Jackson Blake - I'm not a good guy, I'm better than that

Février 2001, sur un lac gelé du Michigan

Les semelles de ses chaussures glissaient sur l’étendue d’eau devenue glacée sous le froid de l’hiver tandis que son attention était happée par la masse sombre évoluant sous ses pieds. Jackson n’avait jamais rien vu d’aussi captivant ! S’agenouillant à même la glace, il épousseta la pellicule de givre afin de pouvoir continuer à observer le spectacle qui s’offrait à ses yeux. Il pouvait entendre un bruit sourd, comme si la mort elle-même frappait à la porte se trouvant sous lui. Supérieur, voilà qu’il se sentait supérieur alors que, secondes après secondes, le calme revenait, l’ombre derrière le hublot qu’il venait de créer à l’aide de ses mains devenant plus faible. La rapidité avec laquelle la vie avait sombré au fond de ce lac était frustrante, l’adolescent aurait souhaité que cela dure encore et encore. Sans nul doute qu’il aurait pu se délecter de cette danse fantasmagorique des heures durant. Cet aperçu rendu trouble par l’épaisseur du verglas n’avait fait que le rendre plus curieux, lui soutirant un sourire satisfait quand il se releva pour jeter un œil en direction de la brèche se trouvant à quelques mètres de lui. Il n’avait rien prévu, rien prémédité, sa rencontre avec son voisin tenait du pur hasard, mais il se jura de ne pas oublier de remercier le Seigneur – auquel il ne croyait pas – lors du prochain sermon dominical pour ce cadeau tombé du ciel. Jax s’était approché au bord de la percée coupante, se reculant rapidement lorsqu’un craquement se fit entendre. Les images défilaient sous son crâne, le faisant ressentir à nouveau la colère avant qu’il ne trouve de l’apaisement en se remémorant la finalité de l’histoire :

John debout face à lui, faisant preuve d’un courage agaçant en lui assenant que non, il ne regrettait absolument pas de l’avoir balancé à ses parents un an auparavant. Il revoyait ses poings se serrer, avant que l’un d’eux ne finisse sur la pommette de celui qu’il avait, un jour, considéré comme un ami. Mais depuis qu’il s’était retrouvé à devoir aller parler à un psy, en plus du curé de sa paroisse, afin d’expliquer pourquoi il s’amusait régulièrement avec le fusil de chasse de son père sans son autorisation, Jax partait du principe que son "ami" était devenu son ennemi. Suite au coup porté et à la chute qui s’ensuivit, la glace autour de John avait cédé, l’entraînant dans un bain glacé. Le voir gigoter avait beaucoup amusé le cadet des deux, et lorsqu’il lui avait tendu la main pour l’aider, il n’avait pu retenir ses mots, « Sache une chose, je n’oublie jamais une trahison. J'espère que tu sais nager. ». Sa voix avait été posée, et doucement, tout en souriant, il avait relâché sa prise. Judas avait coulé sous l’impact, ramant pour remonter à la surface qu’il ne parvenait pas à retrouver après avoir été emporté hors d’atteinte de la fissure.


Septembre 2001, au bord du même lac – décongelé – du Michigan

Jackson avait participé aux recherches, montrant à qui le voulait bien son inquiétude grandissante à mesure que le temps passait. Depuis la disparition de John, toute la ville s’était mobilisée, et le jeune homme avait placardé des affiches, toqué à des portes, distribué des tracts et soutenu les parents de son voisin. Il était allé jusqu’à perdre son temps en battue, profitant des balades en forêt pour se délecter du simple fait que lui, il savait où se cachait le disparu. Lors d’une énième organisation pour retrouver le citoyen tant aimé, et alors qu’il chantonnait tranquillement un air guilleret tout en observant les sapins qui l’entouraient, il décida de bifurquer afin de se rendre au chevet de celui que tout le monde cherchait en vain. À la lisière de la forêt, son sifflement avait cessé, son visage s’était légèrement penché sur le côté et il pourrait jurer que ses prunelles s’étaient éclairées ! « Enfin, te revoilà... », avait-il soufflé, à la fois enthousiaste et pressé par le retour au bercail de celui qui avait manqué à tout le monde. Sauf à lui, évidemment. Comme hypnotisé face aux gyrophares de l’ambulance, il se mit à rire en se disant que cette dernière serait bien inutile, « Tu as quelques mois de retard ma belle. ».

Les jours suivants avaient été particulièrement ennuyants, entre les obsèques, les marches silencieuses et les commémorations, Jax avait dû tenir le rôle du pauvre petit garçon attristé, alors qu’en réalité, il aurait voulu crier sa fierté !


Février 2022, New York.

Désormais, il maîtrise mieux les choses. Les corps ne réapparaissaient pas, les vivants non plus d’ailleurs… Sauf si le client en décidait autrement, dans ces rares cas, il faisait en sorte que la mise en scène soit mémorable ! Quant à sa manie de faire de l’humour sur le sujet, elle, elle était toujours bien présente. Le plus important dans la voie qu’il avait choisie, c’était de savoir se faire discret, alors il avait travaillé son jeu, s’évertuant à ne jamais montrer la part la plus sombre de son être à qui n’était pas prêt à l’accepter. Il ne cachait pas réellement qui il était, s'en était fini de faire croire que le sort de la veuve et de l'orphelin lui importait, mais il avait conscience que pour survivre, il fallait noyer le poisson ; les feux des projecteurs, ce n'était jamais bon dans sa profession. Il était donc devenu une ombre, un barman avenant, côtoyant tout à chacun, du plus gentil au plus scélérat. Son nom était connu de ceux qui en avaient besoin, mais peu pouvaient se targuer de pouvoir mettre un visage sur celui qui leur enlevait une épine du pied, qui lavait leur linge sale. C’était ça sa force ; être invisible en étant sous leurs yeux.