rends compte que ça a un petit air de Batman et Robin pas assumé ? Absolument pas. Je n’ai toujours pas compris pourquoi la vieille du dessus n’arrête pas de me dire qu’elle nous trouve mignons Carmelo et moi et me parlé du fait qu’elle a toujours été pour la légalisation des mariages gay.

Like fire

ANAPHORE

Carmelo n'avait jamais eu une personnalité réellement calme. Mais lorsqu'il était stressé, nerveux, inquiet... Et qu'il n'y avait aucune raison de donner le change, cette angoisse ressortait dans une attitude très agitée et impatiente. On aurait pu croire qu'une infirmière des urgences en aurait vu d'autres et aurait compris que l'isoler loin de Roman allait faire tout sauf le calmer mais non. Est-ce qu'elle faisait pareil avec les mères venues porter leur petit ? Ou les parents d'un adulte handicapé ? Elle se moquait de leurs inquiétudes et de leur stress en les faisant asseoir à l'autre bout de la pièce sous peine de les parquer ailleurs par la force si nécessaire ? Il y a peu de gens que Carmelo n'aimait pas. Mais elle, elle avait sûrement sa place dans son death note là tout de suite !

Mais l'italien se désintéresse d'elle -qui en faisait autant!- pour s'approcher de Roman lorsqu'il l'appelle. Carmelo vient poser sa veste sur le torse de Roman qui semblait avoir un peu froid -ou il l'imaginait, bref- puis vient se déchausser pour venir non pas s’asseoir mais s'étendre à côté de son ami ! Il prend sa main libre, y emmêle même ses doigts et entreprend de caresser un peu son avant bras de sa main libre.

Aucune idée si ça faisait réellement du bien à Roman. S'il avait été moins stressé, il aurait réalisé que cette histoire de peur des aiguilles était absurde d'ailleurs. Mais lui ça l'apaisait. Et avec cet apaisement son agitation diminuait drastiquement elle aussi. Que Roman comprenne la situation aussi l'aidait. Mais il avait l'air fatigué et affaiblit. Le genre d'état dans lequel Carmelo l'avait rarement vu.

De son côté, l'infirmière avait décidé de rester dans l'agressivité et Carmelo se tend.

« Pourquoi vous allez pas suturer des morts si votre degré de compétence c'est de vous planter sur ce qui est un peu vivant ? »

De fait, les dents un peu serrés, relevant les yeux sur Roman à côté de lui :

« Tu le dis si tu veux que j'aille chercher un vrai médecin. »

D'ailleurs, en revenant à elle :

« Vous avez le droit de faire tout ça sans l'avis d'un médecin ? Et de chercher à lui refiler tous ces trucs là ? »

Il ne s'y connaissait pas bien en différence entre infirmière et médecin mais si l'infirmière pouvait faire tout ça, c'était quoi la différence avec le médecin en dehors du nom et du salaire ? Pourquoi choisir l'infirmerie du coup ?!

Carmelo reste suspicieux, même s'il n'esquisse pas le moindre geste pour l'en empêcher non plus. Elle était peut être tout à fait compétente en dehors du fait qu'elle se donnait déjà des excuses au cas où elle se planterait dans sa suture.

Mais son téléphone sonne et Carmelo écarquille les yeux tandis qu'elle le sort de sa poche... Il tourne un regard interloqué vers Roman, cherchant sur son visage une explication que son ami n'avait probablement pas.

« Je rêve où elle se taille une bavette pendant qu'elle te recoud là ? »

Dire qu'il était sidéré était très loin de la vérité encore. Elle prend son temps la bougresse et Carmelo est à deux doigts de lui arracher le téléphone de l'oreille lorsqu'elle raccroche.

« Surtout si on vous dérange vous le dites hein. »

Et d'ajouter, en désignant Roman :

« Je croyais qu'il était aux urgences mais on est peut être aux palliatifs ? Il a la tête d'un mec qui va de plus en plus mal et vous le laissez crever en prenant votre temps genre. »

Une nouvelle raison de plus de détester les hôpitaux.

J’ai le sentiment que mon infirmière est plus qu’épuisée pas seulement par sa journée, mais impossible de ne pas prendre en compte ce qui est le contre coup de la détresse de Carmelo. Même si je n’ai pas spécialement peur des aiguilles, contrairement a ce que j’ai pu prétendre, ca n’est jamais agréable de se faire recoudre s’il y a des maladresses. Je préfère lui sourire et me montrer positif quant à la suite :

« J’ai toute confiance en vous Mademoiselle. Je suis sur que vous avez la main sure et du faire face a des situations plus acrobatique que celle-ci… »

C’est le moment que choisi Carmelo pour carrément se foutre dans le lit. Impossible de ne pas pouffer de rire. La ou il y a de l’abus, il y a mon pote.


« Putain, t’abuse je te jure. Sérieusement, fais-moi penser a te rendre l’appareil si un jours t’es a ma place. »

Je toussote quand Carmelo continue de « titiller » celle qui va finir par vouloir me recoudre avec une hache si ça continue comme ça. C’est vrai que pour une infirmière, elle n’attend pas l’aval de médecin pour prendre des décisions, mais bon, j’ai peut-être mal compris son métier sans compter que nous sommes dans les urgences. Avec l’afflux, elle a surement dû faire face a des responsabilités inhabituelles. J’essaye de détendre mon camarade.

« Mais qu’est ce que tu nous fais bro ? S’il te plait, soi cool avec elle. Je suis arrivé après un troupeau d’accidentés ça n’a pas du être la joie pour personne aux urgences… Je sais que tu t’inquiètes, mais le responsable du service ne laisserait jamais une personne sans compétence œuvrer, tu ne crois pas ?»

J’espère que ca ne sonne pas comme un vœux pieux. C’est vrai que la situation n’est pas idéale et je fronce les sourcils en la voyant partir avec son téléphone un peu étonné. On a du sacrement l’agacer. Je fais une petite grimace à celui qui est devenu, pour le coup, mon voisin de lit avant d’essayer de dédramatiser en prenant un ton humoristique :

« Je sais qu’elle n’aurait pas dû te braquer, mais tu ne vas rien gagner a la foutant en pétard, sauf a me voir revenir avec un motif de pâquerette ou de teub sur le bras… »

Je la vois revenir silencieuse, le visage fermé, sans même un mot d’excuse. Ok, on l’a vraiment froissée, cette fois, c’est sûr. Je la laisse faire sans en rajouter, me doutant bien que je vais jongler et me demandant ou est la jolie infirmière rigolote. Si je pense me faire petit, c’est sans compter sur mon ami qui continue d’exprimer son inquiétude a sa façon. Cette fois c’est sur, je vais finir avec un motif a la con sur le bras.

Like fire

ANAPHORE

L’infirmière, qui n’avait pas décroché beaucoup de mots à part pour l’envoyer promener jusque-là, vient soudainement déverser un long flot de paroles et Carmelo l’observe un instant comme une bête curieuse. Il la trouvait toujours sans empathie et pas très douée avec les patients MAIS il était plus ou moins rassuré sur ses compétences. De toute façon, il était un vrai profane sur le sujet et tant que Roman ne se montrait pas suspicieux, il n’avait pas de raisons pour l’être davantage lui non plus. Et puis Roman arrivait encore à se plaindre de lui, c’est que ça n’allait pas si mal, non ?

« Moi je t’aurais prévenu correctement alors tu te tais et tu acceptes la situation… ! »

Et d’ajouter :

« Regarde-moi bien me plaindre à Evy et en rajouter à mort quand je vais rentrer. Parce que je suppose que t’as pas prévenu ta sœur ou ta mère. T’es un boulet. »

Carmelo allait décompresser ! Mais pour le moment il était encore à cran. Et même si bouger de sa place l’avait apaisé, il n’allait pas laisser à Roman le temps de l’oublier ! Lui aussi se veut rassurant sur les compétences de l’infirmière en tout cas. Comment avait-il dit ? Scott ? Bref.

L’italien ne savait même pas qu’il y avait ce genre de « spécialisation » dans le milieu infirmière même s’il se doutait qu’il y avait une formation particulière pour s’occuper des enfants ou de la gériatrie quoi. Après il lève quand même brièvement les yeux au ciel parce qu’il trouvait qu’elle en faisait « un peu trop ». Les infirmières surdiplômées -elle l’avait dit au moins deux fois-, leur super expérience, leur expertise même…

« Ok ok madame, on a compris, vous êtes les Avengers du milieu hospitalier. »

Il le disait un peu sur un ton moqueur, c’est vrai… Mais plus hostile au moins ! C’était plus de la taquinerie à la Carmelo quoi. Roman voulait qu’il soit sympa et Carmelo doutait de pouvoir faire ça là tout de suite, mais il pouvait au moins agir de manière plutôt neutre. Ou disons normale pour lui.

Par contre, alors qu’elle ramène Roman à ses propres défauts, Carmelo prévient son meilleur ami :

« Tu mériterais qu’elle te rate. Putain mec… Si un jour tu crèves parce que t’as préféré qu’un bobo au ventre passe avant toi, je vais te chercher dans la tombe pour t’en coller une. »

Carmelo acquiesce quant au repos néanmoins. Il a un coup d’œil pour la perfusion en écoutant toujours l’infirmière. Sans cette perf, il aurait peut-être pu ramener Roman à la maison. Pour l’heure visiblement il devrait sûrement le laisser ici après l’heure des visites. A contre-cœur, Carmelo se relève du lit, restant en chaussette, allant chercher la chaise abandonnée pour la poser près du lit et jeter de petits coups d’œil réguliers à la perfusion.

Il n’était pas con : il se doutait bien qu’elle n’avait pas besoin de lui pour ça hein. Mais ça lui donnait quelque chose à faire alors tant pis : qu’elle le prenne pour un con, ça lui convenait. Et il n’était descendu du lit que parce qu’elle avait trouvé les bons arguments pour le convaincre cette fois.

Carmelo sort aussi son cellulaire de sa poche pour envoyer un premier sms à Evelyn, la sœur de Roman. Et comme elle répond très vite, il lui explique :

« Evy va venir ce soir à la maison. »

Il adorait cette femme, même s’il aimait bien la mener un peu en bateau à propos de sa relation avec Roman. Il aimait bien bavarder avec elle. Peut être que c’était son métier qui lui donnait le sens de l’écoute ou ce côté apaisant. Et en revenant à l’infirmière :

« Il va pouvoir revenir quand à la maison ? »

Et puis de demander aussi :

« Il va avoir un arrêt de travail ? Faut me dire le nombre de jour à moi parce que je le connais, il va y retourner avant. Moi je vais le faire obéir. »

Carmelo fait les gros yeux à Roman, des fois qu’il voudrait intervenir. Et histoire d’en rajouter une couche :

« Tu mériterais que je te fasse un neveu avec Evy. Heureusement que je suis un vrai pote MOI ! »