Vamos a la playa

« Indispensable, c’est bien le mot, et je ne te parle pas que notre service, le directeur ne jure plus que par lui. D’ailleurs, il est toujours adorable et prêt a aider les infirmières contrairement aux autres chirurgiens qui nous voient a peine. »

Je n’ai pas vu le ton sarcastique de Liam, car c’est une facette de lui qu’il ne m’avait jamais montrée avant et qui va à l’encontre de tout ce que je lui connais. J’ai, aussi, cette conviction naïve que lui et Jean Eude se sont appréciés, que Thea et moi avons été un trait d’union et non un sujet de discorde entre eux. Il faut dire qu’ils ont tellement en commun en commençant par cette soif de tendre la main, cet amour de la mer, cette capacité à aller vers les autres…. Je suis tellement loin du compte, que cela soit pour l’entente des deux hommes ou qui est vraiment le Dr St Pierre.
Plus le temps file, plus je ressens la tension du pompier. Sans que je ne m’en rende vraiment compte, depuis des années, c’est presque comme si j’étais devenue une éponge aux émotions de Liam : souriant quand il est heureux, me sentant mal quand il ne va pas bien, avec un naturel désarmant. Aussi, je sens ma nervosité monter en voyant l’ombre dans son regard et en pensant en être la cause avec ma peur de l’eau.

Ce n’est que lorsque Thea s’est endormie que je tente de percer l’abcès, avec toute cette maladresse dont je suis un peu trop coutumière. S’il me rassure quant a ma phobie, qui ne serait pas responsable de son mal-être, la suite me fait l’effet d’une pente savonneuse. En fait, on ne s’est jamais vraiment disputés, fâchés ou autre, aussi, c’est compliqué pour moi de découvrir sa froideur dirigée vers moi. J’essaye de trouver les mots pour le rassurer, pour lui faire comprendre a quel point il compte pour moi, mais l’ébauche de sourire sur son visage se meurt rapidement. Il retire sa main de la mienne un peu trop brutalement à mon gout. Un petit geste anodin qui me donne un frisson glacé, j’ai l’impression qu’un vent polaire vient de s’abattre sous le parasole ou nous sommes installés.

Depuis que nous sommes arrivées, je ne me suis même pas rendu compte a quel point Liam et moi n’avons cessé de nous toucher, de rechercher un contact physique. Plus que la peur de l’eau, c’est l’intensité du passage dans ses bras ou nos lèvres se sont presque frôlées qui me trouble encore, mais, une fois de plus, je suis bien trop dans la panique de ce changement d’attitude du pompier pour bien réaliser que le simple retrait de sa main a été pire que me porter un coup. Je me sens comme perdue et abandonnée pour autant, il m’en faut plus pour ne pas essayer de comprendre.

« L’autre types ? Tu… tu parles de Jean Eude ? Je… c’est un collègue et aussi le médecin de Thea… c’est … enfin… je ne comprends pas bien pourquoi tu dis ca. Tu… enfin… c’est parce qu’il y a eu des soucis pendant ma grossesse ? Je… tu… enfin, je ne pensais pas que ca t’intéressait… on en parle jamais et le principale est que Théa soit la non ? »

J’ai la terrible impression d’avoir fait une bêtise sauf que je ne sais pas du tout laquelle. Je parle vite et cafouille un peu faute de savoir ce que Liam attend de moi. Mon inquiétude est sincère quand je lui demande avec douceur :

« Tu…. Tu aurais voulu qu’on en parle avant ? »

Sauf que lui-même ne m’a jamais semblé curieux de cette période et que je ne suis pas de celle qui aborde naturellement des sujets personnels. Une fois de plus, mes lacunes en vie sociale se font belles et biens sentir car je ne sais pas gérer ce qui se passe et cela me fait peur. L’idée que Liam se fâche pour de bon, que je sois à nouveau abandonnée, invisible, que je n’ai plus ma place dans cette famille qu’il vient juste de nommer me plonge dans un désespoir sans nom. La tristesse de mon regard se changement une détresse pure pendant que je me fige alors qu’il m’explique ce qu’il attend de moi.

« je… je…. »

Est-ce que je peux vraiment tout lui dire comme il semble vouloir le croire ? Dans tous les cas, j’essaye vraiment, au moins quelques brides, mais je n’y arrive pas. Je bégaye, sens ma gorge se serrer et rien ne sort. Palissant, je me recroqueville sur ma serviette, ramenant mes genoux contre mon torse pour les serrer contre moi, comme pour me protéger et cacher les tremblements qui me menacent. Je vais encore le perdre et cette pensée ne m’aide pas à remettre le masque si parfait qui est censé me coller au visage. Je fixe mes pieds tellement je me sens honteuse.

« Certaines choses me… enfin… je ne suis pas capable d’en parler… ni à toi, ni à personne…je… je j’entends ce que tu me dis mais ton regard changera forcement et …. Je crois que je ne suis pas prête à cela…. pas maintenant… je… je n’en aurais pas la force. »

J’aimerais être sure qu’il ne me rejette pas encore plus en apprenant que non seulement je ne suis pas « Emma », que je lui ai menti, que j’ai de faux papiers, mais aussi que je me livre le plus égoïstement, a un trafic de médicaments juste parce que je ne veux pas les quitter. Je le regarde longuement avec tout le désespoir qui est le mien depuis trop longtemps. Il faudra bien un jour que je lui raconte tout, mais là, présentement, c’est au-dessus de mes forces de l’imaginer apprendre que pour rester un peu plus avec eux, je participe à plonger des gens dans l’enfer de cette drogue ou il a failli se noyer. Rien que d’y penser une larme roule le long de ma joue et je sens mon corps trembler de ces sanglots que je peine à ravaler. Si j’arrive à lui en parler un jour, ça ne sera pas comme ça, pas avec notre Théa a côté, ni pendant une sortie censément joyeuse. Je tente de sécher mes yeux avec mes mains en voulant, au moins, apporter des réponses a ses autres questions, même si le dernier point m’oblige a ma redresser tête vers lui avec un air choqué :

« Tu… tu crois vraiment que je ne te vois que comme le père de Théa ? »

Ca me semble tellement fou, tellement loin de toute les façons que j’ai de le voir. C’est à mon tours d’être blessée par cette pensée que je trouve presque odieuse mais au moins, cela m’oblige à me ressaisir. Je prends une grande respiration et essaye de rassembler mes idées. Quand je lui dis que je suis insignifiante, c’est le sentiment qui me reste alors que je cherche quelques choses a lui dire. J’avais grandi sans pouvoir réellement me projeter, faute de savoir s’il y aurait un demain pour moi et maman sans être obligées de fuir. Toutes ces petites déceptions qui avaient jalonné mon chemin n’avait été que des rappels au fait qu’être invisible avait du bon, certes, je n’avais pas été invité au bal de fin d’année, mais de toute façon l’argent d’une robe était presque un mois de loyer, on avait oublié de me mettre dans le carnet des anciens élevés, une piste de moins pour se rendre compte que toute mon existence n’était qu’un mensonge. Au final, le rare rêve que je n’avais jamais eu m’avait tellement brisée lorsqu’il s’était effiloché entre mes doigts alors que je pensais l’avoir saisi, que je ne me souhaitais pas de revivre ça, jamais.

« J’ai toujours vécu un peu au jour le jour…. C’est difficile pour moi de me projeter. J’aimerais des choses, comme être interne, mais je sens bien que ça coince et même si j’essaye de toute mes forces, je ne veux plus souffrir si ça ne marche pas. »

Avoir un plus gros salaire m’aiderait à avoir moins a voler de médicaments. Mais mon maitre chanteur est plus gourmand que patient. L’inflation du prix de son silence ne semble pas vouloir souffrir les difficultés de ma hiérarchie d’accepter de valider mes acquis pour que je rentre dans le programme sans avoir à passer de couteux concours. J’essaye de tenter un maigre sourire en avouant :

« J’imagine que tu vas te moquer un peu de moi si je te dis que ce qui ressemble le plus à un rêve, c’est de pouvoir vivre encore plein de journée comme celle-ci avec toi et Thea ? Bon, moins catastrophique avec l’eau, certes… »

Et pourtant, c’était surement le seul rêve qui me permet de tout encaisser et qui fait que j’acceptais de commettre l’inacceptable pour grappiller un peu plus de temps avec eux deux. Un peu intimidée, j’ajoute :

« Je me doute que ce n’est pas les réponses que tu attendais… je… enfin… si je ne parle pas de moi ce n’est pas parce que je n’ai pas confiance en toi, c’est juste… en fait… j’ai du mal. Mais ca ne change pas le fait que tu comptes pour moi, que j’aime quand nous sommes ensembles, que je pensais ce que je disais sur le fait que je n’ai jamais été a l’eau ou laissé Thea y aller avec une autre personne que toi a nos côtés. Je ne veux pas que tu te fâches après moi parce que je ne suis pas douée… »

J’aimerais tellement serrer sa main a nouveau dans la mienne que ma paume me brule presque alors que je serre un peu plus mes genoux contre moi.

# Lun 11 Sep 2023 - 20:13

Vamos a la playa

Emma Lockwood et Liam Keller

“La famille c'est une richesse incroyable, ça donne des outils pour pouvoir affronter les moments extraordinaires, les moments plus difficiles, les hauts, les bas.” - Céline Dion

Le bon samaritain St Pierre ! Bientôt, on va le béatifier… Liam a du mal à digérer les termes élogieux utilisés par Emma pour qualifier le chirurgien qui, à ses yeux, n’est qu’un crétin arrogant, trop sûr de lui et fort peu sympathique. Clairement, il ne lui a pas fait une bonne impression, et le fait de comprendre à quel point elle l’admire le rend malade. Jaloux ? Qui a osé dire ça ? Pas du tout ! Ok, peut-être un peu, mais il se garde bien de se l’avouer.

Il ne demande pas grand-chose, juste un peu honnêteté. Elle sait tout de lui, et lui, il ne sait fichtre rien. Ça le blesse sans doute plus que ça ne devrait. Liam est piqué en plein cœur, la douleur se fait encore plus vive quand elle revient sur un fait important ; elle n’a jamais mentionné les difficultés rencontrées lors de sa grossesse.

Sa main venant de quitter celle d’Emma lui semble soudainement glacée alors il la serre avec la seconde sans réellement saisir que ce qui lui manque, c’est justement le contact de sa peau contre celle de la jeune femme. Aujourd’hui, ils se sont montrés particulièrement tactiles… Ce n’est pas une énorme nouveauté pour lui, mais elle, elle a toujours tendance à garder un minimum ses distances. Exactement comme ce qui se passe actuellement. Elle ne voit pas où se trouve le problème, insinuant presque que toutes ces choses non évoquées viennent du fait que ce ne sont pas des sujets qui intéressent Liam. Comment est-ce qu’un détail de la vie d’Emma pourrait ne pas l’intéresser ? C’est aberrant ! Encore plus quand on sait qu’il s’agit également des premiers instants de sa fille sur cette terre.

Ses ongles s’enfoncent sur le dessus de sa main alors qu’elle l’interroge sur ce qu’il aurait voulu, « Je veux tout savoir Emma. ». Il marque une petite pause, souffle profondément avant d’aborder une chose dont ils n’ont jamais parlé, mais qui, au fond, lui tord le bide, « Je n’étais pas là, mais ça n’a jamais été mon choix. Je... ». Il ne veut pas se montrer blessant, cependant il est peut-être temps d’avoir cette discussion, de crever l’abcès, « C’est le genre de détails que j’ai besoin de connaître pour ne pas être juste… le géniteur. Je suis son père, je l’ai aimé à la seconde où j’ai appris son existence et je l’aurais aimé bien plus tôt si j’avais pu. ». Son regard se pose sur Théa quelques secondes, un sourire attendri prend à nouveau place sur ses lèvres et il laisse s’envoler son amertume pour reprendre avec plus de douceur, « On m’a toujours dit que les ressentis du bébé pendant la grossesse avaient leur importance, que ça pouvait jouer sur leur perception du monde avant même qu’ils ne respirent et… Je… J’aurais voulu être là. Pour elle, pour toi, j’aurais voulu pouvoir t’aider, te soutenir, te dire que tout allait bien se passer, et j’aurais voulu qu’on traverse ces épreuves ensemble. ». À présent, il scrute l’océan, calant sa respiration sur les vagues pour rester serein, « On ne va pas ressasser le passé, mais maintenant, j’aimerais que tu me parles de ce que tu as vécu pour me faire une idée, me créer des images et… Et... », sa main se tend à nouveau vers elle, ses doigts effleurant furtivement son ventre caché par le tissu de son tee-shirt, « J’aimerais pouvoir t’imaginer avec ce gros bidon adorable de femme enceinte. ».

La fatigue de sa longue garde s’est envolée, il a un mal de chien à passer à autre chose, les paroles de ce gars résonnent dans sa tête pour lui faire se poser trente-six questions à la seconde. On vient de lui envoyer en plein visage toute sa nullité tout en lui mettant le nez dans le peu de considération que la mère de sa fille doit lui porter. Il ne sert à rien. Il n’est même pas suffisamment important ou digne de confiance pour qu’elle se permette de lui parler de ses problèmes. Pourtant, elle devrait savoir qu’avec lui il n’y a aucun sujet tabou, aucun secret inavouable. Elle a vu le pire de son être : ses faiblesses les plus grandes, ses rechutes, ses sautes d’humeur, ses gestes parfois trop virulents, ses mal-êtres, son auto-destruction et tout ce qui va avec. Elle connaît ses innombrables défauts et ses quelques qualités, mais l’inverse est faux. Liam veut en apprendre plus, toujours plus. Il est curieux, elle reste un mystère qu’il préférerait réussir à percer.

Il est soufflé parce qu’elle lui répond. Tellement qu’il ne trouve rien à redire immédiatement, aucun son ne franchit ses lèvres alors qu’il l’observe sans jugement aucun, il n’y a que de l’incompréhension dans ses yeux. Il voit la détresse qui vient d’envahir Emma, et ça le clou sur place. Le pompier réagit face cette émotion énorme qu’il peine à comprendre mais qu’il ne peut décemment pas laisser grandir. Liam ne supporte pas de la voir dans cet état, alors il se rapproche, glissant sur la serviette pour venir essuyer la larme qui dégringole de la joue de la demoiselle.

« Rien de ce que tu peux dire ne me fera te regarder différemment. Emma je… », sa paume se dépose sur la mâchoire de la brune tandis que ses mots se bloquent dans sa gorge, et il retrouve l’usage de sa voix en cassant une nouvelle fois le contacte, « Tu sais que j’ai certainement fait dix fois pire que tout ce que tu me caches ? ». Sa risette se veut à la fois amusée et rassurante. Il est loin de s’imaginer que ce qu’elle ne parvient pas à lui dire n’a rien à voir avec des bêtises d’adolescents ou des erreurs banales. Elle parle – ou plutôt elle ne parle pas – de mensonges, de tromperies sur qui elle est et de déguisements de la réalité. Croit-elle que qui elle est se résume à son identité ? Elle est tellement plus qu’un simple nom et prénom à ses yeux…

Comme pour insuffler de la force et du courage à la jeune femme, il décide de se lancer en premier en essayant de s’ouvrir. Il le clame : il veut plus qu’une simple relation de co-parentalité, mais il se sent obligé de se reprendre, parlant d’amitié au lieu d’invoquer des sentiments plus forts qui grandissent pourtant en lui depuis longtemps.

« Si ce n’est pas que ça, qu’est-ce que tu vois d’autres ? », il lui tend la perche. Parler d’eux plutôt que de parler uniquement d’elle lui sera peut-être plus facile, et cela pourrait être la porte vers d’autres confidences.

Et enfin, ENFIN, elle se confie. Ce n’est pas une anecdote de son passé, ça, Liam a compris qu’il ne parviendrait pas à en avoir une aujourd’hui, mais il se raccroche à ce qu’elle est prête à lui donner.

« Un jour, quelqu’un m’a dit : sans souffrance, il n’y a pas de vie, et sans vie, il n’y a pas de souffrance. Je crois qu’il a raison. Tu ne peux pas brider tes envies par peur de l’échec, sinon… Qu’est-ce que tu vas faire ? Rester là, sur cette serviette à regarder ton existence défiler sans toi ? », il la regarde en tordant sa bouche, signe évident qu’une bêtise va en sortir, « Je me doute que ce serait un plaisir que de passer le restant de ta vie plantée ici avec Théa et moi, mais tu finirais par t’ennuyer sévère ! Et surtout, tu as le droit à bien plus que ça. Emma, tu es intelligente, parfois un peu trop organisée, studieuse, drôle et adorable. Tu as tout pour réussir, tu n’as plus qu’à entreprendre, à te battre pour ce que tu veux et tu l’obtiendras, parce que tu es comme ça, forte et courageuse et que rien ne pourra te résister. Je suis convaincu que tous tes rêves se réaliseront, mais pour ça, il faut accepter de prendre quelques risques par moments. ».

La colère n’a plus sa place, il la laisse s’envoler pour réussir à chasser l’angoisse qu’il a pu voir au fond des yeux d’Emma tant ça lui est insupportable.

Liam n’est pas au bout de ses surprises avec la suite, et très certainement que cela se voit sur son visage quand elle lui révèle le rêve qu’elle nourrit. Elle veut simplement d’autres journées comme celle-ci…

« Je ne suis pas fâché, et je n’ai pas du tout envie de me moquer. », elle est recroquevillée en tenant ses genoux dans une position ressemblant à de la défense, et Liam, lui, il ne veut pas qu’elle puisse ressentir le besoin de se protéger en sa présence. Alors, doucement, il reprend les doigts d’Emma entre les siens pour l’entraîner avec lui, les faisant s’allonger côte à côte sous le parasol. Il écoute quelques secondes la respiration endormie de Théa et plonge son regard dans celui d’Emma, « Merci d’avoir partagé ce rêve avec moi. Je le trouve magnifique. Je te propose qu’on le réalise des dizaines et des dizaines de fois à l’avenir. ».

Il est apaisé, cette conversation n’a pas été évidente, mais la conclusion lui convient parfaitement, alors il ferme les yeux en souriant, « Ce que j’aimerais beaucoup, c’est que tu n’hésites pas à me parler de tes autres envies ou des rêves que tu penses ne pas pouvoir vivre, et ensemble, on trouvera comment leur donner forme. Tu en penses quoi ? ». Ses paupières se rouvrent, ses prunelles brillent à nouveau de cet éclat enfantin qui ne le quitte que rarement, et il les imagine déjà à échafauder des plans rocambolesques pour donner vie à tout ce que mérite Emma.

(c) princessecapricieuse

# Mer 13 Sep 2023 - 20:53

J’ai une horrible sensation de froid malgré la température de fin d’été qui règne sur la plage. Il faut dire que les frissons qui me parcourent n’ont rien à voir avec la météo, loin de là. Il aura juste fallu que la main de Liam ne repousse la mienne et que son regard se teinte de colère pour me sentir presque greloter. Ce n’est pas la première fois que je lis de la contrariété dans les prunelles du pompier, sauf que cette fois, c’est moi l’objet de son irritation. Rien que cette idée me fait perdre presque tous mes moyens tellement j’ai peur de tout gâcher. Peut être que j’aimerais avoir plus que ce que Liam a à me donner, mais déjà, ce que j’ai me semble aussi énorme que précieux. Aussi, me dire que je viens surement de tout gâcher, qu’il risque de partir, encore, par ma faute, me terrifie. Je ne me sens pas la force de revivre ça, surtout que, cette fois, il n’y aura pas que moi qui me retrouverait à pleurer son départ.

J’ose à peine le regarder tellement je me sens mal et que je crains d’aggraver les choses. Je dois faire un effort surhumain pour me concentrer sur ses paroles afin de faire taire la panique irrationnelle qui me gagne. Autant dire que je ne suis pas loin de pleurer quand il me parle de la grossesse. Ma peur d’etre a nouveau abandonné n’est qu’attisée par la réminiscence de ces longs mois de questions sans réponses et de doutes. Thea a été exposé a tant de désespoir alors qu’elle était dans mon ventre. Heureusement, il enchaine sans que j’aie à lui répondre. Cela m’évite de me battre avec ma gorge serrée à force de lutter contre les sanglots qui menacent d’exploser. C’est plus un murmure sort de mes lèvres quand je me contente de lui dire :

« Moi aussi j’aurais voulu que tu sois là… »

Doux euphémisme. J’aurais tout donné pour qu’il soit à ses côtés, pour sentir sa main contre mon ventre, avoir son regard rassurant quand je perdais confiance ou juste pour repousser les regards pleins de jugement de ceux qui me reprochaient « de ne pas avoir de papa pour ce bébé ». Vivre cela, seule, a été un chemin de croix d’autant plus douloureux que je n’avais pas fini de me remettre de son départ, d’accepter de n’avoir été « qu’un coup d’un soir » et d’avoir fait quelque chose d’horrible sans m’en rendre compte.

Liam n’a aucune idée de ces mois d’angoisses, de questions, de désespoir pur attendant vainement son retour tout en m’enfonçant dans la dépression. Ecouter des gens me répéter que je n’étais pas assez forte pour me gérer moi-même alors que je ne pouvais pas assurer pour un enfant, craindre d’imposer à cette toute petite vie une existence de fuite comme la mienne… tout en devant faire face au quotidien. Je sursaute en sentant sa main sur mon ventre, un geste que j’avais tellement désiré avant. Avec un air aussi surpris qu’interrogateur, je relève les yeux vers lui, avant de les rebaisser, tout en le laissant faire. Il ne faut pas ressasser le passer ? Mais pourtant, il continu de me rendre triste. Après un petit silence, je finis par bredouiller un :

« Je … je suis désolée… »

Si on y pense bien, je ne l’aurais pas fait fuir cette nuit-là, il aurait pu apprendre ma grossesse et la vivre autrement. De toute façon, le mal a été fait et j’en porte, encore, la responsabilité. Si je pense la conversation pénible, la suite n’est pas vraiment mieux. Je comprends, enfin, ce qu’il attend de moi et le souci c’est que c’est quelque chose que je ne sais pas faire : parler de moi. Je me sens happée par cet effort presque insurmontable de tenter de lui expliquer pourquoi je ne peux pas lui parler de mon passer, mais je bloque alors que les sanglots me rattrapent. Une vie à ne pas mettre de mot dessus, une nouvelle à ne pas assumer mes actes pour continuer mon existence de mensonges… En fait, sans Thea, c’est moi qui m’éloignerais de lui pour ne pas lui infliger l’horrible personne que je suis.

Je sens son doigt contre ma joue qui tente d’essuyer une de mes larmes et je lève mes yeux pour les plonger dans les siens avec une telle détresse. J’ai besoin de lui, je m’en rends bien compte. Je ne me sens pas prête a le perdre. Il est devenu un pilier dans ma vie comme Thea. Je sais bien qu’il me faudra partir en les laissant tous les deux, mais pour le moment, j’ai juste envie de me blottir contre lui et m’excuser en boucle jusqu’à ce qu’il me pardonne.

Je devine qu’il tente de me rassurer, pour autant, cela ne fait qu’accroitre mon malaise quand il m’assure avoir fait pire et semble prendre ça à la légère. Je recule légèrement malgré moi, tout en secouant négativement la tête, incapable de prononcer d’autre mot. S’il savait… Alors que lui se débattait contre la drogue, moi je fais partie de ceux qui empoisonnent les autres. Je n’ose pas lui dire a quel point je suis dégoutante. Les mots restent coincés dans ma gorge, autant muselé par cette peur de le perdre que ce culte du secret qui fait presque parti de moi.

Mon air choqué a sa remarque ne diminue pas quand il me retourne la question. Ce que je vois en lui ? La vraie réponse serait : celui qui me fait rougir dès qu’il sourit, qui fait que j’ai l’impression que mon cœur va sortir de ma poitrine a chaque fois qu’il m’effleure, celui qui me donne l’envie de me battre pour grappiller le plus de temps possible à ses côtés… bref, la seule personne a qui j’ai jamais eu envie de dire « oui » quand il m’a proposé de sortir, à qui j’aurais aimé plaire pour de bon et pour qui j’irais jusqu’à aller dans l’eau s’il le faut. A la place, c’est le regard fuyant et le rose aux joues que je me contente d’un timide :

« Une des rares personne avec qui je me sens bien et avec qui j’aime passer du temps… »

Tout en parlant, je guette furtivement sa réaction du coin de l’œil. Je me sens tellement ridicule et vulnérable de lui dire cela alors qu’il est fâché après moi. Il doit vraiment me prendre pour une godiche. Au moins, cela m’aide a me reprendre et a me lancer pour me confier un peu plus. Mes rêves sont si puérils a côté de ceux des autres Pour autant, ils me semblent souvent plus inatteignables que de demander a aller dans l’espace ou dresser des licornes. Je rougis un peu plus sous tous ses compliments qui me semblent si immérités. J’ai un début de sourire mais il reste un peu amer car je ne me leurre pas, ce que je veux n’est pas à ma portée. Être médecin, rester avec Liam et Thea, avoir une vie normale sans avoir peur que mon passé ne revienne… Je me bats déjà pour un semblant de ce que je veux, et je suis déjà très heureuse de ce que j’ai réussi a avoir. Je suis consciente que ca ne pourra pas être plus et je dois l’accepter même si j’ai tendance à l’oublier de temps en temps. Quoi que fasse la petite grenouille, aussi dur soient ses efforts pour bondir, elle ne pourra jamais voler comme un oiseau parce qu’elle n’est pas faite pour ça. Une dure leçon de la vie que j’avais du rapidement comprendre pour ne pas devenir folle.

Il n’y a pas de mot pour dire a quel point je suis soulagée quand il m’assure ne pas être fâché, mais cela me laisse un peu plus perdue encore. Je me sens épuisée comme jamais de cette tentative de confidence maladroite et de toutes les émotions qui allaient avec. Dès que je sens ses doigts chercher les miens, je fais plus que les accueillir. Je serre sa main dans la mienne, avec cette sensation de revivre grâce à ce simple geste. Je ne résiste pas quand il m’entraine contre lui pour m’allonger sur la serviette. Certes, je suis un peu raide et surement très rouge, mais je n’ai ni la force ni l’envie de lutter. Pas après cette angoisse de ne plus sentir sa peau contre la mienne et ce besoin de contact pour me rassurer. Un vrai sourire se dessine doucement sur mon visage quand il me remercie pour le partage de mon rêve et me propose de le réaliser, plein de fois. Mes doigts enlacent un peu plus les siens pendant que je lui souffle, avec reconnaissance :

« Ca me ferait vraiment plaisir… »

Peu importe où et comment, juste être tous ensemble, comme cette famille que j’ai toujours voulu avoir. C’est tout ce qui compte a mes yeux. Thea dort comme un ange à côté de nous, inconsciente de ce qui vient de se passer. J’acquiesce à la demande de Liam mais n’ose ni parler, ni bouger, restant allongée sous le parasol, comme si je pouvais, à nouveau, au moindre geste, tout cassé. Je mets un certain temps a trouver la force de briser le silence. C’est avec avec pas mal de maladresses que je me lance :

« Si… si tu veux voir mon ventre… maman a pris quelques photos. Mais je préfère te prévenir, je… enfin, je ne suis pas très jolie a voir dessus. »

Des semaines à pleurer, sans dormir ni réussir à manger grand-chose se voyais. J’ai réussi à perdre du poids pendant ma grossesse et me suis assurée que Théa ne tombe jamais « par hasard » sur ces photos. Une fois de plus, je me sens pitoyable de lui avouer, a mis mot, a quel point je n’avais pas assuré, pourtant je me fais violence pour continuer en couvant des yeux les boucles blondes de la petite fille endormie avant de revenir à ceux de Liam.

« J’ai appris que j’étais enceinte vers le 3e mois. La preuve que je ne suis pas une bonne infirmière, car j’ai pensé a beaucoup de choses sauf a ca pour expliquer mes nausées. »

Je tente de mettre un peu d’humour dans cette déclaration. Il faut dire qu’a travailler dans un service oncologie, on a souvent d’autres pistes avant d’arriver a la plus simple.

« Je n’étais pas vraiment prête a découvrir que j’avais une petite locataire sous mon nombril. Même si ; c’est vrai, qu’une IVG a été envisagée, puis j’ai eu beaucoup de pression pour la confier a l’adoption, dès que j’ai eu l’échographie de datation, que j’ai vue son petit visage, je savais que je ne pourrais pas faire ca… »

Au moins, ca m’a forcée à me secouer. Pudiquement, je ne veux pas lui raconter tout ce que j’ai enduré avec ma dépression et les pressions des médecins, de ma mère, de mon prête, me parlant adoption et me faisant sentir tantôt comme une naïve, tantôt comme une dépravée. Sans compter sur cet espoir fou de voir Liam ressurgir au dernier moment, comme dans ces livres a l’eau de roses, pour me sauver, qui ne faisait que creuser un peu plus ma déception, au final. C’était plus facile de s’accrocher à une chimère que d’accepter la réalité : j’allais avoir un bébé toute seule. Rien que d’y repenser, je dois faire une petite pause, tellement ces moments me sont pénibles. J’ai du mal a reprendre la parole, mais je fais cet effort, pour lui :

« J’ai… j’ai voulu t’en parler. Je… enfin… je me doutais que si tu n’étais pas resté, c’était parce que tu avais tes raisons et que je devais les respecter, mais quand j’ai vue Thea, j’ai pensé que tu avais peut-être envie de savoir, de vouloir être dans sa vie au moins un peu… »

Je me mordille la lèvre inférieure jusqu’au sang. Difficile de mettre des mots posés sur une situation qui m’a trop bouleversée pour être facile a cadrer. Impossible de lui parler de ces nuits blanches après l’accouchement, seule avec Théa, avec cette impression d’avoir fait une erreur, de ne pas être la maman qu’elle méritait, a me demander ce que je devais faire, ce qui était le mieux, pour Thea, pour lui avant de prendre mon courage a deux mains et aller sonner a son adresse.

« … sauf qu’on m’a rapidement fait comprendre que tu avais une vie ou il n’y avait pas vraiment de place pour nous. »

Même si Théa n’a jamais été évoqué avec eux, la rencontre avec les parents de Liam avait été une terrible claque. Le peu d’espoir qui me tenait m’avait été arraché méticuleusement. Chacune de leur parole faisant écho a celles de ma mère me rappelant ce que j’avais été pour celui dont j’étais tombée amoureuse : rien, juste une vague aventure bien vite oubliée. Une pauvre petite chose qui s’était imaginée bien des choses. Même si les parents de Liam n’ont pas une haute estime de leur fils, toute leur condescendance a mon égard m’avait bien fait comprendre que j’étais encore plus bas que lui. Ils ne m’avaient pas laissé placer un mot quand ils étaient partis dans la description, un peu trop détaillée, de la vie de luxure de leur fils, sans aucune compassion pour moi qui devait me décomposer en face d’eux. J’aurais pu leur parler de leur petite fille, mais j’avais préféré me dire que je ne voulais pas d’eux ni de Liam dans nos vies au final, surtout quand sa mère m’avait proposé, sur le pas de la porte, un peu d’argent « pour la peine » comme si j’étais une mendiante.

« Je suis vraiment désolée Liam. Je… enfin… je suis un peu nulle pour deviner ce que tu attends de moi et… je te jure de faire des efforts si c’est important pour toi… il faut juste me dire les choses et aussi être patient… tu… tu crois que ca t’irait ? »

# Dim 15 Oct 2023 - 17:04

Vamos a la playa

Emma Lockwood et Liam Keller

“La famille c'est une richesse incroyable, ça donne des outils pour pouvoir affronter les moments extraordinaires, les moments plus difficiles, les hauts, les bas.” - Céline Dion

« Moi aussi j’aurais voulu que tu sois là… »

Qu’est-ce que ça signifie ? Cette simple phrase plonge Liam dans des centaines d’interrogations. Elle avait les moyens de le retrouver. Elle pouvait tout à fait aller mettre le nez dans son dossier médical, trouver son numéro de téléphone ou son adresse. Elle aurait pu chercher à savoir la date de ses prochains rendez-vous de suivi pour l’attendre à la sortie du bureau de son médecin. Elle… Bon sang, Emma avait toutes les cartes en main à l’époque pour qu’il puisse être présent. Il aurait pu l’épauler, l’accompagner. Il aurait pu assister à l’accouchement. Il aurait pu entendre les premiers cris de Théa. Il aurait pu voir sa fille bébé, la regarder grandir. Tout ça lui a été refusé. Et il ne comprend pas pourquoi. Il ne comprend pas non plus pourquoi elle s’obstine à ne pas lui dire la vérité. Si elle a agi de la sorte, il y avait forcément une raison.

« Mais sur le moment, tu n’as pas jugé bon de m’en informer. », son ton est aussi dur que ses propos. C’est une chose qui le ronge depuis qu’il a découvert l’existence de Théa. Depuis qu’il a appris que la soirée et la nuit qu’ils ont partagé pour fêter sa guérison a créé un petit être magnifique. Pendant longtemps il a mis de côté cette question. Sans doute était-il trop préoccupé à ne pas rechuter, à prendre sa vie en main, à saisir toutes les conséquences de sa paternité et des conneries qu’il a pu faire par le passé. Il était hors de question de flancher, d’échouer. Pour Théa, il ne pouvait pas. Toutes ces choses occupaient toutes ses pensées. Mais à présent, il avait besoin de comprendre. Il avait ce besoin désespéré d’avoir une explication. Pour autant, il ne laisse pas Emma répondre. Car si, pour lui, c’est nécessaire de mettre des mots sur cette douleur horrible d’avoir été privé de sa fille, il refuse de provoquer la moindre tristesse chez la jeune femme. Alors il le dit haut et fort : ils ne vont pas ressasser le passé. S’il doit se faire violence et accepter de n’avoir jamais de réponse à cette question pour ne pas la rendre malheureuse, alors il est prêt à se faire hara kiri.

Après tout, avec de si… S’il se met à ressasser tout ça, que va-t-il en sortir de bon ? Et comment aurait-il réagi en découvrant la grossesse d’Emma à l’époque ? Le temps qu’elle en prenne elle-même conscience, s’il fait quelques calculs rapides… Il avait déjà plongé dans les médocs. Ce n’était clairement pas la meilleure période de sa vie. Il venait de tout envoyer chier. Ses parents, son frère. Tout. L’unique chose qui avait de l’importance, c’était le voyage à prévoir en Amérique du Sud, les plages à voir, les vagues à surfer et les cachetons à trouver. Mais peut-être que, justement, il aurait mis un stop à toutes ces conneries en apprenant la nouvelle. Peut-être.

Si. Peut-être. Combien de temps va-t-il refaire le monde ainsi ? Finalement, aujourd’hui, ce qui compte, c’est ce qu’ils soient tous ensemble. Tout est bien qui finit bien. Ils sont heureux. Ils le sont, n’est-ce pas ? Théa est heureuse ? Emma aussi ? Lui, il pourrait l’être davantage, mais ça, il n’est pas du genre à le dire, ni à le penser. Il se contente de ce qu’on lui offre. Il voit le positif. Se concentrer sur ce qui ne va pas, sur ce qui n’est pas suffisant, c’est le début du malheur. Pour autant, il veut absolument que les deux femmes de sa vie le soient, heureuses et épanouies. Alors il met de côté sa rancœur pour faire ce qu’il fait de mieux, se préoccuper des autres avant de s’intéresser à sa propre personne.

En réalité, il mêle un peu les deux quand il demande à Emma ce qu’elle voit en lui. Au fond, il espère une certaine réponse. Il veut sentir son cœur s’envoler au-dessus des nuages en l’entendant lui annoncer que non, il n’est pas simplement le père de sa fille. Qu’il est bien plus. Tellement plus.

Il lui sourit. Le genre de sourire qui dégouline de sincérité alors même qu’il cache à merveille un peu de déception. Mais il se contente de sa réponse, c’est mieux que le pire qu’il ait pu imaginer, « Moi aussi j’aime passer du temps avec toi. »

Puis vint le temps de parler de rêves. De ses rêves à elle. Il l’écoute attentivement. Il est profondément touché quand elle assure que tout ce dont elle a envie, c’est de partager d’autres journées comme celle-ci. D’être à trois. D’être simplement bien, tous ensemble. Elle n’a pas des rêves de grandeur, elle veut de la simplicité alors qu’elle pourrit viser tellement plus. Néanmoins, c’est une envie d’avenir qui fait également rêver Liam.

La situation s’est apaisée. La conversation est moins tendue, et il voudrait réussir à acter tout ce qu’ils viennent de se dire. C’est pourquoi il rattrape la main de la brune, il la pousse à s’allonger à ses côtés comme pour prendre une position poussant à la confidence, et là, il lui avoue que lui, tout ce qu’il souhaite, c’est parvenir à l’aider à réaliser son rêve. Des journées comme celle-ci, ils pourront en vivre mille. Il fera tout pour que cela se produise.

Il ferme à nouveau les yeux quand elle acquiesce à sa requête. Ensemble, ils réaliseront également tous les autres rêves qu’elle juge irréalisables.

Là, sa main encore dans celle de la jeune femme, il sent l’apaisement prendre le dessus. La fatigue aussi. Sa nuit presque inexistante gagne du terrain, sans compter que les dernières minutes ont été éreintantes. Sans parler du docteur machin chose qui est venue titiller ses nerfs… Une petite sieste jusqu’à ce que Théa sorte de la sienne ne lui fera pas de mal. Surtout si Emma reste auprès de lui.

Au bout de quelques minutes, une petite voix hésitante vient le tirer délicatement de son demi-sommeil. Ses paupières restent closes tandis qu’un sourire vient naître sur ses lèvres, « Emma, tu es toujours jolie. ». Il ne dit que la vérité. Il l'a déjà vu fatiguée, agacée, plus qu’irritée, mal à l’aise, énervée, inquiète. Et il l'a toujours trouvé très jolie. Évidemment, il la préfère en train de rire, la joie éclairant son visage, mais le fait est qu’elle est belle en toutes circonstances à ses yeux.

En parlant d’yeux… Il rouvre rapidement les siens quand elle reprend la parole. Serait-elle véritablement prête à se confier ? À raconter un pan de sa vie ? Si c’est le cas, il est tout ouï. Doucement, Liam se redresse, sa main encore et toujours dans celle de la demoiselle. Il resserre ses doigts sur leur prise comme pour l’encourager à ne pas s’arrêter. Et il l’écoute. Le plus attentivement du monde.

Il n’y a aucun jugement dans ses prunelles, simplement une vague de colère qui passe lorsqu’elle lui apprend qu’on lui a fortement conseillé de ne pas garder l’enfant à venir. IVG ou adoption. Voilà les options qu’on lui a proposées. Son pouce vient délicatement caresser le dessus de la main d’Emma comme pour lui montrer tout son soutien face à cette confidence. Intérieurement, il maudit tous les crétins qui ont pu lui tenir ce genre de discours.

Puis, soudain, il obtient une réponse inattendue. Elle… Elle est venue le trouver pour lui parler de Théa. À ces mots, il se redresse. Sa mâchoire se serre en entendant la suite.

« … sauf qu’on m’a rapidement fait comprendre que tu avais une vie ou il n’y avait pas vraiment de place pour nous. »

Son poing aussi se verrouille un court instant avant qu’il ne se rappelle qu’il tient toujours à l’intérieur de sa paume la main d’Emma. Les mots qu’elle vient de prononcer résonnent dans sa tête. Ils ricochent. Ils font un bruit assourdissant. Cette révélation est dévastatrice. Il… Elle. Ils… ! Ses parents ?! Elle ne peut parler que d’eux.

« Quand tu es venue… Tu es tombée sur qui ? Sur mes parents ? », sa voix se fait plus rauque, il essaie de cacher son étonnement et la rage qui commence à bouillonner au fond de lui. Liam n’a pas l’habitude de ressentir ce genre de sentiment. Mais là, la haine prend place, « Ils sont au courant pour Théa depuis tout ce temps ? Je… Je ne comprends pas. », d’un coup, c’est surtout l’incompréhension et l’inquiétude qui gagne le pas sur tout le reste, « Qu’est-ce qu’ils ont fait ? ». Immédiatement, il se met à imaginer le pire. Ils ne lui ont quand même pas fait un chèque pour qu’elles sortent toutes les deux de sa vie ? Et Emma… Non, Emma n’a pas pu accepter un tel marchandage. Ce n’est quand même à cause de ça qu’il est passé à côté de tout ?!

Il n’entend pas ce qu’elle dit par la suite. Il reste bloqué sur cette nouvelle. « Je te promets… Ils ne m’ont jamais parlé de ta visite. Punaise Emma, si j’avais su... », maintenant, c’est la culpabilité qui domine. « Si tu es venue après la naissance de Théa. Alors, je… Je n’étais même pas là. J’étais au Brésil à ce moment-là. Je… Merde. T’es venue et moi, j’étais en train de planer. », finalement, il n’y a qu’après lui qu’il doit en vouloir. Certes, elle a attendu avant de venir l’avertir, mais elle est venue. Lui... Lui, il était juste totalement largué, incapable de vivre sans se détruire tout en criant haut et fort que s’il se shootait, c’était justement pour profiter de la vie. Espèce d’idiot sans cervelle !

(c) princessecapricieuse

# Mer 18 Oct 2023 - 19:37

La présence de Liam contre moi me rassure et je me sens assez en confiance pour tenter « l’exploit » d’essayer de me livrer. Lui ne sait pas a quel point cela me coute, mais sentir toute cette détresse en lui lié a mon silence me donne un surcroit de force que je ne soupçonnais pas. Sa main rassurante m’encourage sur la douleur chemin d’un passé qui m’a plus que marqué. Un virage dans ma vie plein de regrets et du deuil d’une vie que j’ai cru effleurer du bout de mes doigts sans réaliser qu’elle n’était pas pour moi.

Depuis, cela reste une blessure qui n’a jamais guéri, un passé dont la boucle m’a toujours retenue pour mieux m’étrangler a petit feu, me rappelant continuellement ce que je suis et ne serais jamais. Moi la sotte, celle qui s’est sentie poussée des ailles, qui a cru être meilleure qu’elle n’était pour au final se voir rappeler douloureusement sa place dans l’univers. Mais tout n’est pas si triste ni noir, car dans toute cette misère, il y a eu un rayon de soleil qui m’a donné la force de me relever et fait que je ne baisse pas les bras, quoique ca m’en coute : Thea. La fillette dort paisiblement a côté de nous avec toute l’innocence d’une enfant qui n’a pas encore conscience de la dureté du monde. Même si je la prépare doucement a notre séparation, je fais au mieux pour que son univers reste doux et lumineux.

Encouragée par la main de Liam, c’est avec autant de pudeur que de difficulté que je continue mon récit peu glorieux avant de me raidir en sentant qu’il me serre un peu plus fort les doigts. Instinctivement, je relève le visage vers lui et ne manque pas la tempête qui brule dans son regard. Mon instinct me pousse à me raidir à mon tour, cherchant quelle nouvelle maladresse aurait pu déclencher cet agacement lisible sur les traits du plombier. Les colères de Liam sont rares, surtout depuis la fin de sa cure. En déclencher une nouvelle, ici, m’alerte forcement, surtout pendant que je me sens aussi vulnérable dans cet exercice inédit de parler de moi sans masque pour me refuge derrière :

« Je… j’ai dit quelque chose ? »

Puis ses questions tombent alors qu’il se redresse au-dessus de moi, une simple position qui me trouble presque autant que d’être dans ses bras et me fait sentir toute petite. Difficile de savoir si c’est un reproche pour ses parents, ou pour moi qui leur ai caché la naissance de Thea. Rapidement je secoue la tête pour désamorcer un malentendu :

« Non ! Non ! Je… tes parents ne savent pas… ils… enfin… ca ne s’est pas très bien passé et… en fait, ils ne m’ont même pas reconnue je crois… »

Ni cherché a en savoir plus. Je ne vois pas ce qu’ils auraient pu dire à leur fils : « On a une de tes conquêtes qui est encore venue nous harcelé pour te voir, il va falloir penser a leur donner des numéros ou leur expliquer toi-même que ce ne sont que des pauvres filles dont tu te fiches. » Je me mordille un peu plus les lèvres, sans me rendre compte que je saigne déjà un peu de les avoir autant malmenées, avant de continuer :

« Ils…. Ils m’ont juste reçue et parlé. Je… enfin… disons qu’ils ont été assez franc sur le ridicule de ma démarche et le fait que tu étais occupé ailleurs et que tu ne te souvenais surement pas plus de moi que des autres filles qui étaient passées dans ta vie. »

J’essaye de mettre un peu d’humour dans ma phrase pour tromper le fait que cela avait fini de mettre mon cœur en miette. En fait, d’une certaine façon, j’étais sous le choc quand je suis partie de chez eux. Si j’étais venu sans me faire de grands espoirs, je ne pensais pas me prendre une telle vérité dans le visage. J’évite de lui parler de la proposition de sa mère quand je suis partie. Ces quelques billets si tentants qui aurait pu m’offrir une chaise haute, une meilleure poussette ou tant de matériels qui me manquaient pour élever un bébé. Impossible de savoir si c’est mon orgueil, piqué a vif, en avait décidé autrement, ou juste que je ne voulais pas leur donner raison sur le fait que j’étais une juste une pauvre fille, le coup d’un soir, qui s’accrochait surement trop aux baskets de leur fils, et qui avait besoin de la charité. Ce simple geste avait été tellement condescendant, plein d’une pitié malvenue qu’il m’avait blessée.

Je m’adoucis et le regarde avec une tristesse pleine de compassion quand il continue. Je ressens bien trop cette détresse qu’il exprime a peine mais je devine parfaitement cette pousse de culpabilité en train de croitre dans son cœur. Je ne veux pas qu'elle s'enracine, c'est hors de question. Il ne mérite pas ça. Je tends doucement ma main de libre vers son visage que je caresse, une nouvelle fois sans même y penser, avant de me redresser un peu a mon tour pour être a sa hauteur.

« Liam… s’il te plait, ne te fait pas de mal d’accord ? Tu étais parti vivre ton rêve, tu n’aurais jamais pu le faire avec nous et même si ça ne s’est pas passé comme tu le voulais, on ne pourra pas refaire le passé. Ce qui compte c’est que maintenant, tu ne planes plus, que tu puisses être avec ta fille et avoir une vie qui te plaise… »

J’ai un sourire un peu hésitant avant de réaliser que je suis peut-être présomptueuse :

« … ou t’en rapprocher au maximum… »

Liam est doué aussi pour cacher certaines choses. Si j’ai l’impression qu’il s’épanouit dans son métier de pompier et son rôle de père, au fond, je ne suis sûre de rien. Si ca se trouve, il aspire a plus. Toujours avec précaution, je lui demande :

« Tu… enfin… c’est délicat comme question, mais si tu as d’autres rêves ou des choses que nous pourrions faire pour que tu te sentes bien … tu peux m’en parler tu sais ? C’est vraiment important pour moi en fait. »

Ca l’avait toujours été, surement la seule chose qui m’avait été a accepté qu’il parte en m’abandonnant derrière : je le pensais plus heureux a vivre cette vie qu’il n’avait fait que fantasmer, sans me douter qu’il allait mal.

# Mer 22 Nov 2023 - 15:56

Vamos a la playa

Emma Lockwood et Liam Keller

“La famille c'est une richesse incroyable, ça donne des outils pour pouvoir affronter les moments extraordinaires, les moments plus difficiles, les hauts, les bas.” - Céline Dion

Il y a comme un vent de panique. Tes parents… Ils sont au courant pour Théa ? Depuis tout ce temps ? Comment est-ce possible ? Ils ne t’en ont jamais parlé. Toi non plus. Mais toi, tu sais pourquoi tu as gardé ce secret. Pourquoi l’existence de ta fille n’est pas encore arrivée à leurs oreilles. Tu ne leur fais pas confiance. Tu… Au fond, tu leur en veux. Ils n’ont jamais été de bons parents, ils t’ont fait te sentir seul, indésirable. Pestiféré. Alors que tout ce dont tu avais besoin, c’était de soutien et d’amour. Alors non, tu ne leur as toujours pas parlé de Théa. Tu ne veux pas qu’ils puissent venir ternir ce que tu essaies de construire. C’est ta vie. Ils n’en font pas partie. Et même s’ils pourraient être une aide non-négligeable sur bien des pans, tu refuses de t’abaisser à la leur réclamer. Tu ne veux pas qu’ils viennent mettre leur grain de sel. Tu n’as aucune idée de comment ils réagiraient. Peut-être même que leur petite-fille ne les intéresserait même pas. Cette pensée a déjà traversé ton esprit, et c’est également une des raisons pour laquelle tu ne leur as rien dit. Tu refuses que Théa puisse avoir l’impression de ne pas être assez bien pour eux, qu’elle puisse ressentir leur désamour ou leur déception. Et, de ton côté, tu n’es pas prêt à les voir te critiquer une nouvelle fois.

« Je... », si tu n’étais pas déjà au sol, tu tomberais sûrement à la renverse. « Bien sûr que je me souvenais de toi. Je ne t’ai jamais oublié. », tu as répondu rapidement. Vivement. Parce que c’est la vérité et parce que tu ne veux pas qu’elle puisse penser avoir été qu’un simple numéro. Tu… Tu ne tiens pas de liste d’ailleurs ! Le ton amusé qu’elle a mis dans sa phrase te passe au-dessus de la tête. Car, même si tu es parti ce jour-là, même si tu n’as pas revu Emma pendant des années, elle a compté. Elle comptait durant tes traitements. Elle comptait pendant tes hospitalisations. Elle a compté à ta sortie, quand tu as appris ta rémission. Elle… Elle a été la première, et cette première fois, tu ne l’as regrette absolument pas. Évidemment, tu aurais préféré que cela se passe différemment. Qu’il y ait moins d’alcool et que tu ne ressentes pas ce besoin vital d’avaler un calmant immédiatement après, mais tu n’aurais pas voulu que ça se passe avec quelqu’un d’autre.

Tu commences à perdre pied en comprenant à quel point ton addiction t’a coûté. Au-delà de ta santé et des douleurs ressentis, elle t’a privé du bonheur de connaître ta fille dès son premier souffle. Tu t’es auto privé de connaître ça. Ta vie aurait pu être totalement différente. Rectification. Vos vies auraient pu être totalement différentes. Si tu n’avais pas quitté cette chambre à l’époque, que ce serait-il passé ? Tu aurais pu lutter contre ton envie débordante de soulager tes maux en restant auprès d’Emma. Tu aurais pu apprendre sa grossesse en temps et en heure. Tu… Bon sang, tu t’en veux !

Comme à son habitude, Emma se montre bienveillante. Elle pense d’abord à toi avant de penser à elle, « J’aurai dû être là Emma. Mon rêve… Il était futile. Je… Si j’avais su, je serais revenu immédiatement. ». Tu mens. Tu n’en as pas conscience, mais tu mens, Liam. Tu ne serais pas revenu. Ton envie de liberté était trop grande. Tes pensées étaient déjà trop nébuleuses et tu étais déjà bien trop perdu dans tes abysses. Jamais tu ne te serais rendu compte de la réalité. Tu n’aurais pas fait demi-tour à l’époque. Aujourd’hui, tu en es convaincu, mais les faits auraient sans doute été bien différents.

Ta paume se pose sur la main d’Emma, celle qu’elle vient d’apposer délicatement sur ta joue. Tes doigts se resserrent sur les siens tandis que tu penches un peu ton visage pour approfondir la caresse de sa peau sur la tienne, « Je n’ai besoin de rien de plus. ». Tu lui souris tendrement. Sincèrement, « Ce que je voudrais, c’est que cette journée ne se termine pas. Qu’on reste ici, sur cette plage, tous les trois. ». Elle a ce pouvoir de t’apaiser. C’est assez dingue. Il lui suffit de quelques mots, de quelques gestes et tu retrouves ton calme immédiatement. Ton calme et ton côté espiègle également.

Tu tournes légèrement la tête en arrière, tu regardes par-dessus ton épaule pour t’assurer que Théa dort comme un loir et tu te focalises à nouveau sur Emma. « En fait, il y a bien un truc qu’on pourrait faire et qui me rendrait vraiment heureux... », d’un geste vif, tu places tes deux mains sur les hanches de la jeune femme et tu te lèves rapidement. « Chuuut, ne fais pas de bruit, tu vas réveiller la princesse. », tu as un sourire énorme collé aux lèvres tandis que tu portes l’infirmière dans tes bras. Comme un koala. Une de ses jambes de chaque côté de ton corps, un de tes avant-bras sous ses fesses et ton autre main dans son dos pour la maintenir contre toi, tu rigoles en commençant à marcher, « J’aimerais qu’on ressaie de se baigner. Sans pression. Tu n’as même pas à avancer par toi-même. Tu restes simplement comme ça, perchée là-haut et je me charge de tout le boulot. Tu veux bien ? ». Les vagues lèchent tes orteils, et tu attends son feu vert pour poursuivre ce que vous avez commencé un peu plus tôt.

(c) princessecapricieuse

Mon sourire est là, même s’il est un peu forcé. Je me doute bien qu’il s’est plus souvenu de l’infirmière que celle qui s’est pensée beaucoup plus à un moment. Quelque part, c’est aussi pour ca que maman se trompait quand elle me disait que je n’étais qu’un coup d’un soir, Liam connaissait plus que mon prénom quand on a fait Thea. Mais cela ne l’a pas empêché de devoir partir précipitamment après cette nuit ou je n’avais pas été à la hauteur de ses attentes, pour ne pas dire pire. Au final, ca aurait peut-être été mieux qu’il oublie.

« A un moment, j’ai pensé que je faisais partie d’un passé que tu avais besoin de laisser derrière toi. »

C’était plus facile d’admettre qu’on est juste un objet défraichi et sans intérêt plutôt qu’une horrible partenaire qu’il faut éviter a tout prix. Je connais Liam, je le sais d’une force tranquille en apparence, mais vite capable de s’agiter dès que ses émotions viennent trop le chatouiller. Visiblement, parler de ses parents et de ce passé que nous avons ratés, tous les trois, est un sujet aussi difficile pour lui que pour moi. Même si cela peut sembler loin maintenant, j’ai gardé des blessures de ces moments compliquées et plein d’amertumes, pour autant, je ne lui en ai jamais vraiment voulu a lui. Je m’en suis voulu d’avoir été idiote, d’avoir été nulle au point de l’avoir fait fuir sans lui donner envie de me laisser une 2e chance. Sans s’en rendre compte, il m’ouvre les yeux sur une autre erreur qui l’a privé de sa fille. Je dois surement pâlir en réalisant qu’il n’a pas tort.

« Je… Liam… je te dois des excuses alors. Je… enfin…. J’ai surement trop attendu pour essayer de te contacter. J’ai cru que si tu ne donnais pas signe de vie, c’était un message en soi. Pardonne moi s’il te plait…»

J’essaye de dire cela sur le ton de l’amusement, mais le résultat doit bien être piètre à voir. Le sujet est trop douloureux pour moi. Je ne pense pas être prête à entendre de sa bouche la vérité. De toute façon, comme je l‘ai dit, ce qui est fait est fait, rester dans les regrets ne servira à rien.

« Ton rêve n’était pas futile Liam. C’est aussi grâce a lui que tu as pu mettre KO la maladie… »

Et tenir face à tous les traitements, les souffrances, les moments de doute…. Liam s’était accroché a cette vie qui l’attendait après, pleine d’écume, de sel, de soleil, libre avec sa planche de surf. Tout l’opposé de ce quotidien dont il était prisonnier. Jamais, quand il avait cette étincelle de rêve au coin de l’œil pour me raconter cet « après » qu’il comptait vivre à tout prix, il n’avait évoqué d’enfant ou de vie quotidienne, coincé a New York. Je sens son visage se reposer un peu plus contre ma main, comme un signe d’apaisement. Cela me fait oublier pas mal de mes propres tourments alors qu’un sourire revient naitre sur ses lèvres. Il suffit de quelques mots, de cette lueur espiègle dans son regard et j’ai l’impression que le monde redevient juste merveilleux, que les jours de pluie sont loin maintenant, que tout ne peut que bien aller juste parce qu’il est là. En fait, j’ai l’impression de voir de la tendresse dans l’éclat de ses prunelles, cela me fait juste fondre. Sur un ton rieur, je le taquine :

« Tu veux vraiment faire une nuit sur la plage, c’est ca ? »

Il a tout mon intérêt quand il me parle d’une autre chose qui pourrait faire son bonheur et c’est un peu trop vite que je lui souffle, avec ferveur, un :

« Tout ce que tu voudras »

Avant de devoir étouffer un cri de surprise et me raidir en le sentant me serrer contre lui tout en ce relevant. Avec cet instinct de chat au-dessus de l’eau, qui ne fera que s’amplifier dans quelques secondes, je m’accroche a lui non sans inquiétude quand je vois qu’on s’éloigne de Thea. Pour autant je n’ose rien dire piégée par mes dernières paroles, jusqu’à ce que je ressente un frisson d’effroi, m’obligeant à me tortiller pour « gagner de la hauteur dur Liam » alors que je sens l’eau toucher mes pieds. Il n’oserait quand même pas pas faire ca ??? En fait, si. Je me recule légèrement, mes yeux allant de celle que je ne veux pas laisser sans surveillance a celui qui, un peu trop amusé a mon gout, m’expose sa requête. La bonne réponse est non. Je n’ai pas envie de m’imposer une nouvelle crise d’angoisse devant lui et on ne laisse pas une enfant endormie dans un lieu publique sans surveillance. Mais, une fois de plus ce n’est pas ce qui sort de mes lèvres.

« D’accord, mais gardes moi dans un sens ou je peux voir Thea et si je te dis « cours », c’est qu’elle est en danger et tu fonce… »

Je me rends compte, a mesure qu’il avance et que je deviens raide en sentant l’eau m’engloutir peu a peu, qu’il y a une terreur pire que la noyade pour moi : qu’on m’enlève ma fille. Les bras crispés autour du cou de Liam, le visage posé sur son épaule, je réussi le miracle de garder le contrôle de ma respiration, répriment juste des tremblements ou me collant un peu plus a lui a mesure que le niveau de l’eau monte. Mon attention est fixée sur notre parasol et les gens qui passent a coté de lui avec cet instinct primaire d’être sur le qui-vive. Si une seule personne s’approche trop de Thea. Malgré cela, je ne suis pas a l’aise, cette « plongé » reste une épreuve, a chaque vague qui arrive de dos, j’ai du mal a ne pas réagir. Pas sûre que je me rende compte a quel point mes doigts serrent la chair de Liam ou que mon torse est écrasé contre le sien : comme je n’ai aucune idée de la profondeur de l’eau ou nous nous trouvons. Je me cramponne a lui de toute mes forces, frissonnant autant au contact glacé de l’eau que pour tout le reste. J’arrive plus ou moins a donner le change, enfin, dès qu’on arrive aux omoplates, je préfère lui demander :

« On peut s’arrêter la s’il te plait ? »

Ma voix est a peine audible et ne transpire pas la grande assurance que j’aurais adoré lui montrer. Ce n’est pas désagréable d’être contre lui et un peu « en apesanteur » mais je ne me sens pas capable de me détendre. Si je n’ose pas lui demander de retourner vers le bord, chaque fibre de mon être n’espère que ça. Prenant sur moi, je me lance une tentative d’humour :

« Tu sais que tu as beaucoup de chance que je veuille te faire plaisir ? Si maintenant tu m’annonce que finalement tu m’en veux beaucoup pour tout ce qui s’est passé et que je dois me débrouiller toute seule pour le retour, saches que je le vivrais très mal. »

C’est plus sérieusement, la tête contre son épaule, les lèvres près de sa peau, que je lui souffle :

« Tu es vraiment heureux pour de bon? »

Mon attention est tellement partagée entre lui, l’eau et Thea que je ne me doute pas une seule seconde qu’une autre personne nous observe du poste des maitres-nageurs. Les yeux collés a ses jumelles, la mâchoire crispée, Jean Eude n’est pas de ceux qui aime perdre, surtout ce qu’il considère comme son jouet. C’est peut être pour cela qui prend un air paniqué en regardant un de ses collègues de plage pour lui annoncer, d’une voix blanche, qu’il est sur voir un aileron de requin. Dans peut de temps l’alerte retentira, Thea sera réveillée en catastrophe, sans nous voir alors que cela sera un magnifique mouvement de panique entre les gens qui fuiront l’eau et ceux sur la plage qui s’agiteront.

Vamos a la playa

Emma Lockwood et Liam Keller

“La famille c'est une richesse incroyable, ça donne des outils pour pouvoir affronter les moments extraordinaires, les moments plus difficiles, les hauts, les bas.” - Céline Dion

As-tu voulu fuir un passé trop compliqué pour toi ? Pas vraiment. Et si cela avait été le cas, Emma n’en aurait pas fait partie. Tu aurais volontiers balancé à la poubelle les années de maladie, les hospitalisations interminables, les chambres d’hôpital aseptisées et les traitements douloureux, mais l’infirmière avait été l’une des seules choses agréables durant ces moments horribles. Jamais tu n'aurais - jamais tu n'as - voulu l'oublier.

« Tu sais, à l’époque, je ne pensais à rien d’autre qu’à trouver un moyen d’apaiser mes tourments. J’ai ressenti le manque rapidement. Peut-être que ça été une fuite en avant, que j’aurais pu résister davantage, mais mon corps réclamait de quoi calmer son envie. Si je suis partie ce matin-là, c’est uniquement pour aller chercher ce dont j’avais besoin. Je n’avais pas l’intention de te blesser. J’ai juste… J’avais le cerveau focalisé sur autre chose, sur quelque chose de plus fort que tout, de plus fort que moi en tout cas. », elle t’a vu dans des états lamentables, et pourtant, tu ne te souviens pas avoir un jour réellement parlé avec elle de tout ça. De ce que tu ressentais. De ce mal qui te bouffait de l’intérieur. Elle l’a vu, elle en a été témoin, mais, la plupart du temps, tu t’acharnes à ne plus y penser, à le refouler très loin et à sourire inlassablement. Avec elle, tu préfères rire. Elle t’a assez vu tremblant, en colère, en crise, en pleurs. Elle t’a déjà assez vu avoir peur pour ton avenir, te penser mort avant de l’être et tu as plus envie qu’elle te voit comme ce jeune homme rempli d’espoir et déterminer à survivre que comme la loque qu’elle a aperçu plus d’une fois.

En parlant de tout ça, tu réalises à côté de quoi tu es passé. Tu as cru pendant longtemps qu’Emma t’avait tenu éloigné de ta fille, tu lui en as voulu pour cela avant de faire table rase et de te concentrer sur l’avenir. Finalement, elle a voulu que tu fasses partie de la vie de Théa du début. Elle est venue te trouver. Mais tu étais déjà parti de l’autre côté du continent pour t’exploser la tête à coup d’opiacés.

Que se serait-il passé si elle t’avait contacté plus tôt ? Les excuses qu’elle te fait t’enlèvent un poids. C’est stupide, parce que tu viens de réaliser que c’était en grande partie de ta faute mais il est vrai qu’elle aurait pu venir te trouver bien avant la naissance de la petite.

« Merci. », tes yeux se ferment et tu souris, le visage tourné vers le soleil, « Mais tu n’as pas a t’excuser. Tu as fait du mieux que tu pouvais. Tu sais ce que je pense ? Qu’on ne devrait pas ressasser tout ça, et se concentrer sur ce qui nous attend ! ». C’est plus sain, moins tortueux. Et dézinguer ton rêve n’apporte rien. Tu le sais. Elle a raison. Il a contribué à te sauver la vie. Sans lui, tu te serais noyé dans les méandres du cancer. Sans lui, tu ne te serais sans doute pas battu si fermement. Sans lui, tu aurais peut-être véritablement tout perdu.

Tu chasses au loin tous ces souvenirs trop alambiqués pour une journée comme celle-ci et tu savoures la douce caresse de la main d’Emma sur ta joue en lui faisant part d’un tout petit rien qui pourrait te rendre heureux. En fait, tu ne lui dis rien, tu joues les mystérieux et ton sourire s’agrandit quand elle te dit que tout ce que tu souhaites est possible, « Tu devrais savoir qu’il ne faut jamais me dire un truc pareil. ». Tu rigoles doucement tout en la soulevant après avoir vérifié que Théa dort toujours.

L’eau te tend ses bras. Rectification. L’eau vous tend ses bras. Emma est dans les tiens. Tu la maintiens contre toi et t’amuse de la voir gigoter dès qu’elle comprend où tu veux en venir, « Tu ne risques rien, je ne te laisserais jamais tomber. ». Ta voix est ferme et douce à la fois. Ferme parce que tu ne fais qu’annoncer une vérité vraie. Douce, parce que ton but est de la rassurer.

Elle te donne son accord, et tu commences alors à faire des petits pas pour t’enfoncer dans l’océan. Sur cette plage, les vagues sont petites. C’est pour cela que tu la choisis pour emmener Théa et ainsi lui permettre de profiter des vaguelettes. Tu avances doucement, tout doucement pour offrir à Emma une immersion lente et agréable. Tu te doutes que ton opération n’est pas une franche réussite. Tu la sens se contracter contre toi, ses ongles s’enfonçant dans tes épaules et ses cuisses se resserrant autour de tes hanches. Comme pour l’apaiser, tu laisses tes doigts vagabonder dans ses cheveux pour glisser dans sa nuque avant de reprendre le mouvement du départ. Cheveux, nuque, cheveux, nuque et ainsi de suite.

Alors que vous vous êtes enfoncés profondément et que tu as de l’eau jusqu’aux omoplates, elle te demande de t’arrêter. Tu obtempères immédiatement. Petit à petit, tes pieds sont recouverts de sable et tu souffles dans un murmure, « Ça va ? ».

Sa réponse t’arrache un rire. Tes bras s’écartent d’elle comme pour mimer un lâche abandon, « Tu lis dans mes pensées ! ». Ta plaisanterie ne dure pas longtemps, tu replaces rapidement tes mains à leurs emplacements initiaux, l’une sous les fesses d’Emma, l’autre dans son dos, à la lisière de son cou. Elle s’accroche tellement à toi qu’elle n’a pas bougé d’un millimètre quand tu l'as lâchés.

Tu frissonnes tandis qu’elle te questionne sur ton bonheur. Son souffle sur ta peau provoque une nuée de chair-de-poule qui dégringole le long de ta colonne vertébrale et tu ne peux retenir tes lèvres de se poser sur son épaule, à travers le tee-shirt qu’elle porte toujours, « Je ne pourrais pas être plus heureux. ». Ta main est descendue dans son dos pour passer sous son habit et remonter sur ses côtes pour la serrer encore plus contre toi. Tu ne pensais pas que cela soit possible, mais c’est le cas. Tu profites de chaque seconde de cette proximité et de la chaleur qui t’entoure. Jusqu’à ce que… Soudain, patatras. Tu entends une sonnerie que tu connais bien venir de la plage. Tu sais exactement ce que cela signifie et tu fais demi-tour. Tu brises la demande d’Emma en lui faisant tourner le dos de l’emplacement de Théa, mais tu surveilles toi-même la petite tête blonde qui vient de se redresser au loin.

« Ne t’inquiète pas, c’est simplement un exercice. », évidemment, tu sais que ce n’est pas le cas. Ce son, il signifie qu’un requin a été aperçu tout proche. Il est le signe que les baigneurs doivent sortir de l’eau et qu’il est à présentement formellement interdit de se mettre à l’eau.

Emma est toujours perchée dans tes bras, tu marches rapidement. Bien que vous iriez sans doute plus vite avec chacun les pieds à terre, tu n’envisages pas une seconde de la lâcher. Si elle vient à faire une autre crise de panique, vous seriez dans de beaux draps ! Et puis, de toute façon, tu lui as promis de ne pas la laisser tomber.

Tu vois Théa debout sur sa serviette en train de vous chercher du regard alors que les personnes sur la plage s’agitent quelque peu. Les sauveteurs te font de grands gestes tandis que vous êtes les derniers à être encore dans l’eau. Dès que tu as de l’eau au niveau des hanches, tu commences à courir, le poids du liquide t’en empêchant jusqu’alors, « Je vois Théa, ne t’en fais pas, elle n’a pas bougé. ». Tu serres toujours Emma contre toi, et même une fois au sec, tu la gardes perchée pour continuer à courir vers votre fille. Tu ne la redéposes qu’après être arrivé à votre campement et tu te précipites vers la blondinette pour t'accroupir à ses côtés, « Tu as vu ça ma puce, maman est allée à l’eau ?! ». Ne pas évoquer la catastrophe qui vient d’être esquivée, c’est plus sûr si tu veux espérer pouvoir revenir à la plage avec les deux demoiselles sans que la plus grande ne soit en panique à chaque fois. C’est bien ta veine, les attaques de requin sont rares sur les plages new-yorkaises et il faut que l’un d’eux se soit décidé aujourd’hui à venir vous faire un petit coucou !

(c) princessecapricieuse

# Mar 23 Jan 2024 - 21:29

Je me contente de secouer la tête dans un geste entre le oui et le non, quand il me demande si ca va. Franchement, je ne sais pas trop. L’effort que je fais pour rester tranquille me semble surhumain. En fait, je ne suis pas sûre que j’y arriverais avec une autre personne que Liam car je le crois quand il m’assure qu’il ne me lâchera pas et je me sens en sécurité avec lui. J’essaye de me détendre mais c’est compliqué alors que je me sens plongée dans l’eau. Blottie contre Liam, je calle ma respiration a la sienne avant de réussir à commencer la conversation, la tête posée contre son épaule et le regard fixé sur Théa. Quand il fait mine de me lâcher, je resserre ma prise de koala en criant avant de voir son air fier de lui. C’est avec un ton sérieux, du moins, je l’espère, que je lui promets :

« Saches que je me vengerais, je ne sais pas encore comment, mais je trouverais Liam Keller !! »

J’ai un sourire contre sa peau quand il m’assure être heureux. Moi aussi je ressens une forme de bonheur serein dans cette vie de famille un peu bancale que nous vivons, sauf que cette sérénité ne dure pas longtemps. Ses doigts se faufilent sous le tissu de son t-shirt sans que je n’ose bouger, ou plutôt, sans que j’en ai envie a mesure que je me sens troublée par ce contact. Je ne cesse de me répéter qu’il n’y a rien d’indécent, je sens quand même le rouge me monter aux joues. On est sur une plage après tout, les gens sont en maillot de bain, je suis bien plus vêtue que la plus part. Surement que son geste est innocent pour autant, je devine une sensation nouvelle dans mon corps qui fait que je retiens presque mon souffle. Ma voix n’est qu’un murmure presque rauque, je la reconnais a peine, alors que je prononce son nom sur le ton de la supplique ne sachant pas trop si je vais lui demander de continuer ou d’arrêter:

« Liam… »

Je n’ai pas le temps de continuer ma phrase qu’un bruit se déclenche, une sorte d’alarme. Je me redresse en voyant les gens dans l’eau se précipiter vers la plage et Thea se réveiller. Liam aussi suit le mouvement, je sens ses muscles se raidir. Malgré ma peur, mon cœur me donne envie de lui hurler de me lâcher pour qu’il aille plus vite vers notre fille. On aurait pas dû la laisser seule.

« Un exercice ? »

Je ne comprends pas ce qui se passe mais je ressens l’urgence des autres baigneurs et entends les cris angoissés des personnes au sec commandant d’aller plus vite. Tout semble si chaotique. Dans le sens ou je me retrouve, je ne vois plus notre fille. C’est encore pire d’être face a cette eau immense sans savoir ce qui se passe du coté de notre serviette ou nous avons laisser la petite fille. Une fois de plus des gens assurent de « l’avoir vue » sans que je ne sache se quoi ils parlent, de toute façon, je m’en fiche en cet instant :

« Théa… Liam !! Ou est Théa ?!! Lâche-moi, va a retrouver !! Elle doit avoir peur !!»

Le pompier tient sa promesse de ne pas me lâcher avant que nous soyons près de la fillette. Elle est en larmes et font dans nos bras dès que nous sommes a son niveau. La tentative de Liam pour faire diversion ne fonctionne pas trop bien alors qu’elle éclate en sanglot :

« VOUS ETIEZ OUUUU !!!???J’ETAIS TOUTE SEULE !! J’AI EU PEUR !!! »

Je la console doucement en la berçant et en jurant que nous n’étions pas loin, que nous ne l’avions pas quitté des yeux. La crise de larmes s’épuise rapidement et elle finit par retrouver sa bonne humeur. Exercice ou pas, la baignade est interdite et la plage s’est pas mal vidée. Étrangement, de savoir que nous n’aurons plus aller dans l’eau me tranquillise un peu. Au final, c’est a grand renfort de pâtés de sables, de chahuts et de moments a trois que nous finissions cette agréable journée « en famille ». J’en profite pour faire un reportage photos et, lorsque nous devons rentrer, Théa est tellement épuisée qu’elle s’endort a peine le moteur allumé. Si j’ai le temps de le faire remarquer a son père, entre deux merci pour cette belle sortie, je sens rapidement ma tête dodeliner. Surement que je me suis endormie en pleine phrase, épuisée par toutes ces émotions. Le pauvre Liam se retrouve a faire chauffeur pour deux marmottes pas assez habituées a l’air de la mer.