Camille Evergreen - La rose qui fleurit dans l’adversité est la plus rare et la plus belle de toutes

Je n'ai jamais su ce qu'était avoir une vie facile, une vie normale, tout simplement, où l'on mange à chaque repas et où l'on n'a jamais à s'inquiéter de savoir de quoi demain sera fait. D’aussi loin que je me souvienne, ce genre de vie n'a jamais été fait pour moi. Je suis née dans une rue sordide de la ville de New York. Quand j'étais toute petite, ma mère me parlait de mon père, ce prince qui avait vécu toute sa vie en tant que privilégié, ce bel homme qui n'avait jamais voulu quitter sa femme pour elle mais qui l’avait installée dans une belle maison avec leur petite fille, Jade.

Jade, c'est ma grande sœur. C'est elle qui réclame le plus à maman ces histoires sur notre père. Elle est persuadée que, s'il était en vie, il s'occuperait de nous et que nous n'aurions pas à vivre dans une telle désuétude. Parce que voilà, mon père est mort. Maintenant que je suis grande, maman a estimé que j'ai l'âge de comprendre et m'a expliqué que mon père avait des ennemis qui s'en sont pris à lui et l'ont tué. Du coup, sa femme à hérité de la maison, notre maison, et bien-sûr, elle n'a pas voulu que celle avec qui il l'avait trompée continue d'habiter là et peu importait qu’elle ait deux enfants à charge.

Elle n'avait que Jade, au moment où elle a été jetée à la rue. Moi, j'étais encore dans son ventre. Elle a réussi à trouver quelques travaux de ménage et c'est dans une petite maison d'une ruelle peu fréquentable mais pas chère qu'elle m'a mise au monde. Jade aime bien rêver à ce qui se serait passé si notre père n'était pas mort. Elle s'imagine que nous serions devenus des princesses. Moi, je ne suis pas sûre que nous aurions compté beaucoup pour lui. De toute façon, dans la vie, il vaut mieux s'en sortir tout seul que d’essayer de compter sur les autres.

Bien entendu, je suis allé à l'école, comme tous les enfants. J’ai appris à lire et à écrire et je dois reconnaître que j'ai passé beaucoup de temps le nez dans mes livres. À l'époque, je ne comprenais pas forcément tous les efforts que maman faisait pour nous protéger et pour garder la famille hors de l'eau. Mais chaque fois qu'elle me demandait un service, j'étais toujours d'accord pour lui venir en aide. Je suis comme ça, gentille. Jade se moquait souvent de moi. Mais n'empêche qu'elle ne faisait rien et que maman se fatiguait petit à petit.

Ce n'est qu’après être sortie de l’école que j'ai découvert à quel point maman se démenait pour nous. Elle était épuisée et commençait à tomber malade. J’ai commencé à la remplacer pour faire les ménages, et en rentrant, je préparais à manger pour qu'elle n'ait pas à se lever. Elle essayait quand-même, au début, mais elle a vite été trop fatiguée pour ça. Elle me laissait simplement faire en regrettant que ma grande sœur ne suive pas le même chemin que moi. D’ailleurs, elle disparaissait toute la journée et ne rentrait que le soir où elle puisait dans ce que j'avais préparé pour manger un peu.

Finalement, elle ne nous aura créé que des ennuis. J’aime beaucoup ma sœur et elle sera toujours de ma famille. Mais si elle avait pensé un peu plus à maman et un peu moins à ses rêves de gloire, notre mère serait toujours en vie. Ma sœur a contracté des dettes de jeu. Au début, on en savait rien, et puis ils sont venus nous voir à la maison en disant qu'elle leur devait de l'argent et de payer si on ne voulait pas avoir des problèmes. Maman et moi ne savions pas de quoi il parlait et nous avons interrogé Jade quand elle est rentrée à la maison. Au début, elle n'a rien voulu nous dire mais Maman a insisté et elle a fini par reconnaître qu'elle avait des dettes.

Il nous était bien impossible de les éponger. Nous n'avions même pas assez pour vivre. Un jour, alors que je cherchais du travail depuis longtemps sans en trouver, j'ai découvert maman morte. Comme Jade n'avait pas payé, ces brutes ont tué ma mère. Quant à ma sœur, ça a dû lui faire très peur parce qu'elle a complètement disparu et je n'ai aucune idée d’où elle se trouve aujourd'hui. J’étais seule avec le corps de ma mère et je me suis promis ce jour-là que je vengerai sa mort. Je n'ai plus rien, plus de maisons, plus de famille. Mais un jour, je ferai payer à ceux qui ont pris tout ce qui me restait encore et ils ne regretteront d'avoir pris ma mère.