One Shot - Quelques mots posés sur le papier...

Septembre 2020. Cela faisait quelques temps qu’une pensée lui trottait en tête, Alexis n’arrivait pas à se détacher de Matt et arrivée à trente-six ans, il était plus que temps qu’elle tourne la page et pense à elle avant tout. Il était évident pour elle qu’il ferait toujours partie de sa vie, mais il était impératif qu’elle le considère différemment à présent. Le temps l’aidait à prendre peu à peu ses distances, mais on ne balaye pas ainsi des années d’une telle relation, et revenir à une amitié pure lui avait été difficile. Elle avait besoin de poser les mots sur le papier, de se libérer l’esprit et le cœur afin de laisser la possibilité, à un autre, d’y faire sa place…

Matt,

Tu ne liras probablement jamais ces mots, mais j’ai besoin de les poser, de les exprimer pour me libérer de toi. Cela fait des années que l’on se connaît, tu es mon meilleur ami, mon complice, mon confident, et pendant longtemps, nous avons été plus que cela. Seulement, tu n’as jamais vu ni compris que j’attendais davantage… J’aurais peut-être dû être plus claire sur les sentiments que j’avais pour toi, mais j’ai eu peur…Tellement peur. Si je t’avais dit que je t’aimais alors que ce n’était pas réciproque, j’aurais sans doute perdu ton amitié, et ça, je ne l’aurais jamais supporté. Tu es un pilier dans ma vie, Matt, le premier et le seul que j’aie véritablement aimé finalement… Je me rends compte bien tardivement que ce n’est pas sans raison si toutes mes relations ont foiré. Je n’ai jamais pu m’empêcher de les comparer à toi, de t’avoir dans mes pensées à chaque instant. Il m’a fallu du temps pour ouvrir les yeux sur ce qui semblait évident à tant de monde mais depuis quelques temps, quand je te disais « Je t’aime », ça n’avait rien de taquin, d’ironique ou d’amical. Je t’aime, Matt, c’est tout et te voir avec Lana m’a rendue malade, littéralement. Il y a eu des dizaines de filles avant elle, mais jusque-là, ça ne m’avait fait qu’un pincement au cœur, sans doute parce que je ne me sentais pas réellement en danger. Mais elle, c’était différent. J’ai senti dès que tu me l’as présentée qu’il y avait autre chose et j’ai fait bonne figure mais la seule chose que j’avais envie de faire était de fondre en larmes et te crier mon incompréhension. Que pouvait-elle t’offrir que je ne faisais pas ? Ne voyais-tu pas ce que tu avais sous les yeux depuis tant d’années ?... Ce jour-là m’a mis une claque et j’ai réellement compris ce qu’il en était. Cela faisait des mois et des années que je m’interrogeais sur notre relation mais tout était si simple, si facile et évident que je craignais de tout briser en poussant les choses plus loin. Pendant ces deux années, j’ai tenté de réparer mon cœur et de t’oublier, et puis, il y a eu cet accident. Le pire jour de ma vie. Te perdre parce que tu en avais préféré une autre avait été dur, mais je n’aurais pas supporté de te voir mourir. Les heures passées dans cette salle d’attente…Et enfin le soulagement quand Gabriel est arrivé pour dire que tu t’en sortirais, même si les jours qui ont suivi n’ont eu de cesse de m’inquiéter.

Et puis, j’ai appris que Lana était morte…Ne crois pas que je m’en sois réjouie, et j’ai honte de l’admettre mais j’ai eu un espoir. Sauf que toute cette histoire t’avais détruit et qu’à chaque date anniversaire je te voyais t’enfoncer dans cette douleur que tu ne parvenais pas à exprimer. J’ai tu ce que je ressentais car ta souffrance passait bien avant la mienne et je me devais d’être là, comme ça avait toujours été le cas pendant toutes ces années, et comme tu l’avais tant de fois été pour moi. Cette fois, je n’avais pas le droit d’être égoïste. Tu avais besoin de te reconstruire et à part être présente, je ne pouvais rien faire…Ou en tous cas, je n’ai pas su ce qu’il fallait faire. Ca fait deux ans à présent et je ne peux plus passer ma vie à t’attendre…A espérer que tu aies une illumination qui n’arrivera de toutes façons surement jamais, parce que tu ne m’aimes pas comme moi je t’aime.

Je sais quelles limites on s’était posées, mais ça ne se contrôle pas. Je t’ai dans la peau et si le temps et l’éloignement m’ont permis d’essayer de passer à autre chose, il m’est extrêmement difficile d’oublier. J’ai sans doute encore besoin d’un peu de temps pour guérir de toi et réussir à aller de l’avant. J’espère y arriver un jour, non, il faut que j’y arrive car ces sentiments sont en train de me détruire et de me faire passer, peut-être, à côté de quelque chose d'autre...

On pouvait voir l'encre qui avait coulé là où ses larmes étaient tombées au fil de son écriture. Elle s'était arrêtée là, se disant qu'elle poursuivrait plus tard, les émotions la submergeaient trop en cet instant. Elle replia la lettre et la glissa dans un tiroir mais plus jamais elle ne reprit le papier pour poursuivre ce qu'elle avait commencé...