Beaucoup auraient pu croire que la famille Aubry était parfaite. Après tout, ton père était un homme d’affaires respecté et ta mère était avocate brillante, qui aurait pu croire que derrière tout ces accomplissements se cachaient des êtres incapable d’aimer leurs propres enfants pour qui ils étaient vraiment ? Jour après jour, tes parents avaient tenté de te forger à leur image et tu avais toujours encaissé, sans jamais répliquer. Lentement, tu avais disparu de la vie de tous ceux pour qui tu avais un jour compté, ne te laissant que ton frère aîné comme unique allié. Maintenant plus âgée, tu pensais souvent à tout ces gens qui avaient traversé ta vie, ces copines du lycée avec lesquelles tu avais échangé tes secrets entre deux cours, un bout de papier passé discrètement alors que le professeur à le dos tourné. Tu sais bien que tu ne les reverras jamais, ces sourires remplis d’innocence qui t’accueillaient autrefois le matin avant votre cours d’algèbre, tu n’en gardes que le souvenir.

Cette innocence que tu partageais auparavant avec tes collègues de classe, tu la retrouves tous les jours dans les sourires de tes élèves. Ils t’émerveillent tant, avec leur pureté et leur joie de vivre contagieuse, tu ne peux t’empêcher de leur sourire en retour lorsqu’ils te parlent avec tant de passion de tous ces sujets sans grande importance qui les fascinent tant. Pourtant, parmi tes élèves, il y en a un qui se distingue du groupe. Ses yeux ne pétillent pas, son sourire est souvent absent. Emmett a toujours été très silencieux et si tu avais longtemps cru que la gêne était la cause de son silence, tu avais rapidement compris que la raison était tout autre. Quelques semaines auparavant, alors que tu aidais l’enfant à retirer son t-shirt sur lequel il avait renversé son verre de jus, tu remarquas sans grande difficulté les hématomes qui parcouraient son dos. Tu avais dû te faire violente pour ne pas serrer le petit garçon dans tes bras, le protocole était clair lorsqu’il s’agissait de rapporter un cas de maltraitance. Lorsque la fin des cours a sonné, c’est presque en courant que tu avais rejoint le bureau de ton directeur pour lui annoncer ce que tu avais vue. Une plainte avait été faite auprès des services sociaux, dans l’espoir que l’on vienne en aide à ton pauvre élève.

Une semaine plus tôt, on t’avait annoncé la venue prochaine d’une travailleuse sociale qui prendrait en charge le dossier du petit et c’est avec impatience que tu avais guetté l’arrivée de la dame, tes propres problèmes prenant rapidement le second plan lorsqu’il s’agissait de tes petits protégés. Ces enfants ne sont peut-être pas les tiens, mais cela ne t’empêche pas de les aimer comme s’ils l’étaient. Depuis ta triste découverte, tu avais tenté d’apporter une attention particulière à Emmett, établir un lien de confiance entre vous afin que ta classe puisse devenir un endroit où il pourrait se sentir en sécurité. Il lui arrivait souvent de s’endormir à son pupitre, ses compagnons de classe bien avisés de ne pas le réveiller lorsque cela se produisait afin qu’il puisse profiter de quelques minutes de repos bien méritées. Il lui arrivait également de te demander s’il pouvait rester en classe lors de la récréation, chose que tu acceptais toujours avec plaisir. Tu ne comprendras jamais les raisons qui poussent un parent à traiter son enfant de la sorte, tu ne peux comprendre et quelque part, tu ne tiens pas vraiment à connaître ces raisons. Aucune explication ne pourra jamais justifier les marques encombrant le dos de ce petit garçon.

feat  @Camille Evergreen