Plus rapide qu'a la mairie

Parfois j’oublie presque que je m’appelle Demetra Barnes et que je viens de Montana. Je rêverais, pourtant, d’entendre mon prénom rouler sur la langue de plusieurs de mes proches, ceux qui ont fait plus que passer dans ma nouvelle vie, mais ce n’est pas possible. Demetra Barnes est la femme du talentueux docteur Frederich VanHooten. Ce brave homme épleuré qui multiplie les messages d’époux inquiet dans les réseaux sociaux et les promesses de récompenses mirobolantes si on lui rapporte sa tendre épouse disparue. Quand je lie que je suis censée être dépressive, désorientée a cause de mon deuil et en fragilité avancée selon lui, j’ai envie de vomir. Je vois exactement ou il veut en venir s’il remet la main sur moi et je refuse d’être son esclave pour ce qui me restera de vie.

C’est surement pour cela que j’ai commencé à fouiner ou je ne devrais pas, profitant des clients un peu douteux d’Amber pour creuser là ou mon ancien métier m’aurait toujours interdit d’aller. C’est un comble quand on est médecin et qu’on a voué sa vie a la justice en devenant légiste de vouloir des faux papiers, sauf que je n’ai pas le choix. Le filet se resserre doucement et surement, si je veux pouvoir continuer à chercher mon frère sans me retrouver déclarer folle et sous tutelle de mon bourreau, il faut que Fantine Le Bret existe pour de bon.

J’ai dû prendre du temps dans des discussions désagréables, minauder auprès de personnes répugnantes, fermer les yeux sur des propos révoltants pour avoir, enfin, le droit à une adresse et une fourchette de prix. Pas la peine de dire que c’est loin de mes moyens que l’argent qui se trouve dans mon sac a doc est « un emprunt » a des personnes a qui j’aurais voulu ne pas devoir un centime. Mais avais-je le choix ?

Pour venir, j’ai abandonné mes Louboutin fétiches, mis le jean le moins moulant que j’avais et pris un sweat a capuche de Max. Autant dire que je flotte dedans. A peine maquillée, les cheveux juste retenus dans une queue de cheval faite rapidement, je me sens quasiment nue avec cet accoutrement qui ne me ressemble pas. Pourtant, ce n’est pas ca qui fait que je reste devant le bâtiment qui correspond a l’adresse griphonée sur mon papier.

Déjà, parlons du quartier, ce ne vend pas sur rêve, mais l’immeuble qui se dresse devant moi semblait moins glauque sur les visuels de google map. La devanture ne m’inspire et j’ai très envie de rebrousser chemin en me disant qu’entrer dedans, seule, avec un sac plein d’argent, même en sachant me défendre, c’est du suicide sauf que ne pas avoir de papier l’est d’une autre façon.

Je respire un grand coup, rassemble ce qu’il me reste de courage et fait fis de la devanture pour entrer dans un hall qui ne dénature pas avec le reste. Je ne sais pas si mon contact vie ici ou si c’est juste pour « la rencontre », mais il règne une atmosphère pesante dans la cage d’escalier couverte de tague. Je m’arrête devant la porte mentionnée sur les instructions et frappe 3 fois avant de dire :

« C’est Karaoubou 99 qui m’envoie parler de la sainte écriture. »

J’ai l’impression d’être dans un mauvais film et espère presque que personne ne va me reprendre pour que je puisse renter chez moi plus vite que doucement. Je ne sais même pas le nom de la personne qui doit me faire mes « vrais faux papier » et je suis de plus en plus mal a l’aise ici.