Tant que ca reste en famille

Je sais bien que je devrais laisser Liam gérer ses problèmes comme un grand garçon, mais les mots qu’il avait utilisé lors de la dernière sortie ne cessent de me trotter dans la tête. Une famille. On est une famille…. Et dans une famille on se serre les coudes non ? C’est la raison pour laquelle, en sortant de chez lui avec Thea, j’ai réalisé que je ne voulais pas être un membre démissionnaire dans cette étrange famille que nous formions. C’est surement pour cela que j’ai écouté mon instinct. Ca et aussi la réaction de l’homme que nous avons croisé sur le pas de son immeuble qui visiblement, n’a pas bien compris qui j’étais. Je ne suis pas remise de son attitude misogyne et suffisante.

Ca fait moins d’une demie heure que j’ai quitté Liam et pourtant je suis déjà a sa porte a nouveau. Maman a pris Thea, moi j’ai eu du mal a revenir avec ma lourde caisse a outils. Heureusement qu’on habite pas trop loin. A peine ouvre t’il la porte que je lui offre un énorme sourire avec un « supriiiise » en lui montrant ma boite a outils avant de lui expliquer :

« J’ai croisé ton plombier en partant, tu sais que tu aurais dû me dire que tu avais des soucis de tuyauterie ? Hors de question que tu débourses quoique ce soit avec un étranger, alors qu’on peut gérer ca en famille.»

Sans attendre je me faufile à l’intérieur tout en continuant a parler :

« D’ailleurs je tiens a te dire que tu devrais changer d’artisan. Tu aurais vu comment il m’a pris de haut quand je lui ai dit que j’étais tout à fait capable de prendre les choses en main. Il a même rigolé en proposant de venir m’aider pour gérer ta tuyauterie. Incroyable ! Tout ca parce qu’il m’imagine incapable, j’en suis sure.»

J’en suis encore outrée par la réaction des gens qui me prennent pour une incapable. Être mère célibataire et en bonus victime de chantage fait que j’ai dû apprendre a me débrouiller pour compter le moindre dollars. Je ne me rends pas compte que, prise dans mes émotions, je ne laisse pas Liam en placer une. Je me retourne pour lui faire face, pour continuer de parler de cet horrible plombier. Déjà la première fois que je l’avais croisé il ne m’avait pas fait forte impression.

« Il est parti en riant et en disant que tu allais bien t’amuser quand je lui ai dit que j’étais une experte et qu’il était visiblement moins bien outillé que moi. Parce qu’il n’avait même pas ses outils quand je l’ai croisé avec Théa. Je te jure. Je ne sais pas ou tu l’as trouvé mais a l’avenir pour tout ce qui concerne tes tuyaux, appelle… moi…»

Je m’arrête en avisant que Liam s’est « apprêté » en quelque sorte, enfin, il est pas en tenue soirée pépère, et que la table est mise pour deux. Mon cerveau finit par comprendre. Gênée a l’extrême et rougissante c’est sans filtre que je le demande, horrifiée d'avoir peut etre fait une boulette :

« Oh… tu attends quelqu’un ??… Et moi qui te fais perdre du temps. Dis-moi ou est ton évier bouché, je te gère ca rapidement et je disparais. »

Parce que je n’ai vraiment pas envie de croiser sa petite amie. Le peu que j’ai rencontrées, a chaque fois je leur arrive au niveau de la poitrine et… disons que je me sens un peu comme une ado sur la touche devant des « vraies » femmes.

Tant que ca reste en famille

Emma Lockwood et Liam Keller

“Beaucoup de divorces sont nés d'un malentendu. Beaucoup de mariages aussi.” - Tristan Bernard

La journée avait été parfaite. En tout point parfaite. Liam avait pris son service très tôt, les sirènes de la caserne avaient sonné à plusieurs reprises et chacune des missions s’était déroulée à la perfection. Il n’y avait aucun accro à déclarer. Aucun drame. Aucun blessé. Aucun mort. Des larmes, il y en avait eu, mais elles avaient été heureuses. C’était une chose assez rare dans son métier, la plupart de ses interventions étant difficile moralement parlant. Mais aujourd’hui avait été une belle journée. Une vieille dame avait même retrouvé son petit chat perdu et sauvé par l’équipe dans laquelle se trouvait le jeune homme. Vous voyez, on vous l’avait dit, la journée avait été parfaite !

Ce fut donc avec le sourire aux lèvres qu’il avait quitté son lieu de travail, encore plus enthousiaste pour la suite que si on lui avait annoncé que des vagues du feu de Zeus s’amusaient à danser sur sa plage préférée. Quelques heures plus tard, il verrait Théa. La rencontre ne serait pas très longue, mais rien ne viendrait gâcher son bonheur. La présence obligatoire de l’assistante sociale ne parviendrait pas non plus à toucher son humeur. Non, Liam était simplement content de pouvoir partager quelques instants bonus avec sa fille et il allait en profiter au maximum.

Après une petite sieste nécessaire suite à sa nuit de dur labeur, il avait quitté son appartement pour se rendre à la sortie de l’école de la petite. L’accueil de la blondinette lui avait mis du baume au cœur, sa joie se faisant entendre de tous les autres parents tant il avait ri en la réceptionnant dans ses bras pour la faire tournoyer. Ces moments étaient particulièrement précieux à ses yeux, et s’il le pouvait, il viendrait tous les jours à 16h30 tapante pour faire le trajet du retour avec elle. Évidemment, son emploi du temps ne lui permettait pas, et le fait de devoir être accompagné pour le moindre rendez-vous avec Théa ne facilitait pas les rencontres. D’ailleurs… Rien que le fait de devoir nommer cela des rendez-vous était le signe que ce n’était absolument pas normal. Il lui arrivait d’avoir la désagréable sensation de n’avoir aucune marge de manœuvre, de ne pas pouvoir faire preuve de spontanéité. Adieu surprises et autres joyeusetés de ce style, il devait prévenir et programmer tous ses passages dans la vie de sa fille.

Bref.

Il ne pensait absolument pas à ça tandis qu’il se baladait dans le parc avec la petite. Courant l’un après l’autre, donnant du pain aux canards qui pataugeaient dans la fontaine et mangeant une glace pour le goûter ; ils profitaient tous les deux de ces instants trop éphémères.

La fin de l’amusement sonnait déjà.

À peine avaient-ils passé la porte de son appartement que la sonnette avait retenti. L’assistante sociale avait quitté son poste dès qu’Emma était arrivée, comme si le laisser ne serait-ce que cinq minutes avec la petite était trop dangereux. Parfois, il se demandait ce qu’elle pouvait bien penser de lui. Que croyait-elle ? Qu’il allait l’avaler ou la sniffer comme si elle était un anti-douleur ?

Théa avait raconté sa journée pour la deuxième fois sans se départir de son énergie. Et Liam avait surenchéri sur ses paroles lorsqu’elle avait expliqué la sortie au parc dans les moindres détails. Ils avaient ri. Encore. Puis était venu le temps de se dire au revoir. Il l’avait embrassé sur le haut du crâne en passant délicatement ses doigts dans ses cheveux et il avait souhaité aux deux jeunes femmes de passer une excellente soirée.

Installé face à la fenêtre, il les avait regardées s’éloigner jusqu’à ce qu’elles tournent au coin d’une rue. Son appartement lui semblait bien vide soudainement. Son salon était trop silencieux. Avant qu’il ne se mette à trop gamberger – cela lui réussissant rarement… - il avait filé sous la douche, avait fait un petit effort vestimentaire sans en faire trop et avait dressé la table avant de commander un repas pour deux qui arriverait plus tard dans la soirée. Son date ne devrait pas tarder puisqu’il n’habitait qu’à quelques blocs de chez lui et qu’il l’avait informé de l’heure à partir de laquelle il pouvait venir, Liam avait donc sorti une bouteille de rosé du frigo en guise d’apéritif. Il avait anticipé le fait de ne pas vouloir terminer sa soirée seul. Pas après ce shoot légal d’adrénaline et ce bonheur formidablement réel qui pouvait le plonger dans une certaine tristesse dès lors qu’il n’y avait plus droit.

« Tu as fait… Emma ? Qu’est-ce que tu fais là ? », ouvrant la porte avec son habituel sourire pour accueillir son invité, il s’était étonné de voir la brune à nouveau face à lui.

Elle n’était pas revenue les mains vides, et Liam ne comprit pas immédiatement de quoi elle lui parlait. Son plombier ? Sa tuyauterie ? Cependant, son léger froncement de sourcil dû à sa surprise et son incompréhension avait rapidement été chassé par le terme de famille. Il leur avait fallu du temps pour employer ce mot en parlant du trio qu’ils formaient et l’entendre lui faisait toujours le même effet. Ça le rendait heureux.

« Emma je n’ai pas de pro... », il ne parvenait pas à en placer une tant elle parlait, s’offusquant du comportement et des réactions de l’homme qu’elle avait apparemment croisé en sortant d’ici un peu plus tôt.

Finalement, il avait décidé de la laisser s’exprimer sans l’interrompre. La situation était plutôt cocasse, le quiproquo encore plus. Il imaginait sans peine son ami rétorquer aux dires d’Emma, employant des sous-entendus qu’elle ne semblait pas avoir percutés.

Au milieu de la tirade de la jeune femme, Liam se servit un verre de vin. Il en avait bu une seule gorgée quand il manqua de s’étouffer avec, « Je ne crois pas que tu veuilles vraiment que je t’appelle à chaque fois que j’ai un souci de… plomberie. ». Un sourire amusé étirait ses lèvres alors qu’il pouvait l’apercevoir rougir tandis qu’elle observait les deux couverts.

De toute évidence, elle ne comprenait toujours pas.

« Oui, j’attendais quelqu’un, mais il semblerait qu’il ait croisé une petite brune qui lui a fait penser que je serai déjà occupé ce soir. », il s’était approché d’elle, son regard amusé se déposant sur la caisse à outils. « Comment tu le lui as dit exactement ? Que j’allais être entre de bonnes mains, c’est ça ? », cette fois, il ne put retenir l'écat de rire de sortir de sa gorge. Un rire franc et sonore, sincère et non moqueur. Ou peut-être un brin taquin tout de même…

« Je te remercie d’avoir volé à mon secours, je note le fait que tu sois particulièrement douée avec les tuyaux. », il avait saisi la caisse des mains d’Emma pour l’en débarrasser, restant proche d’elle pour lui chuchoter à l’oreille, « Tu as de la chance de ne pas être tombée sur un plombier jaloux, il aurait pu se vexer que je te préfère à lui. ».

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Toujours dans ce sentiment d’avoir été largement sous-estimée sur mes capacités à gérer le quotidien coté bricolage. C’est sans faire attention a l’air amusée de Liam, qui manque de faire une fausse route, que je me sens obligée de répondre avec ferveur alors qu’il sous entends que je ne veux pas qu’il m’appelle quand il a besoin.

« Et moi, je suis sure du contraire !! Je veux que tu n’hésites pas à m’appeler dès que tu as un souci de plomberie ou d’autre chose… Je te jure, je suis douée avec mes mains ! »

Je me sens un peu vexée de sa réticence qui sonne comme une remise en doute de mes capacités. Être une maman solo n’a pas été simple tous les jours, mais j’ai vu la mienne faire des miracles avec trois fois rien quand j’étais petite, autant dire que ça m’a toujours donné du courage pour faire face. Petit travaux, plomberie et j’en passe, quand on n’a pas les moyens, on va pas s’arrêter a « c’est une histoire d’hommes ». Rapidement, toute mon indignation laisse place a la gêne la plus tangible quand je comprends que je risque de tomber nez a nez avec son amoureuse du moment. Généralement, je me sens toujours affreusement mal quand je croise ses copines : mal et aussi invisible.

Je reste a le regarder s’approcher avec toutes les questions du monde sur mon visage à la suite de sa réponse. Ce qu’il dit est affreusement obscure, pour ne pas dire que ça n’a aucun sens. J’aurais fait fuir son rendez-vous ? Je rougis un peu plus à cette idée qui me semble, pour autant, pas très réaliste. La seule personne que j’ai fait fuir c’est un plombier un peu condescendant.

« Mais Liam… je n’ai parlé a aucune femme… »

Mon cerveau est quelque peu débranché et j’ai un léger frisson quand il se penche vers moi. D’ailleurs, je suis tellement troublé par cette proximité que je ne réagis même pas lorsqu’il prend, doucement, ma boite a outils des mains, réagissant un peu trop a juste son souffle contre mon oreille. J’essaye de me reprendre en espérant que la chaleur que je ressens sur mes joues ne se voit pas trop et de démêler ce qu’il est en train de me dire

« Je… je ne comprends pas Liam… tu … attends… tu veux dire… tu veux dire qu’il n’y a pas de panne ?? Enfin, tu n’as pas de problème de tuyau ?»

En fait, ca aurait été bien que je ne comprenne pas. A mesure que je réalise que le rire du plombier, comme celui de Liam, n’était pas du au fait qu’ils doutaient de mes capacités, je sens mes joues de plus en plus en feu. Je dois être écarlate comme jamais jusqu’à la racine des cheveux.

Je plante mon regard dans le sien et devine que je dois être plus qu’écarlate alors que lui demande, affreusement gênée, pour ne pas dire horrifiée. J’espère tellement qu’il me rassurera et démentira cette idée grotesque qui me travaille :

« Oh… Ne me dis pas que… quand … quand il parlait de tuyau…. Il…. Il parlait de ton… enfin… d’autre chose qu’un vrai tuyau ? »

Le mot n’arrive même pas sortir tellement je me sens mal a l’aise. Je ferme les yeux quelques secondes, en me mordillant un peu plus ma lèvre inférieure qui n’en demandait pas tant. Il me faut quelques secondes avant d’avouer, le regard fuyant :

« Je lui ai dit que j’allais tout prendre en main et en faire une affaire personnelle… et aussi que maintenant, tu n’aurais plus besoin de ses services et que j’allais gérer seule… ta tuyauterie. Oh Mon Dieu… Comment j’ai pu dire ca…»

Je ne sais plus où me mettre. Au lieu de réfléchir au fait que, visiblement, Liam me suggère que ma compagnie lui serait plus agréable que celle du plombier, je suis juste en train de mourir de honte. Je n’essaye même pas de réagir sur le fait que je pensais qu’il aimait les femmes et pas les hommes, je me sens trop écrasée par la culpabilité et la honte pour ca. C’est d’une toute petite voix que j’ajoute :

« Je suis horriblement désolée, je … je croyais vraiment que… je… qu’est ce que je peux faire pour rattraper ca ? Tu… tu veux que j’appelle pour tenter de m’excuser et expliquer la situation ? »

Tant que ca reste en famille

Emma Lockwood et Liam Keller

“Beaucoup de divorces sont nés d'un malentendu. Beaucoup de mariages aussi.” - Tristan Bernard

Tandis que Liam tentait de lui faire comprendre que non, elle ne désirait pas être prévenue ou être mise à contribution dès lors qu’il avait un souci de plomberie, la brune, elle, insista en lui rappelant qu’elle était douée de ses mains. Il commença à se dire qu’elle comprenait peut-être très bien les sous-entendus, que ce malentendu n’en était peut-être pas un. Était-ce possible ? La voir s’enfoncer dans ses explications toujours plus remplies d’allusions lui mettait le doute. Elle ne pouvait pas réellement croire que l’homme qu’elle avait croisé était un plombier venant si tardivement chez un client, sans outil, habillé en tenue de ville et se laissant chaparder son travail par une jeune femme à la volonté de fer quant au fait de venir en aide à un ami. Si ? Elle pouvait le croire ?

« Je note ta gentille proposition, mais il ne faudra m’en vouloir si je prends goût à tes visites et que je fais appel à tes services plus que régulièrement. », là, avec ça, elle ne pouvait pas continuer à faire celle qui ne comprenait pas. Personne ne rencontrait autant de souci avec son installation sanitaire… L’appartement de Liam n’était pas du grand luxe, s’il acceptait l’argent tendu par sa mère, il pourrait s’offrir bien mieux, mais il était loin d’être vétuste. Et il était à peu près certain qu'une petite lueur lubrique avait traversé son regard en faisant son allusion tandis qu'il regardait la jeune femme. Après tout, il n'est qu'on homme !

Quand elle aperçut la table, Liam pensa qu’elle allait enfin percuter. Les joues rosies d’Emma le firent sourire, sa gène était attendrissante. Pour ce qui était de ses conquêtes – s’il pouvait les nommer ainsi – il ne s’en cachait pas, mais il essayait néanmoins de faire en sorte que sa vie privée reste discrète. Jamais il n’imposerait à Théa de devoir rencontrer quelqu’un partageant sa vie, ces personnes ne faisant qu’un passage éclair. Le jour où il présenterait sa fille à son amant du moment, alors c’est que l’histoire serait sérieuse. Emma quant à elle, en avait déjà croisé une ou deux, ou un peu plus, et la réaction de la jeune femme plongeait toujours Liam dans des interrogations nébuleuses. Elle semblait systématiquement mal à l’aise et cherchait toutes les raisons du monde pour s’éclipser rapidement. Comme à présent, alors qu’elle lui demandait où se trouvait son évier bouché…

Ok, donc elle n’avait toujours pas saisi la situation et elle avait véritablement pris toute leur conversation au pied de la lettre. Il avait senti son cœur se serrer légèrement, une pointe de déception prenant part de lui tandis qu’il chassait définitivement l’idée qu’elle ait pu fichtre en l’air sa soirée d’amusement consciemment. Au fond, il aurait trouvé cela mignon. Mignon et terriblement sexy que de la voir trouver des excuses bidon pour faire fuir un prétendant et la regarder se dépatouiller pour le lui expliquer. Mais ce n’était rien de tout ça. Non, Emma avait simplement réellement cru qu’il rencontrait des problèmes pouvant lui coûter un bras.

Il se montre plus clair en lui disant qu’effectivement, il n’avait pas mis deux couverts simplement parce qu’il avait une faim de loup, mais qu’elle venait de lui bousiller son plan. Oh, il ne lui en voulait absolument pas. La situation était beaucoup trop amusante pour qu’il lui en tienne rigueur, et s’il le voulait, il pourrait simplement lui demander de partir et rappeler son rendez-vous manqué. Il était persuadé que l’homme qui devait initialement venir ne lui tiendrait pas rigueur de ce petit contre-temps, et qu’ils en riraient une bonne partie de la soirée avant de s’octroyer du bon temps.

Ses sourcils se levèrent quand Emma le regarda pour lui dire que, à son tour, elle ne comprenait pas de quoi il parlait. Sa candeur était adorable, un peu comme un chaton, « Si j’avais eu rendez-vous avec une femme, il y aurait une fleur au milieu de la table. ». C’était faux, évidemment, il n’avait nullement besoin de prendre ce genre d’initiative pour un date sans importance, mais la révélation de sa sexualité moins classique que ce qui se veut être la norme était plus douce ainsi.

Il s’était finalement rapproché d’elle pour la remercier de son aide. Elle se laisse totalement faire lorsqu’il lui prend sa caisse à outils, et Liam s’amuse encore une fois à tenter de lui faire voir la réalité qu’elle ne semble même pas entrapercevoir. Il avait bien remarqué ce frisson qu’elle avait alors qu’il s’était penché vers elle pour lui murmurer à l’oreille, elle en avait régulièrement dès lors qu’ils étaient proches l’un de l’autre, et cela lui remit en tête l’idée saugrenue que, peut-être, son intervention de ce soir n’était pas totalement fortuite.

« Non. Enfin… Pas le genre de problème qui nécessite un plombier. », il était allé déposer la caisse à outils près du canapé en riant, « Est-ce qu’il faut que je sois plus clair ? ». Il la regardait à nouveau avec un air amusé. Elle était plus rouge qu’une tomate tandis qu’elle peinait à parler sans bafouiller, n’osant pas dire le mot précis pour désigner les soucis mécaniques que Liam pouvait rencontrer.

« Mon pénis, il te parlait de mon pénis oui. », Liam s’était à nouveau approché, et il venait de déposer sa main droite sur la joue d’Emma, son pouce passant doucement sur la lèvre qui recevait une punition beaucoup trop grande, « Tu n’as pas à être aussi gênée, tu sais. Ce n’est qu’un mot, et qui plus est, tu l’as déjà vu de très près. ». Il se doutait bien que sa dernière phrase n’allait pas rendre son véritable teint aux pommettes d’Emma, mais il ne put s’empêcher de relever cette vérité amusante.

Se reculant de la demoiselle en abonnant le contact initié plus tôt, il se dirigea vers la table pour remplir deux verres de rosé.

« Sérieusement, tu lui as vraiment dit ça comme ça ? », il explosa de rire en imaginant la scène, « Bon sang Emma, tu es exceptionnelle ! J’aurais voulu être une mouche pour voir sa tête. Tu m’as sacrément bien cassé mon coup, mais au moins, tu viens de m’offrir une belle tranche de rire. ».

Il lui tendait un verre en souriant, pas le moins du monde ennuyé par la disparition de son plombier. Comme il venait de le lui dire, il préférait nettement la compagnie de la brune à celle de son plan cul du moment, et ce, même si la finalité de la soirée ne serait pas la même.

« Honnêtement, te voir te dépatouiller à lui expliquer tout ce foutoir et argumenter sur le fait que tu n’as absolument rien pris en main ce soir serait particulièrement drôle, mais ne t’inquiète pas, je m’en occuperais demain, ou après-demain. Il n’y a rien d’urgent. Dans le pire des cas il ne me croira pas, et alors je te remercierais pour m’avoir empêché de tomber sur un gars sans humour et qui s’accroche un peu trop… Au mieux, il reviendra et on reprendra simplement là où on a été coupé. », portant le vin à ses lèvres, il lui dédia un sourire sincère et rassurant. Il n’y avait vraiment rien de grave. Tout ce qu’il avait voulu pour cette soirée, c’était de ne pas être seul, et finalement, c’était le cas.

« Tu restes dîner ? Il y a une livraison de plats chinois que ne va pas tarder et je ne pourrais jamais avaler ça tout seul. », il avait besoin de compagnie, et elle en était une merveilleuse. « Tu m’as demandé comment tu pouvais rattraper le coup, c’est soit ça soit une gâterie avant de partir pour soigner ma frustration ! Je te laisse le choix. », une moue suppliante collée au visage, il se doutait très bien de l’option qu’elle choisirait, mais rien qu’imaginer la tête qu’elle allait lui faire d’ici quelques secondes suffisait à le faire ricaner comme un imbécile.

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Mon esprit a du mal à tout intégrer dans les informations qu’il reçoit. Le fait que Liam attende un homme parce qu’il n’y a pas de fleur sur la table ou cette histoire de plomberie qui n’en est pas une me semble incroyablement complexe parce que j’ai surement bien trop peur de comprendre. Certes, cela pourrait me rassurer sur le fait que je suis invisible en tant que femme, a ses yeux, mais, étrangement, je crois que ca casse quelque chose que je refuse de voir aussi.

Les yeux perdus dans ceux de Liam, j’espère désespérément qu’il me rassure alors que plus il parle, plus j’ai l’impression que le sol se dérobe sous moi. Si lui a l’air de s’en amuser, moi, je suis mortifiée. Écarlate, mordillant nerveusement ma lèvre inférieure, ne sachant plus quoi dire alors que je réalise un peu mieux que j’en ai déjà beaucoup trop dit : je ne sais juste plus où me mettre. L’homme ; qui est un peu trop près de moi pour que j’ai les idées claires, est surement la dernière personne devant qui j’ai envie d’étaler ma « maladresse sociale », façon plus agréable de dire que je suis une idiote naïve comme maman ne cesse de me dire.

Quand il enfonce le clou sur « sa tuyauterie », je parviens à rougir encore un peu plus, moi qui ne pensais pas ca possible, tout en lâchant un :« oh » marquant bien que j’ai enfin tout saisi dans les « images ». Si je fais non de la tête à sa proposition, avec une timidité affichée, Liam semble un peu trop se divertir de ma bêtise pour en rester là. C’est terrible, je suis dans le milieu médical, je suis capable d’appeler un chat un chat, mais… pas avec lui. Si en temps ordinaire, j’aurais réussi à lui répondre en riant que je n‘en avais pas garder un souvenir impérissable ou une sortie de ce genre, mais le simple contact de son doigt sur ma lèvre me fait perdre absolument tout le peu de moyen que j’ai. Je suis obligée de fermer les yeux pour réprimer le frisson qui me parcourt juste a cause de ce petit geste. Il faut chaud, beaucoup trop chaud… mon instinct me hurle que je dois partir, mais je ne suis pas plus capable de bouger que de parler pour le moment.

Son rire me ramène trop rudement sur terre. Au moins, le fait qu’il rigole de moi est un peu comme brancher la clim après cette brusque montée de température. Je me sens encore plus sotte de ne pas avoir réaliser que tout cela n’est qu’un jeu, une moquerie pour lui. De toute façon maintenant, je sais qu’il n’aime pas les filles non ? Instinctivement, je me force à sourire tout en me sentant affreusement mal. Je n’ose plus trop le regarder dans les yeux et chacune de ses piques, malheureusement méritées, me blessent.

J’attrape le verre qu’il me tend, en le remerciant d’une toute petite voix avant de le vider d’un trait. Je grimace en avisant que ce n’était pas de l’eau. Bon sang. Pourquoi tout va de travers ? A part m’excuser je ne sais pas trop quoi faire pour réparer les dégâts et espérer qu’il oublie vite . Lui a l’air de prendre ca avec un détachement que je lui envie. Je ne sais pas trop pourquoi je me sens aussi mal en fait. Le verre de rosé avalé trop vite ? Le quiproquo qui ne laisse plus de place au doute sur le fait que je suis une imbécile ? Le fait que même en le sachant homosexuel mon corps me trahisse ou juste que je doive digérer cette information comme si ça devait avoir de l’importance pour moi ? Surement un peu de tout.

Je relève à peine les yeux vers lui quand il me propose de rester manger. La bonne réponse est évidement « non », mais c’est un mot que j’ai toujours du mal à prononcer avec Liam, pas seulement parce que j’ai la tête qui commence déjà a tourner un peu. Avant que je sache lui répondre, il arrive à capter mon attention avec sa 2e proposition et je redresse, enfin, mon visage vers lui en essayant de deviner si c’est du lard ou du cochon. L’alcool fait que c’est sans filtre que je pose la question avec un air penaud :

« J’imagine que quand tu parles de gâterie, tu ne penses pas a ce que je te fasse un dessert mais que c’est encore une allusion sexuel ? »

J’avance vers la chaise avec précautions avant d’ajouter, toujours avec un air contrit :

« Je suis vraiment désolée, je ne suis pas… très douée avec ce genre de sujet, mais j’aime bien manger chinois et en plus je me vois mal appeler Maman pour lui dire que je vais récupérer Thea, finalement, parce que le plombier que tu attendais était juste ton amoureux et que je suis vraiment irrécupérable…»

J’essaye de dire cela sur le ton de la plaisanterie, mais ca fait pourtant vraiment mal.

« Je trouverais un moyen de me rattraper, je te le promets… »

Même si c’est faire son ménage pendant des semaines.

Tant que ca reste en famille

Emma Lockwood et Liam Keller

“Beaucoup de divorces sont nés d'un malentendu. Beaucoup de mariages aussi.” - Tristan Bernard

S’il avait pensé une seule seconde qu’Emma prendrait ses plaisanteries pour des moqueries à son encontre, alors il se serait abstenu de les faire. En réalité, il ne riait pas d’elle, mais de la situation. Depuis bien longtemps maintenant, Liam avait compris que prendre les aléas de la vie du bon côté était toujours la meilleure des choses à faire. Rien ne servait de s’énerver, il était toujours plus productif et plus intéressant de rire des petits problèmes du quotidien plutôt que d’en faire des montagnes. Après tout, la plupart du temps, il n’y avait absolument rien de grave dans les embûches rencontrées, elles étaient toutes surmontables, et voir le verre à moitié plein rendait toutes les situations plus faciles à appréhender.

En l’occurrence, son rendez-vous avorté n’avait rien de catastrophique. L’homme qui devait le rejoindre ne représentait rien face à un moment passé en compagnie de la jeune et jolie infirmière. Peut-être aurait-il dû dire cela au lieu d’employer des phrases détournées pour s’exprimer. Mais lui qui était toujours si à l’aise pour dragouiller, se retrouvait systématiquement assez gauche dès lors qu’il s’agissait de la mère de sa fille. Pourtant, il ressentait bien cette attirance, il avait parfaitement conscience qu’elle ne le laissait pas indifférent, cependant, il se mettait lui-même des barrières.

Son cerveau lui envoyait perpétuellement des arguments pour briser tous les rapprochements qu’il opérait à l’encontre d’Emma. Un peu comme sur l’instant, quand il s’était approché d’elle pour qu’elle cesse de martyriser sa pauvre lèvre tandis qu’il avait enfin mis le mot exact sur ce que l’homme qu’elle avait croisé un peu plus tôt devait venir entretenir. Il n’était pas question d’un tuyau cassé ou d’un évier bouché, non pas du tout. Et alors qu’elle percutait enfin la teneur du quiproquo, elle semblait être totalement désemparée. Une nouvelle fois, il avait fait de l’humour pour faire passer la pilule, se demandant si le fait qu’elle apprenne qu’il appréciait autant la compagnie des femmes que des hommes lui poserait problème. Certaines personnes avaient tendance à être légèrement fermé sur ce sujet… Ses propres parents en étaient la preuve. Et il ne sut pas vraiment comment interpréter la réaction de la belle.

Pensant qu’elle avait besoin d’un peu de temps pour appréhender cette découverte, il lui tendit un verre de rosé frais après s’être éloigné d’elle. Lorsqu’elle s’excusa, il répondit avec détachement, assurant que son intervention n’avait aucune importance et qu’il se chargerait lui-même de faire savoir à son plombier que sa porte était toujours ouverte.

Le fait est que, tout ce qu’il voulait pour cette soirée, c’était de ne pas la passer seul. Et si aucune partie de jambes en l’air n’était à envisager avec Emma, il s’en fichait pas mal, la seule présence de la demoiselle lui suffisant. Mais elle ne répondit pas immédiatement à son invitation à dîner, cette hésitation faisant douter Liam. Encore une fois. Il a souvent tendance à penser que si elle tolérait sa présence, c’était uniquement pour le bien de Théa. Après tout, elle bottait toujours en touche dès qu’il faisait une allusion plus poussée sur leur relation, comme si cette idée était totalement inenvisageable ou qu’elle ne pourrait voir le jour que dans un univers parallèle où il n’était pas un ancien toxico sur qui on ne peut pas compter, un mec volage qui ne pense qu’à s’amuser et qui voit la vie comme un jeu. De plus, Abigaël, la mère d’Emma, n’avait de cesse de lui rappeler à quel point il ne méritait pas de faire partie du quotidien de sa fille, ce qui ne l’aidait nullement à imaginer que quoi que ce soit de plus sérieux qu’une relation de coparentalité soit possible entre eux.

Le mutisme de la jeune femme le pousse à poursuivre en faisant preuve d’une énième boutade dans le même registre que la conversation précédente. Cette dernière ne reçu pas l’accueil escompté...

« C’est le cas, effectivement, mais si tu préfères me faire un gâteau, je m’en contenterais largement. », avec cet ajout, il espérait qu’elle comprenne que ce n’était qu’une plaisanterie, et que, bien entendu, il ne s’attendait pas à ce qu’elle s’agenouille devant lui pour lui défaire son pantalon… Ça, ça l’aurait laissé totalement stupéfait !

Finalement, ce fut lui qui posa les genoux à terre en remarquant l’air penaud d’Emma. Peut-être était-il allé un peu trop loin… C’était étrange, parfois Liam avait la sensation qu’ils se comprenaient parfaitement, qu’ils étaient totalement sur la même longueur d’onde, et à d’autres moments, comme celui-ci, il lui semblait que tout allait de travers. Depuis qu’elle était revenue frapper à sa porte, il avait pensé que cette conversation était amusante, mais de toute évidence, elle ne l’avait été que pour lui, et il se maudissait d’être aussi con !

« Emma… Ne dis pas ça. », il voyait bien qu’elle tentait de faire bonne figure en employant un ton faussement joyeux, mais il n’était pas dupe. Il venait donc de s’installer auprès d’elle, s’agenouillant pour lui faire face en prenant l’une des mains de la jeune femme dans les siennes en lui offrant un regard désolé, « Je pensais que tu plaisantais, et que tu avais compris mes allusions et… Enfin, je… Tu n’as rien à rattraper du tout, je te l’ai dit, il n’y a rien de grave. Ce mec ce n’est pas mon... », bon sang, mais pourquoi il galérait autant à dire ce mot ? Sans doute parce que ça lui semblait ridicule de mentionner son rencard de ce soir de la sorte et que, encore une fois, il pensait sincèrement qu’elle avait compris que personne n’occupait ce genre de place dans sa vie. Il se sentait obligé de se justifier, quand même elle n'en avait sans doute rien à faire, « Il n’est pas mon amoureux. ». À son tour, il se sentait quelque peu penaud. À dire vrai, il ne savait pas vraiment ce à quoi elle pensait. Ce n’était pas la première fois qu’elle croisait une de ses conquêtes, elle devait bien se douter qu’il ne considérait pas ce défilé de personnes comme des histoires sérieuses, cependant, il n’envisageait pas le fait qu’elle puisse le croire homosexuel et que c’était ce point-là qui pouvait la perturber autant parce que ce fait la mettrait automatiquement sur la touche. Liam ne pouvait pas non plus croire qu’elle puisse trouver son attirance pour la gent masculine à vomir, non, cela ce n’était pas la Emma bienveillante et compréhensive qu’il connaissait. Alors quoi ? Quel était le vrai fond du problème ? « Tu sais, je suis bien plus content de partager mon repas avec toi plutôt qu’avec lui. D’ailleurs, je voulais te montrer un truc, je bosse dessus depuis un moment, tu veux bien y jeter un œil et me donner ton avis ? », la seule raison de la gêne de la jeune femme qui lui traversa l’esprit était qu’elle soit réellement confuse de l’avoir empêché de passer une soirée avec quelqu’un ayant plus d’importance qu’elle à ses yeux, or, Théa mise à part personne ne comptait davantage pour lui qu’Emma.

À présent, il la regardait avec un air de chien battu dans l’espoir de lui décrocher un sourire, et parce qu’il voulait désespérément qu’elle accepte de le suivre.

« On aura pas de kilomètres à faire, c’est dans l’appartement. », s’il avait choisi cette location, c’était parce qu’elle avait deux chambres. Bien qu’il ne soit pas autorisé à garder sa fille pour la nuit, il avait tenu à tout préparer pour le jour où Théa resterait avec lui pour plus que quelques heures. L’aménagement du lieu était terminé, il ne restait que quelques points de décoration à peaufiner, néanmoins, à présent, il pouvait ouvrir la porte à la mère de la petite pour lui montrer que tout était prêt. Sans oublier qu'elle devrait pouvoir lui donner de précieux conseils afin que tout soit parfait.

(c) princessecapricieuse

Je le regarde se mettre a genoux un peu surprise et mon cœur s’affole a nouveau quand il prend ma main. Un nouveau contact doux dont je n’ai aucune envie de me dérober. Immobile, plongée dans ses yeux bleus, je reste immobile, l’écoutant essayer de me rassurer. Je le vois hésiter sur le terme a employer pour l’homme que j’ai chassé malgré moi. Je suis encore un peu sous le choc de découvrir qu’il aime les hommes, mais je m’en veux rapidement en devinant qu’il se sent mal a l’aise vis-à-vis de moi a cause de ca. Mon Dieu !! Je suis un monstre.

« Liam !!! Non !! Ne te justifie pas !! Je… je suis maladroite. Je ... enfin... je ne … c’est juste que je n’avais réellement pas compris et … enfin… tu sais, je ne suis vraiment pas douée. Qu’il soit ton amoureux ou pas, quand tu en auras un, je ne veux pas que tu te sentes mal a nous le présenter… »

Cette phrase me coute. Pas que je sois fermée sur l’homosexualité, loin de là, je ne sais que trop qu’on ne décide pas vraiment des inclinaisons de son cœur, mais juste qu’une part mesquine de moi aurait aimé que Liam ne le soit pas. Alors que si j’arrivais a bien réfléchir, je réaliserais que c’est surement mieux ainsi. Parce que peut être que, éventuellement, il se pourrait que, potentiellement, un tout petit morceau de moi ne soit pas totalement mort durant cette grossesse solitaire et espère encore quelque chose, quoique ce la soit. Au moins, maintenant, les choses sont terriblement claires, trop peut etre pour cette petite étincelle qui est en train de se résigner. De ma main libre je me resserre un verre qui n’a rien d’une quantité française, mais plus d’une américaine, je crois que j’en ai besoin. J’arrive a sourire en prend une gorgée quand il me répète qu’il préfère ma compagnie.

« Ca me fait plaisir aussi d’être là, même si j’aurais aimé que cela soit… enfin… que je me sente moins comme une boule dans un jeu de quille. »

J’ai du mal a trouver mes mots et mes idées ne sont pas très claires. Pour autant, je le suis docilement quand il me propose de me montrer « un truc », très curieuses de découvrir ce qui semble être une nouvelle surprise. Je manque de me prendre les pieds dans un coin de tapis et me rattrape sur la main de Liam. Mais pourquoi il y a un tapis sur le sol la ou j’ai mis mon pied ? Cette idée me donne envie de rire mais, des que Liam ouvre la porte d’une pièce « secrète », je reste sans voix une longue minute, les yeux écarquillés devant cette découverte.

« C’est… c’est…. »

Je n’ai même pas les mots pour qualifier ce que je découvre dans la pièce « secrète ». Une fois de plus, Liam me prouve qu’il est non seulement un virtuose dans l’art de la surprise, mais aussi a quel point il a cœur que Thea se sente bien. Même si imaginer qu’un jour, je ne pourrais plus être dans la vie de ma fille, me fait toujours aussi mal, je sais que, quoiqu’il puisse m’arriver, elle aura le plus fantastique des papas pour prendre soin d’elle.

Maladroitement, je m’avance un peu plus dans la pièce, ne sachant pas où poser les yeux. Une étagère avec des petits livres, un lit de princesse, un coffre a jouets licorne, des rideaux assorties… mes doigts caresses presque avec tendresse les peluches qui semblent attendre la fillette sur le lit. Tout est si parfait. Je redresse la tête vers Liam, inconsciente de son angoisse tant la chambre me semble merveilleuse et que le verre de rosé me fait un peu trop d’effet. J’ai un sourire qui se dessine sur mes lèvres alors que je lui dis, avec un humour assumé :

« Je vais être jalouse ! Et ma chambre a moi ? Elle est où ? »

Certes, cela sonne le fait que Thea ne sera pas toujours avec moi, mais je ne veux y voir que le bon, Liam l’aime et il a tellement compris son univers. Je n’ose imaginer le temps qu’il a mis pour que cette chambre soit aussi parfaite.

« Quand Thea la verra, tu peux être sur qu’elle ne voudra plus retourner chez moi. »

Je glousse à cette phrase qui est pourtant tristement vrai, mais le rosé m’aide vraiment à rester positive. Je ne vois que son bonheur a eux deux. C’est tout ce qui m’importe. Ici, pas de cachette « au cas où le vilain monsieur viendrait», de la place pour jouer, une fenêtre avec, certainement, beaucoup de lumière la journée, je l’imagine vraiment grandir dans cet endroit, loin de la peur. Une vie normale et heureuse… Pensivement, je propose :

« Elle est vraiment magnifique. Mais je me dis que nous pourrions retourner a la plage et remplir quelques bouteilles de sables et de coquillages pour qu’elle ait aussi un peu de sa nouvelle passion dans sa chambre. Tu en penses quoi ? »

Je lui fais un clin un peu grossier qui me tire un petit rire. Théa lui ressemble tellement, déjà physiquement, mais je sens que dans pas longtemps, elle voudra aussi sa planche de surf. Je lui ai déjà montré un petit film de la passion de son papa et ça lui a beaucoup plus. Je reviens vers lui, un peu maladroitement, mais je ne suis pas ivre, évidemment, qui le serait avec juste un verre de rosé ? Un ou deux, je ne sais plus. Peu importe. J’ai juste un tout petit peu la tête qui tourne mais ca n’a rien a voir. C’est avec un faux sérieux que je n’arrive pas a garder longtemps que j’ajoute :

« Et sinon, ma chambre a moi ? Tu ne m’a toujours pas dit, elle est où ? J’ai au moins un lit de princesse j’espère. »

Je ne sais pas si je me rends vraiment compte de ce que ressent Liam de ne toujours pas la prendre avec lui sans devoir s’encombrer de moi, maman ou l’assistante sociale, mais j’imagine bien qu’il doit trépigner. Avec douceur, même si mon geste est un peu gauche, je lui attrape la main et, c’est un peu timidement que je lui propose :

« Est… est ce que tu crois que tu aimerais bien venir un soir à la maison… manger avec nous et comme ça, tu pourrais un peu voir les petits rituels du couché ?... Et pourquoi pas passer aussi un matin aussi, je te montrerais comment lui faire ses couettes ? »

Je recommence a mordiller mes lèvres nerveusement, un peu tendue de sa réponse, alors que la sonnette retenti. Surement le livreur. Je me contente de lui sourire avant de le laisser gérer ça. Comme une idiote, je n’ai même pas de quoi me prendre un ticket de bus sur moi, je me sens affreusement stupide et parasite. Je me sers un autre verre avant de sentir mon téléphone vibrer. Je décroche dès que je reconnais le numéro et mets l’interphone pour que Liam, qui revient avec les commandes, puisse entendre aussi.

« Bonjour ma puce !! Vous êtes bien arrivées ?
- Oui Maman !! Tu me manques !! Papa aussi !! Tu lui as fait mon bisous ? Ca va son tuyau qui fuit ? Tu arrives a trifouiller pour que ça arrête de couler ?»

Je regarde Liam, partager entre l’envie de mourir de honte et celle de pouffer de rire. Je tente de garder une voix sérieuse :

« Maman a les choses en mai… enfin… maman gère… »

Je n’arrive même pas a regarder Liam en disant ca et vide mon verre a nouveau en manquant de tout recracher quand une autre voix retentie :

« Emma ? Tu as une drôle de voix. Tu n’as pas bu au moins ? Tu sais bien que tu ne tiens pas l’alcool… alors dis moi que tu n’as pas bu… »

J’ai un gloussement d’ado coupable et essaye de trouver une parade, sans me douter que j’ai la voix un peu pâteuse. Sauf que ma mère enchaine impitoyablement :

« Tu te souviens de ce qui s’est passé la dernière fois que tu as bu ? Et tu as ta bombe aux poivres avec toi au moins?
- Je … t’en… tends… mal... je… bisous… »

Je tente de raccrocher comme je peux mais la précipitation n’aide pas mes gestes. Maman a le temps d’enfoncer le clou avant que j’arrive a couper.

«EMMA ?!! JE TE PRÉVIENS SI EN PLUS TU ES AVEC LUI… »

Ouf, j’arrive a fermer et j’ai un rire de gamine quand je dis a Liam :

« Oups ! Je crois que je vais me faire gronder. Pas sure que tu ne regrettes pas l’autre plombier finalement. Et pour information, je... je tiens tres bien l'alcool!»

Tout en disant ca j'essaye de m’assoir et me rattrape de justesse alors que la chaise 'est pas tout a fait la où je pensais qu'elle était. Je la regarde en fronçant les sourcils, comme si j'avais un doute sur le fait qu'elle aurait pu bouger toute seule.

Tant que ca reste en famille

Emma Lockwood et Liam Keller

“Beaucoup de divorces sont nés d'un malentendu. Beaucoup de mariages aussi.” - Tristan Bernard

Il avait senti son cœur se serrer. Pourtant, ce qu’Emma était en train de lui dire était adorable, après tout, elle voulait lui faire comprendre qu’aucune gêne quant à un futur avenir amoureux ne devait avoir sa place entre eux. Le hic ? C’est que, au fond, Liam aurait voulu entendre tout autre chose. Le fait qu’elle soit prête à rencontrer une personne pouvant partager la vie du jeune homme lui tordait les tripes. Si elle pensait cela, c’est que, comme il avait déjà cru le comprendre de par le passé, elle n’envisageait nullement le moindre petit rapprochement avec lui. Dans ces jolis iris verts qui le regardaient, tout ce qu’il voyait c’était de l’affection pour un homme avec qui une nuit avait été partagée et avec qui, désormais, elle devait composer pour le bonheur de leur fille. En somme, il n’y avait là rien de très romantique ! Il avait ce sentiment étrange de rejet, alors qu’elle ne faisait que le soutenir. Mais une fois encore, ils ne parvenaient tout simplement pas à comprendre réellement ce que l’autre disait. Un jour, il serait bon, pour l’un comme pour l’autre, qu’ils parviennent à communiquer et à se dire franchement les choses…

L’observant sans rien ajouter, il se contentait de la regarder sans véritablement la voir, trop obnubilé par les mots qu’elle venait de prononcer. C’était un peu comme si ces dernières confidences sonnaient la fin d’un chapitre ; celui où il pouvait encore espérer réunir ce qui, pour lui, était sa famille. Puis la brune se servit un nouveau verre, redonnant à Liam sa capacité à s’exprimer, le poussant à faire une dernière tentative en lui expliquant qu’il est heureux qu’elle soit là, avec lui.

« Tu sais bien que tu peux venir sonner à ma porte n’importe quand, et peu importe avec qui je suis. Tu ne me déranges jamais, et tu passeras toujours avant. », sa main était toujours accrochée à celle d’Emma, et il resserra doucement ses doigts sur ceux de la jeune femme dans l’espoir qu’elle assimile parfaitement ses mots. Il était plus que sérieux. Pour lui, rien ni personne n’était, ou ne sera jamais, plus important qu’elle. Elle compte tellement à ses yeux qu’il lui ait impossible de lui cacher plus longtemps ce qu’il prépare depuis de nombreuses semaines, alors il lui propose de le suivre afin de découvrir ce qui lui a occupé pas mal de ses journées de repos et de ses soirées de libres.

Plus ils approchaient de la pièce surprise, plus un vent de panique s’engouffrait en lui. Et s’il avait visé à côté ? Si Emma lui disait que Théa allait détester jusqu’au plus petit détail auquel il avait pensé pour elle ? Et si… ?

« C’est si horrible que ça ? », il avait ouvert la porte, mais l’infirmière était restée stoïque avant de bafouiller sans être capable de sortir une seule phrase. « J’en ai fait des caisses… Je pensais que ça plairait à Théa d’avoir un endroit un peu hors du temps, mais… Ce n’est pas grave, je peux repeindre les murs et revendre quelques babioles. », il avait suivi Emma quand elle était entrée et pendant qu’elle parcourait les lieux en silence, lui, il avait attrapé une peluche en forme de licorne pour lui faire une moue désolée. Pauvre bête, il allait devoir s’en séparer !

Le sourire qu’il voyait se dessiner sur les lèvres de la mère de sa fille lui fit étirer les lips également, puis un léger rire s’échappa de sa gorge quand elle lui demanda où était sa chambre. Il n’avait pas eu le temps de rétorquer qu’elle avait repris la parole, ce qui le rassura immédiatement.

« Sérieusement ? Tu crois que ça va lui plaire ? On va pouvoir garder Mistinguette alors ! », sa voix s’était élevée pour prendre un ton nettement plus enthousiaste, puis il se gratta l’arrière du crâne avant d’ajouter, « Mistinguette, c’est la licorne, je lui ai donné un prénom. Je la trouve trop mignonne. ». Il se sentait un peu ridicule, mais il était beaucoup trop heureux d’entendre que Théa se sentirait bien ici pour s’en formaliser, « Tu lui manquerais beaucoup trop si elle restait ici. Faudrait que je vienne te kidnapper pour t’enfermer avec elle. Tu imagines l’horreur, tu devrais passer tes journées à faire parler des peluches et, en prime, tu devrais me supporter ! On t’évitera ça, et je te promets de te rendre Théa. ». Il avait ri sur à la fin de sa phrase, cette conversation étant initiatrice de plus de moments passés avec sa fille ne pouvait que le rendre heureux et un brin idiot.

« Mademoiselle Lockwood… Es-tu en réellement en train de me proposer de retourner à la plage ? Moi, je signe tout de suite ! On peut se programmer ça pour un des week-ends qui arrive, et je pourrais vous emmener découvrir une autre plage, j’en connais une qui forme comme une petite crique, les vagues sont quasi-inexistantes là-bas alors on pourrait faire une nouvelle tentative de baignade tous les trois. Ça… Ça te dirait ? », il était quelque peu hésitant. Leur dernière escapade à l’océan était un bon souvenir pour lui, il avait pu, enfin, assister à une première fois de Théa, mais la peur d’Emma face à l’eau le turlupinait encore. « D’ailleurs, l’autre jour je me disais que, si tu le souhaites, et si tu as suffisamment confiance, on pourrait aller surfer. Juste toi et moi. », son regard s’était fait fuyant alors que son invitation pouvait sonner comme un rendez-vous, « Il parait que pour vaincre ses peurs, il faut les affronter alors… On pourrait y aller en douceur. Peut-être qu’assise sur une planche, ça te semblerait moins effrayant. ». Son idée était sans doute stupide, la réaction de la demoiselle avait été assez virulente la fois précédente, elle avait été totalement tétanisée alors se retrouver en plein milieu des vagues ne devrait pas être le truc le plus rassurant du monde pour elle. Mais pour Liam, l’océan était un endroit merveilleux, un havre de paix et de liberté, et il tenait vraiment à ce qu’elle puisse parvenir à ressentir ça à son tour.

Emma s’était rapprochée lentement, et Liam avait pensé qu’il venait de faire chou blanc avec sa proposition et il fut étonné de la question qu’elle lui posa, « Ta chambre ? ». À son tour, il avait fait un pas vers elle, son sourcil dubitatif se transformant en une mimique taquine tandis qu’il avait lancé Mistinguette sur le lit avant de lever doucement sa main vers la jeune femme pour effleurer son bras, « J’ai qu’un seul autre lit à te proposer, il se trouve de l’autre côté du couloir... ». Il avait un peu de mal à la suivre. Un peu plus tôt, il lui avait semblé qu’elle s’était montrée assez claire quant à leur destin et là, soudain, il avait l’impression que cette question rééditée était une suggestion presque… graveleuse ?

Quand elle avait repris la parole en lui attrapant la main pour lui proposer de venir un soir chez elle, il l’avait attiré à lui. Son geste avait été hésitant, il n’avait pas mis trop de force afin qu’elle ne se sente obligée à rien puis il s’était mis une claque mentale en l’entendant parler à nouveau de Théa. Décidément, il était à côté de la plaque et rien de tout ceci n’avait de rapport avec eux. De toute évidence, elle ne pensait qu’à leur fille, et à rien d’autre.

Gardant le contact de leurs mains, il s’était tout de même éloigné d’un pas en arrière en comprenant qu’il faisait fausse route. Ce n’était pas la peine de se torturer davantage. « Oui, c’est une excellente idée. », sa voix laissait transparaître un peu sa frustration avant qu’il n'affiche un sourire radieux, « Sans ça, je serais capable de l’accompagner à l’école en pyjama quand elle viendra dormir ici ! Il faudra que tu me fasses une liste de choses à ne surtout pas oublier, c'est primordial ! ». L’image d’une Théa se réveillant dans cette chambre, prenant son petit-déjeuner dans sa cuisine et restant avec lui pour une nuit balaya sa déception.

Son portable venait de vibrer en même temps que la sonnette, annonçant l’arrivée du repas et il n’avait pas perdu une seconde pour dire à Emma de s’installer à table le temps qu’il aille récupérer les plats.

En passant la porte d’entrée avec les bras chargés, il avait entonné en riant, « J’espère que tu as faim ! Il y en a pour un régiment. ». Mais, en pénétrant dans le salon, il avait entendu des voix, alors il ajouta en murmurant, « Désolé. ». Son excuse valait autant pour le dérangement de sa conversation téléphonique que pour le malaise qu’il pouvait voir quand elle répondit à Théa. Cependant, il ne put s’empêcher de ricaner bêtement en l’entendant se reprendre sur comment elle gérait la situation. Alors qu’il s’apprêtait à dire à sa fille qu’elle pouvait être fière de sa mère qui s’avérait être une réparatrice de tuyau hors pair, une autre voix lui coupa l’herbe sous le pied.

Abigaël… La grand-mère ne semble pas très contente ! Ce petit spectacle de chamaillerie familiale fait doucement sourire Liam, qui, lorsque cela est mentionné par la ronchon Lockwood, avise le verre de vin d’Emma. Jusque-là, il n’avait pas remarqué qu’elle s’était resservie, alors il avait pensé qu’elle sirotait tranquillement la boisson qu’il lui avait initialement préparée. Tout en installant les plats préparés sur la table, Liam fit un geste à la brune ; un geste signifiant de façon amusante que ça allait barder pour elle. Cependant, le jeune homme s’était raidi à l’injonction suivante sortant du combiné. C’était à croire qu’aucun de leur parent n’avait foi en lui… Grand-maman Lockwood et les grands-parents Keller devraient s’entendre à merveille ! S’ils se rencontraient, ils auraient un super sujet sur lequel ils seraient entièrement d’accord : la nullité de Williamson Junior Keller. À coup sûr ils passeraient des heures à lui trouver tous les défauts du monde sans parvenir à lui trouver une seule toute petite qualité.

« Ta mère m’adore, ça fait vraiment plaisir. », Emma avait raccroché rapidement et lui, il avait dit sa phrase sur un ton rempli de sarcasme comme s’il trouvait cela particulièrement amusant. On ne peut pas plaire à tout le monde, Liam en avait conscience, mais il apprécierait qu’une fois de temps en temps, on cesse de ne voir que son passé pour se concentrer un peu sur celui qu’il essayait de devenir !

« Oulaaaa, reste avec moi. », il s’était précipité vers Emma qui venait de viser à côté de l’assise de la chaise, « Apparemment, elle n’a pas tout à fait tort concernant l’alcool. ». Il venait de la rattraper au vol afin qu’elle ne se retrouve pas les fesses par terre, l’un de ses bras passants dans le dos de la jeune femme rapidement pour se déposer sur sa hanche opposée pour la soutenir, sa main de libre se saisissant du verre toujours tenu par les doigts d’Emma. Dans un geste lent, il fit redescendre la coupe, entraînant avec elle la main de la jeune femme pour redéposer calmement le verre sur la table, « Tu veux baptiser mon parquet au rosé ? Tu en as bu combien ? ». Il n’y avait aucune critique dans sa voix, il était simplement amusé – et un peu étonné - de la voir se lâcher un peu. Elle qui était toujours si sérieuse…

« Manger va te faire le plus grand bien. T’asseoir aussi, sur la chaise de préférence. », maintenant encore Emma, il tira ladite chaise en arrière, « Il va falloir que je t’apprenne à picoler. Le principe est très simple : un verre d’alcool doit toujours être suivi d’un verre d’eau. Et surtout, on évite de boire avec le ventre vide ! ». Il s’était installé à son tour avant de servir une bonne portion de poulet impérial dans l’assiette destinée à la jeune femme.

(c) princessecapricieuse

Malgré le rosé, je sens bien qu’il y a quelque chose qui gêne Liam dans ce que je viens de dire. Je m’en veux horriblement de cette situation qui vient, forcement, de ma maladresse lorsque j’ai réagi. Il ne peut pas imaginer le choc d’apprendre qu’il est homosexuel. Ca n’a rien a voir avec de l’homophobie c’est juste que… en fait je n’étais pas prête a encaisser cette information. Même si ça peut expliquer son départ soudain, il y a 6 ans, cela met fin, trop brutalement, a l’envie d’être plus que la mère de se fille avec qui il s’entend bien. Sa main qui se resserre sur la mienne me ramène a l’instant et m’aide à faire bonne figure. Ses mots sont vraiment gentils, mais cela sonne maintenant comme la BFF qui passe avant ses petits amis. C’est surement le mieux que je pouvais espérer et je devrais m’en contenter, pourtant, tout a un arrière-gout d’amertume. A mon habitude, c’est avec un peu d’humour que j’essaye d’appréhender les choses. Malgré la gêne de cette situation, j’arrive à lancer en gloussant :

« Tu n’as pas peur que ton experte en plomberie fasse fuir tous tes prétendants ? A ce rythme-là, tu seras obligé de te résigner à me supporter jusqu’à devenir grabataire. »

Le 2e verre m’aide à tenir, pour autant, la découverte de la chambre de Thea chasse presque toutes les ombres de mon esprit déjà étourdie par l’alcool. Je suis tellement en adoration devant cette chambre de princesse que je ne comprends pas tout de suite la remarque de Liam.

« Mais… pourquoi enlever des choses ! Elle va tellement adorer cette pièce ! »

Je mets un certain temps à comprendre qui est Mistinguette avant d’éclater de rire et de lui serrer le sabot avec ma main.

« Enchantée Mistinguette, je pense que je suis ta future mamie du coup, car je pense que tu es trop mignonne pour ne pas être adoptée par Thea. »

La petite avait récupéré l’un des rares vestiges de mon enfance : mon propre doudou, une grosse peluche renard toute éliminée, mais je pressens qu’elle en aura bientôt deux en découvrant la licorne que lui a choisi son papa. C’est plissant les sourcils et avec beaucoup de sérieux que j’écoute la proposition de kidnapping de Liam avant de rire en même temps que lui :

« Promis, je ne me débâterais pas trop pour pouvoir rester avec vous deux, je pourrais même oublier d’appeler à l’aide ou de vérifier que je suis bien enfermée a clé. C’est surement toi qui me mettras à la porte au bout d’un certain temps tellement tu en auras marre. »

C’est avec un visage de poupée un peu inexpressif que je reste à le scruter alors qu’il me propose de retourner à la mer, sans Thea. Peut-être qu’a un autre moment, j’y aurais vu une proposition pour passer du temps que nous deux, choses que nous n’avons pas vraiment fait depuis sa sortie de centre, mais maintenant, je sais qu’il ne fait ça que par gentillesse. Je me sens tellement stupide en repensant a tous ses petits gestes qui m’avaient tant troublée alors que ce n’était que des intentions amicales. J’ai le regard un peu fuyant et, une fois de plus, je connais la bonne réponse sauf que, comme d’habitude avec Liam, ce n’est pas elle que je lui donne.

« Si c’est avec toi et que tu me jure que ça ne te dérange pas, je… je crois que j’aimerais bien retenter. Comme ça, je pourrais entre dans l’eau avec vous deux a nos prochaines sorties tous ensembles. »

Je ne sais pas si ca marchera, mais j’ai vraiment envie de partager leur univers. Mon enthousiasme enfantin revient au galop quand je lui redemande ou est ma chambre de princesse. J’ai beau savoir que je ne suis pas assez masculine pour lui, le passage de ses doigts sur ma peau me laisse un sillon de chaire de poule et me fait frissonner. Je penche ma tête légèrement sur le côté, par certaine de bien comprendre sa réponse. Il m’a vraiment fait une chambre de princesse aussi ou c’est une blague qui m’échappe encore ?

« Tu as une 3e chambre dans ton appartement ? »

C’est vrai que je n’ai jamais vraiment visité chez lui, mais vus les loyers ici, c’est presque fou de penser qu’il a réussi à avoir un 4 pièces. Et ca l’est encore plus de d’imaginer qu’il est envie que je sois avec eux, ici. C’est tellement ridicule en fait d’imaginer ca alors qu’il trépigne de pouvoir passer du temps avec sa fille sans moi dans ses pattes… Je me sens attirée vers lui a ma proposition qu’il vienne a la maison, avant de le voir reculer comme si je l’avais blessé. Je le connais trop pour ne pas noter qu’il y a un problème au son de sa voix. Un peu trop directe avec le peu de vin que j’avais déjà pris, je ne peux retenir un :

« J’ai… j’ai dit quelques choses de mal ? »

Je pense comprendre quand il ajoute qu’il lui faudra la liste des choses a ne pas oublier : il s’imagine surement que je n’ai pas confiance. Grand Dieu !! Comment je peux être aussi maladroite ?!! Je n’ai même pas fait attention que je tiens toujours sa main alors que j’essaye de réparer les choses.

« Liam !! Tu vas assurer ! J’en suis sure… je… je ne voulais pas dire que je doutais de toi. C’est juste que Thea a ses petits rituels et qu’elle va tenter de te mener par le bout du nez pour avoir un livre de plus le soir ou te faire changer 100 fois de tenue le matin et te demander des coiffures épiques. Après, je … enfin, c’est évident que tu vas gérer sans moi ou mes conseils. Je… je suis désolée, sincèrement, si je t’ai blessé. Ne te sens obligé a rien. »

Heureusement, je suis sauvée par le gong de ce moment ou j’ai l’impression de m’enliser au lieu de m’en sortir. La conversation avec ma mère, assortie d’un nouveau verre, a au moins le mérite de me faire glousser, même si ce n’est pas drôle. Liam, qui revient avec des sacs dont l’odeur donne faim. Je glousse aux mimiques du pompier avant d’expédier maman. Je ne suis pas assez sobre pour faire autres choses que rire à la pique envoyée.

« Thea et moi on t’aime pour 100, ça compense non ? Et puis, tu ne peux pas lui en vouloir pour ça, j’ai été pénible pendant ma grossesse et… OUPS »

Je manque de me ramasser, ce qui m’arrache un nouveau gloussement alors que Liam, une fois de plus, accoure à mon secours. Je suis un peu trop grisée pour me sentir mal a l’aise de son contact, c’est même beaucoup trop le contraire. Je fais une petite grimace a sa question sur le nombre de verre pris:

« Je ne sais pas. Personne ne m’a dit qu’il fallait compter. Et si je tache, promis, je nettoie ! »

Docilement, je me laisse installer a la table, sans bien appréhendée mon état. Je suis juste contente d’être là, avec Liam, d’avoir en plus des plats que je n’ai pas cuisinés, luxe impensable depuis que le faussaire était entré dans ma vie. Bref, je plane un peu et le remercie en voyant une assiette qui me semble un peu trop garnie. C’est sans filtre que je continue, tout en plaisantant :

« Ca a l’air trop bon !! J’ai bien fait de piquer la place de ton rendez-vous ! Et non… j’évite de boire ! Il ne faut pas. La dernière fois que je l’ai fait, figure toi que je suis tombée enceinte ! »

J’arrive a en rire, même si, dans les fait, j’ai passé des mois a pleurer de ca. Pas tant d’être tombée enceinte, mais plus d’avoir réussi a le faire fuir sans savoir trop ce que j’avais mal fait.

Tant que ca reste en famille

Emma Lockwood et Liam Keller

“Beaucoup de divorces sont nés d'un malentendu. Beaucoup de mariages aussi.” - Tristan Bernard

Lorsqu’il dit qu’Emma passera toujours avant quiconque, il le pense réellement. Est-ce que, dans les faits, ce sera véritablement le cas ? Il en est convaincu. Mais s’il est sûr de lui, c’est parce qu’il ne s’imagine pas possible que quelqu’un d’autre parvienne un jour à lui faire ressentir ce qu’il ressent dès qu’elle est proche de lui. Il la sent bien cette petite étincelle qui brûle au fond de lui à chaque fois que leurs peaux entrent en contact, pour autant, il n’ose pas se l’avouer totalement. La peur de tout flanquer par terre est trop forte, sans oublier qu’elle lui fait régulièrement comprendre que rien de plus qu’une bonne relation de coparentalité n’est possible entre eux. Encore à l’instant, elle lui assure qu’elle accueillerait avec plaisir la personne kidnappant son cœur, alors, forcément, il préfère s’auto-persuader que la pointe qui vient enserrer son estomac en l’entendant lui dire cela ne vient absolument pas de la déception que lui procure ces mots. Faire l’autruche, c’est tout aussi bien. En tout cas, c’est moins douloureux. Lui, par contre, il ne lui retourne pas la politesse. Si elle devait lui présenter quelqu’un, il ne le vivrait pas aussi bien qu’elle. Surtout pas s’il s’agissait de cet arrogant de chirurgien rencontré lors de leur sortie à la plage…

« Je n’ai pas encore vu mon experte personnelle à l’œuvre. Et je ne crois que ce que je vois ! », il était, encore une fois, en train de lui tendre une perche dissimulée sous un sous-entendu de réparation de tuyauterie. Keller, soit plus direct avec elle !

S’en était terminé de la plomberie, et il était grand temps de se concentrer sur de la décoration. Liam est légèrement inquiet à l’idée de dévoiler la chambre qu’il a préparée pour Théa. Et si cette dernière n’appréciait pas ? Alors ce ne serait pas très grave, il referait tout. Il irait jusqu’à repeindre le moindre petit centimètre carré de cette pièce si cela pouvait rendre sa fille heureuse. Il serait un peu dégoûté tout de même, après tout, il avait passé des heures à tout préparer et cet échec ne ferait que démontrer qu’il ne connaissait pas aussi bien qu’il le pensait sa petite tête blonde préférée. Fort heureusement, Emma le rassura, tout était parfait.

« On n'est pas un peu jeune pour devenir grands-parents ? », son rire fend la pièce quand Emma se présente à Mistinguette. Il avait pensé être un père un peu trop gaga en donnant un surnom à la peluche choisie, mais qu’importe, il assumait ! S’il le pouvait, il passerait tout son temps avec son costume de père, et il accepterait bien volontiers qu’Emma l’accompagne en permanence. Il ne trouve pas mieux pour exprimer son envie que de parler de kidnapping et de journées entières partagées rien que tous les trois, « Marre de toi ? Ça n’arrivera jamais. ».

Sa dernière phrase lui offre le parfait alibi pour faire une autre proposition, celle d’un moment à deux. Il s’arme de courage pour la faire, craignant de faire face à un refus catégorique. Peut-être n’a-t-elle pas envie de passer plus de temps que nécessaire avec lui… Liam, lui, il camoufle son souhait d’un tête-à-tête avec l’idée de lui faire oublier sa peur de l’eau. Ainsi, son offre ressemble moins à un rendez-vous et plus à gentille attention. Pourtant, qu’on se le dise, si elle dit oui, il verra ce futur projet comme un rencard ! Ou comme la possibilité d’un éventuel rencard.

« Alors c’est acté ! On va tenter de faire passer cette peur en douceur. Bientôt, on ira nager tous les trois, en famille ! », ses yeux doivent être en train de pétiller sous cette image. Mais ce n’était pas uniquement le fait de s’imaginer profiter de l’océan avec les deux femmes de sa vie qui l’enthousiasme autant ; Emma a dit oui ! Oui à sa proposition de se voir en dehors de ses rencontres avec Théa. Oui à sa proposition de n’être que tous les deux durant quelques heures. Oui, tout simplement oui !

Devant cette acceptation, le blond s’emballe. Son cerveau envoie valdinguer les barrières qu’il met habituellement, et il commence à voir dans les mots et les actes d’Emma bien plus que ce qu’elle ne dévoile en réalité. Elle s’était approchée de lui, il en avait fait autant en ne la quittant pas du regard. Ce changement d’attitude est quelque peu incompréhensible. Habituellement, elle l’envoie sur les roses en douceur dès qu’il fait preuve de la moindre initiative plus équivoque, elle l’a d’ailleurs encore fait seulement quelques minutes plus tôt avec cette incompréhension concernant le plombier… Et soudain, c’est elle qui semble faire des allusions. Pourtant, il se laisse prendre au piège. Sans doute que son désir de voir une telle chose se produire le pousse à ne pas vouloir comprendre qu’elle ne pense pas réellement à partager sa chambre en évoquant celle lui étant destinée.

« Pour quoi faire ? Théa t’a reparlé d’une petite sœur ? », non, clairement, il ne percute pas qu’elle est sérieuse ! Et il s’enfonce un peu plus dans son erreur quand elle lui propose de venir chez elle un soir. Pas une seule seconde, il s’imagine que c’est pour le préparer à une future nuit de sa fille chez lui, alors quand il l’attire délicatement en lui attrapant la main, le regard qu’il pose sur elle se remplit d’envie. Ses prunelles bleues dérivent d'ailleurs jusqu'aux lèvres de la belle tandis qu'il remet en place un mèche de cheveux derrière l'oreille de la brune. Elle ne fait jamais de tel sous-entendu en temps normal. Cela aurait certainement dû lui mettre la puce à l’oreille…

Le retour sur terre fait mal. Elle lui explique qu’après le dîner, il pourrait assister à la préparation du couché de Théa, et que le lendemain matin, en revenant à l’appartement des demoiselles, il verrait comment la préparer pour l’école. Voilà. Il s’était tout simplement fait des idées. Et à présent, il se sent affreusement idiot alors qu’il recule d’un pas en percutant sa méprise. Évidemment, Emma se rend compte de son malaise, lui donnant l’impression qu’elle lit en lui comme dans un livre. Ou presque, puisqu’elle ne semble pas avoir compris ce qui le travaille, « Non. C’est moi, j’ai cru que… ». Alléééé, c’est le moment de se lancer ! Dis-lui à quoi tu pensais espèce d’imbécile, au moins, tu seras fixé ! Prenant une grande inspiration, il ouvre à nouveau la bouche. Tout ce qui en sort n’a rien à voir avec la choucroute, et il lui dit simplement qu’elle va devoir lui faire une petite liste de tout ce qu’il ne devra pas oublier. Crétin !

Après lui avoir expliqué par A puis par B qu’il s’en sortirait à merveille, Emma s’excuse qu’il ait pu penser qu’elle doutait de lui. Maintenant, il se sent non seulement stupide de sa méprise, mais également mal à l’aise de la laisser se mettre dans un tel état alors que ça n’a pas lieu d’être.

La sonnette vient mettre fin à ce moment horrible, et aucun d’eux ne traîne pour passer à autre chose, mais ils n’ont pas les mêmes raisons pour le faire.

En revenant, plus serein et avec le sourire, avec les plats en mains, Liam s’amuse de la conversation téléphonique qu’il entend. Mais c’est à croire que ces deux-là ne peuvent pas vivre sans qu’un élément extérieur ne vienne les déranger… Abigail Lockwood venant mettre son grain de sel aurait pu rendre, encore une fois, le moment un tantinet gênant. Heureusement, malgré son agacement, le pompier commence à prendre toutes ses remarques avec dépit et lassitude, alors il préfère se contenter d’une phrase énoncée sur le ton de l’amusement.

« Tu sais que, malgré ta maladresse, tu es adorable. », elle est dans ses bras. Encore. Cette promiscuité fait s’emballer son myocarde qui tambourine dans sa poitrine alors qu’il ajoute avec un sourire taquin, « Tu viens de dire que tu m’aimes ? ». Ses yeux s’écarquillent quand il termine. Bon sang, mais il doit avoir un côté masochiste ! Il tend littéralement le bâton pour se faire battre et se prendre une nouvelle baffe en plein visage… Ou en plein ego. Au choix.

Focalisant son attention sur le verre, il décide de le mettre en sécurité. Le verre, ainsi que son parquet. Son rire retenti, « Du coup, tu joues au plombier ET à la femme de ménage ? ». Il tire la chaise pour qu’Emma puisse enfin s’asseoir ailleurs qu’au sol avant de parfaire son éducation en matière d’alcool, « Tu devrais éviter les gestes brusques, tu vas finir avec la tête qui tourne. Manquerait plus que tu t’évanouisses. Abigail serait furieuse de savoir que j’ai dû te faire du bouche-à-bouche ! ».

Assis à leurs chaises respectives, Liam sert une belle assiette accompagnée d’un verre d’eau à la demoiselle avant de porter à ses lèvres le rosé qu’il n’avait pas encore goûté. « Il est bon, je comprends que tu aies eu envie de te resservir. », il regarde la bouteille pour constater qu’elle en avait déjà vidé une bonne moitié, « Je crois qu’il vaut mieux que je la garde loin de toi, si tu as soif, tu attrapes ce verre-là, ok ? ». Il pointe celui remplit d’eau avec un sourire amusé, la voir pompette n’était pas une chose habituelle, et elle le lui confirme de façon assez… franche et étonnante.

Quand elle lui raconte la dernière fois qu’elle a bu plus que de raison, Liam manque de s’étouffer avec le morceau de poulet qu’il est en train d’avaler.

« Oh. Euh... », tout à coup, il comprend mieux pourquoi sa mère lui a dit de faire attention ! « Je suis si ennuyeux que ça pour que tu aies envie de picoler autant dès que tu es seule avec moi ? », l’un de ses sourcils se lève dans un mouvement narquois. Contrairement à ce que peuvent laisser transparaître ses mots, il ne se vexe absolument pas. Il a compris depuis un bon bout de temps qu’Emma ne se laisse pas souvent l’occasion de s’amuser, et il a conscience que c’est également en partie de sa faute. Elle gère beaucoup de choses, son travail, sa validation des acquis, leur fille, « Tu devrais t’accorder plus de temps pour toi, tu es trop jeune pour être toujours aussi sérieuse ! Et puis, tu sais... Toutes les soirées ne se terminent pas de la même manière. ». Heureusement d’ailleurs, sinon il aurait une colonie à l’heure qu’il est vu le nombre de nuits mouvementées qu’il a son actif !

La vie est courte, Emma en est témoin chaque jour de par son métier, alors elle devrait en profiter un peu plus. Lui, c’est ainsi qu’il voit les choses. Bien sûr, il n’est pas forcément un exemple à suivre… Pour autant, il trouverait ça chouette qu’elle réussisse à lâcher la bride de temps en temps. « Oublie d’être raisonnable. », il repousse doucement le verre de rosé de la jeune femme vers elle, une risette à la fois rassurante, un poils moqueuse et contenant une pointe de défi étirant la commissure de ses lèvres, « Tu peux le terminer, je te surveille et je te raccompagnerais jusqu’à chez toi pour m’assurer que tu rentres en un seul morceau et que tu ne sautes pas sur le premier venu en chemin. ».

Prêt à trinquer avec elle, il venait de se dire que, de toute façon, elle était déjà un peu ivre.

(c) princessecapricieuse