Voisins de pallier

Je glousse devant ses mimiques dignes d’acteur confirmé et de sa repartie. Certes il n’est peut-être pas en haut de l’affiche, mais il mériterait pourtant plus que certains à mes yeux. J’hoche la tête avec enthousiaste quand il me dit que les studios vont le supplier je jouer son propre rôle. Je prends une voie de fan convaincue et fait un grand geste dramatique pour ponctuer d’un :

« Qui d’autre que toi le pourrait…? »

J’éclate de rire a l’idée que je puisse avoir le rôle de la bimbo faire valoir. Je n’hésite pas a prendre une pose de potiche et me faire les lèvres en cul de poules avant d’ajouter :

« Il faudra peut-être que je revois la taille de mes seins, mais sinon, j’ai toute confiance dans mon intelligence physique pour ce rôle grâce a la magie de la chirurgie. »

J’ai du mal a garder trop longtemps mon sérieux avec ce voisin dont l’humour me plait beaucoup. J’ai comme dans l’idée que Max sera sous le charme aussi de cette bonne humeur incarnée. En tout cas, ca fait du bien de ne pas penser a la tension de ces derniers jours a tout le temps me sentir suivie ou observée. Si je suis sincère en lui proposant mon aide pour poursuivre son rêve, la surprise qui s’affiche sur mon visage a sa réponse n’est pas feinte.

« Heu… je ne sais pas trop si je serais crédible en mannequin, mais pourquoi pas. »

Forcément je suis obligée de regarder le chat et lui faire un « non » de la tête avec un air de jugement quand Sam le désigne comme le pervers de la pièce. Le pauvre minou baille simplement sans faire plus de cas de notre attention. C’est sur le même ton de la conspiration que j’indique a mon camarade :

« Je pense qu’il faudrait qu’il voit quelqu’un… ou le faire castrer… »

Je me redresse et fronce les sourcils quand il me parle d’argent. Si l’idée est alléchante, je ne me sens pas a l’aise de l’accepter. Me faire payer des entrées en boites, des boissons, ou des repas, bon voir squatter un appartement, n’est pas un souci, mais demander d’être rémunérée pour aider une personne sympathique ne me plait pas trop.

« Tu sais quoi, si tu veux me payer, je propose un partage de repas de temps en temps et seulement si ce que je fais te permets vraiment d’avancer, sinon, ca serait quand même un peu degueulasse de ma part de te proposer un coup de main et te le facturer ensuite. »


J’essaye de lui sourire. Avec Amber, ma situation financière va mieux, Max ne se fait pas prier pour me faire entrer en boite quand j’ai envie de m’amuser et mes Louboutins tiennent bien la route. En fait, je n’ai pas besoin de grand-chose de plus. Avant, matériellement, j’avais tout, mais j’étais au bord du gouffre avec mon mari, alors que maintenant que je n’ai presque plus rien, je revis. Mon ancien métier me manque, mais cette liberté retrouvée, alors que je la pensais perdue a jamais, compense mes regrets.

« J’ai une seule petite condition, si ces photos doivent être diffusée, je voudrais que tu trouves des astuces pour qu’on ne voit pas trop mon visage… tu crois que ça serait possible ? Avec des accessoires ou des retouches ? »

Il y a une réelle inquiétude dans ma voix. Je connais mon mari, il ne me laissera pas filer facilement et il est du genre a embaucher des détectives. Je n’ai plus de comptes sur les réseaux sociaux, je fuis tout ce qui pourrait être des vidéo ou photo de media pour éviter qu’il me retrouve. Peut etre qu’un jour j’arriverais a être assez en confiance avec Sam ou Max pour leur en parler, mais pour le moment je me contente d’un :

« Mes parents me saigneront s’ils entendaient parler de ma carrière de mannequin et, crois moi, ils ont pas mal de bonnes âmes qui pourraient leur rapporter s’ils me voyaient. »

Je penche ma tête sur le côté est mes yeux se plissent comme un chat qui vient de trouver une petite souris isolée quand il commence a s’emmêler les pinceaux en me parlant de son travail et de chaussure. En fait, il ne faut jamais parler de chaussure avec moi :

« Rassure-moi, on parle bien toujours de ta situation professionnelle ? Parce que là j’ai presque l’impression que tu es en train de me parler d’une relation toxique subie ? en fait c’est quoi ce travail ou tu t’es pris les pieds dedans ? »

Parce que si c’est malsain, je serais la première a lui dire d’arrêter. Amber a surement besoin de petites mains telles que les siennes quelque part dans son commerce, ou elle pourrait peut-être le recommander a d’autres personnes. Quand on devient médecin, c’est rarement parce qu’on est une personne qui ne s’intéresse pas au sort des autres. Je ne suis pas dupe de sa tentative de changement de conversation.

« Tu sais que tu ne t’en sortiras pas si facilement que ca ? Mais en attendant, je veux bien prendre sur moi pour ne pas écorcher vive toutes mes rivales si toi tu supportes de voir qui est la vraie impératrice sur le dancefloor. »

C’est dit avec un tel sérieux que je pourrais presque y croire. En vrai, je suis surtout du genre a ne pas me prendre la tête et a « vivre la musique ». Les remplies de botox qui n’ont pas eu les moyens de se payer assez de tissus pour venir danser une chorée vue et revue sur tiktok, c’est pas trop mon truc. Je ris avec lui a sa remarque avant de trancher avec un :

« Finis ta pizza avant que la vieille ne soit tentée de te faire un masque avec. Ensuite si tu me laisse le temps d’aller me maquiller a la truelle histoire de rester fraiche je te suis pour vérifier qui va être épuisé avant l’autre !»

Voila, c’est décidé, ce soir, on sort ! Oublié l’ombre qui me terrorise, la prudence, les bonnes résolutions, c’est repartie pour m’étourdir avec Sam !