Liam Keller - Mieux vaut des remords que des regrets, alors vivons comme si demain n'existait pas

Anecdotes 1/ Williamson est le prénom qui apparait sur ses papiers d'identité. Il est suivi de Junior, sans doute pour faire comprendre au monde entier qu'il ne vient pas de nulle part et que son paternel était fier d'avoir un fils. Cela fait longtemps que seuls ses parents continus de l'appeler avec ce patronyme de naissance, lui il préfère Liam. Il en a décidé ainsi quand il a compris que sa vie avait de grandes chances d'être écourtée. Pourquoi s'embarrasser de syllabes inutiles ? Liam, c'est plus incisif, nettement plus pertinent, aussi dense et précaire que l'existence qui devait lui rester à mener. Liam Keller, ça lui correspondait bien mieux qu'un pompeux Williamson Junior Keller.

2/ Ses parents sont les auteurs de différents best-sellers : "Savoir vivre avec son temps", "Optimiser ses atouts pour en faire des merveilles", et enfin l'autobiographie modestement intitulée "La famille parfaite n'existe pas". Les deux premiers mêlent psychologie et romance afin d'aiguiller les lecteurs dans un chemin de vie leur permettant de trouver joie, bonheur, amour et apaisement de l'esprit. Un ramassis de niaiseries selon Liam, mais le fait est que ces deux bouquins ont permis à ses parents de se créer un nom dans l'univers très fermé des donneurs de leçons en vogue - toujours d'après Liam. Le dernier-né du couple Keller narre les magnifiques premières années d'une famille à qui tout sourit, puis viennent les difficultés rencontrées lors de l'adolescence de leurs enfants avant de partager avec le public les duretés de la réalité de la vie de parents. En somme, vous trouverez entre les lignes de ce livre le paradoxe entre leur fierté pour l'aîné de la fratrie, et l'immense tristesse qu'ils ressentent en évoquant leur cadet. Le tout en expliquant que si les réussites de l'un vous galvanisent tant vous êtes à l'origine d'un tel succès, les déboires de l'autre ne doivent surtout pas vous démoraliser, car vous n'êtes en aucun cas responsable des travers de votre progéniture. « Dire qu'il y a des idiots qui achètent ça. », voilà ce que Liam avait simplement dit amèrement en terminant sa lecture, assis confortablement dans le canapé d'un café avant d'abandonner l'ouvrage sur le comptoir après avoir payé ses consommations.

3/ À 17 ans, sa vie bascula. Après plusieurs semaines de maux de tête insupportables, de vertiges à répétition et de nausées répétées, le diagnostic fut sans appel. Une tumeur de la taille d'un petit citron venait de prendre place à l'intérieur de son crâne. Les traitements furent lourds, les séances de chimiothérapie le rendant malade et les interventions chirurgicales qui furent effectuées ne permirent pas de retirer l'intégralité de la masse cancérigène. À la suite de la seconde opération, les médecins lui annoncèrent que la bataille allait être rude. Alors qu'on lui avait demandé de patienter dans le couloir de l'hôpital, le jeune homme entendit l'annonce faite à ses parents : s'il parvenait à passer l'année, ce serait un miracle. Les mois s'étaient écoulés, les médicaments avaient été avalés et Liam avait trouvé de quoi soulager plus efficacement ses douleurs. La solution ? Une utopie trouvée dans des quantités non prescrites de pilules à avaler ! Ce n'était pas très malin, mais il était hors de question de mourir sans avoir vécu toutes les expériences que la terre a à offrir et pour cela, il lui fallait un maximum d'énergie et un minimum de douleurs. L'adolescent n'a pas l'intention de se laisser abattre. Sa vie, il va la vivre à mille à l'heure ! Et encore plus si celle-ci doit être écourtée. Alors il décide de profiter en arrêtant de suivre les règles, désormais, il n'en fera qu'à sa tête. Il perd ses cheveux ? Et alors, ça fera tache sur les photos mais un crâne en mode boule de bowling, ça peut être sympa ! Il est fatigué ? Que nenni, il se mettra des coups de pied aux fesses pour avancer. Seulement, ce n'est pas aussi simple quand la maladie vous grignote de l'intérieur et que les traitements ne font que vous rendre plus insipide, plus faible et plus en colère contre le monde. Le plus difficile à 17 ans, c'est d'affronter tout cela seul. Car si ses parents montraient à tous à quel point la famille Keller était exceptionnelle, ils avaient surtout pris leurs jambes à leur cou face à la maladie d'un de leurs deux enfants. Peut-être était-ce trop dur pour eux de voir l'un des leurs se meurtrir, mais l'adolescent aurait eu grand besoin de ce soutien indéfectible qui aurait dû être le leur. Seul son grand frère s'est montré réellement tenace et réconfortant durant cette période, s'entêtant à l'accompagner malgré les refus catégoriques de son frangin qui ne voulait pas qu'il le voie si amoindri.

4/ Il avait fêté l'annonce de sa rémission avec l'une des infirmière l'ayant soutenue durant ses différents séjours à l’hôpital. Quelques années plus tard, il découvrira que, de cette relation d'un soir, une petite fille était née.

5/ S'en était fini des traitements. À 21 ans, Liam était libre de penser à un avenir auquel il ne s'était jamais imaginé avoir droit ! Mais si ses visites à l'hôpital ne tenaient plus qu'à des rendez-vous épisodiques de contrôle, il y avait une chose qu'il n'était pas parvenu à vaincre : son addiction pour le paradis rempli d'illusions qu'il s'était créé. Il se pensait plus fort, à aucun moment, il n'avait imaginé ne plus pouvoir s'en passer et pourtant... C'était l'inverse qui s'était produit, il n'avait fait que s'enfoncer davantage, comme si finalement la vie n'était pas plus belle une fois guéri.

6/ Son père l'a flanqué à la porte quelque temps après le diagnostic favorable. Ne supportant plus de voir son fils s'enfoncer dans ses addictions, il préféra lui dire d'apprendre à se débrouiller par lui-même, pensant certainement qu'une telle décision lui ferait un électrochoc. Sans doute s'imaginait-il que son fils reprendrait le chemin de l'école afin de devenir, enfin, l'enfant idéal dont tout bon parent a le droit d'espérer, mais Liam n'en fit rien. Découvrir le monde, il en avait rêvé des mois durant tandis qu'il était cloîtré dans son lit, alors le jeune homme prit la décision de partir parcourir l'Amérique du Sud et ses beautés. La première destination fut le Brésil où il débarqua en plein milieu du Carnaval de Rio. Là-bas, il fit la connaissance d'un groupe de surfeurs qui sillonnait le pays à la recherche du meilleur spot. L'initiation était lancée ! Entre deux rêves médicamenteux, Liam se lança corps et âme dans ce sport et dire que les débuts furent laborieux serait un doux euphémisme. Finalement, c'est accompagné d'un beau blond à la peau hâlée qu'il avait continué sa route, se focalisant sur les plages ensoleillées se trouvant toujours plus au sud avant de remonter pour s'arrêter au Mexique. Durant son périple, et avant d'arriver à sa dernière halte, ses prises d'anti-douleurs se firent moins nombreuses. Méditer sur le sable, braver les vagues et s'abandonner dans les bras d'un passionné d'océan semblèrent combler partiellement son esprit. Quelque temps... Les crises de manque devinrent plus violentes, et dès lors qu'il se retrouvait seul, elles étaient hors de contrôle. L'inévitable arriva, et la rechute n'en fut que plus fracassante.

7/ Liam se reprit en main à l'âge de 24 ans. Il jeta toutes ces merdes à la poubelle à la minute où il découvrit qu'une certaine infirmière était devenue mère deux ans auparavant. Ils n'avaient fait que partager une nuit après sa rémission, et jamais il ne s'était demandé ce que la jolie jeune femme pouvait devenir après avoir quitté sa chambre à la recherche d'une dose. Alors, lorsqu'il l'avait reconnu dans ce super marché, il l'avait abordé sans se douter une seconde que la petite fille qui l'accompagnait pouvait être la sienne... La mère de la petite n'a pas une grande confiance en lui, et jusqu'à présent, Liam n'est autorisé à voir sa fille qu'en présence d'une assistante sociale.

8/ Après une seconde cure de désintoxication, il entreprit de devenir pompier. C'était un beau métier que de sauver des vies en bravant les flammes ! Évidemment, avec son passé, si sa mère n'avait pas fait jouer ses relations, jamais il n'aurait pu ne serait-ce qu'envisager d'emprunter une telle carrière. À l'heure actuelle, malgré ses efforts, il lui arrive encore de chuter, de se laisser planer grâce à certaines substances, alors lorsqu'il retombe dans ses travers, il fait intervenir son réseau pour falsifier les analyses obligatoires et régulières qui lui sont imposées dans son métier.

9/ Aujourd'hui il essaie tant bien que mal de rester éloigné de la tentation des illusions bercées par des opiacés. Il a troqué son addiction aux doux mirages par celle de l'exaltation des sens. Oh, cela fait déjà longtemps que Liam ne dit jamais non à la moindre nouvelle expérience, souhaitant tout voir, tout connaître de ce monde avant d'être obligé de le quitter avec les deux pieds devant, mais depuis qu'il fait son maximum pour ne plus planer, il a tendance à abuser des défis en tout genre. Liam n'est pas prêt à abandonner son credo, la tirade énoncée à la psychologue que ses parents l'avaient obligé à rencontrer quelque temps après le funeste diagnostic lui restant en tête : « Je vais vivre mille vies. Peu importe que celle-ci soit à durée limitée, ce qui compte, c’est de n’en louper aucune seconde. N’est-ce pas ? ». Alors oui, ça ne lui a pas apporté que du bon, mais il ne s'imagine pas avoir une existence plan-plan. Quand on a frôlé la mort, il n'y a rien de plus beau que de se voir s'offrir une seconde chance. Et puis, la connerie qui lui est tombée dessus plus jeune n'a peut-être pas dit son dernier mot, il le sait, il le sent au plus profond de lui et les médecins lui ont dit : "Avec le cancer, la guerre n'est jamais totalement gagnée". Alors il profite, de toutes les manières possibles, sans s'accorder aucune limite. Il papillonne, court d'expérience en expérience, crame la vie, relève les défis, les lance, les gagne, les perd, peu importe, ce qui compte, c'est de ressentir l'adrénaline couler dans ses veines !

10 / Liam traverse les flots de son existence en célibataire. Dans un premier temps, il n'a pas voulu prendre le risque de faire souffrir une belle âme si d'aventure l'une d'entre elles daignait s'attacher à un être dont la date de péremption était proche. Ensuite, il s'est perdu en chemin, trouvant plus simple de profiter des plaisirs de la chair plutôt que ceux du coeur. Désormais, il ne s'interdit plus de tomber amoureux, les barrières semblent être tombées. Peu lui importe le genre, ce qui l'attire chez une personne ce n'est pas un corps, ni un sexe mais bel et bien ce que contiennent ses pensées, ce qui fait d'elle ce qu'elle est. Une fois encore, il a été une déception pour ses parents. Ces derniers on beau prêcher la bonne parole, la tolérance et tout ce qui va avec, ils n'ont pas supporter de voir la bouche de leur fils collée à celle d'un autre garçon. Des cris, des larmes et même quelques insultes ont fusé lors de cette découverte. Pourtant, qui se cache sous ses draps ne regarde que lui, non ? Ses parents n'ont toujours pas accepté cette part de lui et préfèrent juste ne pas en parler. Faire l'autruche est plus simple et Liam est tout bonnement fatigué de se justifier auprès d'eux, alors chacun évite soigneusement le sujet.
Si sa vie amoureuse est vide, le jeune homme n'est pas pour autant seul, il est le père comblé d'une adorable petite fille de quatre ans ans prénommée Théa.

11/ Fun fact, ou pas :
1. Il n'a jamais pu aller à son bal de promo. Trop faible pour se dégoter un costume, trop amoindri pour proposer un rencard à une demoiselle, Liam n'a pas pu profiter de cette institution américaine. La soirée glamour, il l'a passée avec la tête dans la cuvette, tremblant de froid, la chimiothérapie ayant eu raison de sa volonté, la chemise de son costard utilisée pour s'essuyer la bouche.
2. Il a découvert les joies du surf au Brésil et depuis, ce sport est devenu sa bouffée d'oxygène.