Quand j’ai vue le lot que j’avais gagné, et surtout avec qui, j’ai eu du mal a ne pas m’amuser de la situation. Parfois, le destin faisait bien les choses et j’avais l’impression qu’il me conduisait pas mal vers cette belle jeune femme un brin timide. Surement trop pour ne pas ignorer ce plaisant message. Même si j’ai eu un peu de mal a cernée la jeune femme, j’ai eu l’impression de ne pas lui déplaire.

Aujourd’hui à la caserne, les interventions ont duré un peu plus longtemps que prévue, mais j’ai quand même pris le temps de passer a la douche pour ne pas sentir la fumée a cette nouvelle rencontre. Même en étant débrouillard en moto, j’arrive après elle a la salle de sport ou elle m’a donné rendez-vous. C'est joyeusement que je me signale et m'excuse:

« Hey ! Gabriela !  Désolé pour le retard ! Je sors a peine du travail. Je me dépêche de me préparer!»

Je ne traine pas pour retirer la combinaison de motard que je laisse dans un casier,a vec mon sac a dos. En dessous, je suis déjà en tenu de sport : short près du corps, t shirt des pompiers de NY et gants, j’ai juste a enfiler ma paire de chaussures. Bref, j’ai tout attirail du parfait grimpeur, et pour cause : escalader est plus qu’un loisir quand on est pompier. En attendant, c’est avec un grand sourire aux lèvres que j’arrive devant la jeune femme :


« A moins que vous me disiez avoir truqué la tombola parce que vous ne pouviez plus vous passer de moi, avouez que cela dépasse le cadre d’un simple signe du destin. »


Je me plante devant elle, avec cet air de gosse content de lui. Je m’échauffe rapidement les poignets tout en lui faisant remarquer, avec enthousiasme :


« C’est un super choix d’activité ! J’adore ! Intelligente, généreuse, belle et maintenant je vous découvre sportive. Moi qui pensais que la femme parfaite n’existait pas ? Est-ce que vous avez au moins un défaut caché Gabriela? Genre un petit ami ? »

Je pose mon sac sur le coté pour finir mes échauffements riant de sa pique. On dirait bien que la belle, sous ses airs de chaton timide, commence a sortir ses griffes. Ca n’est pas pour me déplaire. Je prends quelques secondes pour faire mine de réfléchir a sa proposition avant de faire une grimace et secouer négativement la tête.

« J’aurais un peu trop l’impression d’être au boulot, non. Je propose qu’on reste dans l’idée de s’amuser, par contre je ne suis pas contre un peu de challenge. »

C’est toujours avec ce petit éclat de malice dans le coin des yeux que je lui propose :

« Et si nous faisions la course ? Le premier en haut a le droit de proposer un gage a l’autre ? Ca vous irait ? Ou plutôt, cela t’irait ? Je me sentirais plus a l’aise si on pouvait se tutoyer… »

Je me penche doucement vers elle, pour remettre une mèche de ses cheveux rebelles derrière son oreille, la fixant avec une certaine intensité qui ne doit pas laisser la place aux doutes quant a l’intérêt que je lui porte. J’en profite pour ajouter :

« Mais avant d’accepter, sache que si je gagne, je compte bien te demander un vrai rencard. Alors, est ce que tu comptes relever le défi, ou tu préfères juste une petite montée sans enjeux ? »

Si je m’apprête à la taquiner en lui faisant remarquer que c’est exactement ce qu’un coupable aurait dit, la fin de sa démonstration me fait arquer les sourcils.

« Attendez, vous avez gagné la sortie en bateau de luxe ? Et cela ne vous plait pas ? C’est indiscret de vous demander pourquoi ? »

Je crois que c’était le plus gros possible à gagner. C’est même indécent de se dire que l’argent d’un tel lot aurait surement été mieux investi dans l’asso en elle-même. En tout cas, a la place de Gabriela, je ne cracherais pas dessus et j’en ferais profiter pas mal de monde. Je fais une petite grimace et mine un cœur brisé quand elle m’annonce non seulement ne pas être libre, mais en plus que j’ai potentiellement un truc en trop pour entrer dans ses critères. Enfin, qui sait, elle aime peut-être autant les choucroutes de la mer que celle avec des saucisses, quant a moi, je ne suis pas de nature jalouse. Optimiste, je ne manque pas de demander :

« Et c’est du sérieux entre vous ? Dans mon sac il y a le calendrier des pompiers dédicacé par toute la caserne, ca peut quand même vous intéressez ou vous préférez que je me débrouille pour trouver celui d’aubade ? »

La magie des pompiers, on nous apprend vite que si on ne peut pas entrer par la porte, il faut passer par la fenêtre.  Dans tous les cas, j’ai l’impression que la demoiselle se dévoile un peu plus et je découvre avec plaisir sa nature joueuse. Qui plus est, elle n’hésite pas a quitter ce vouvoiement étouffant. Quand elle fanfaronne sur sa rapidité, impossible de ne pas lui retourner une œillade en lui demandant :

« On parle toujours de l’escalade ? »

Avant de pouffer un peu et d’ajouter, plus sérieusement :

« Parce que c’est censé être un déshonneur de me faire battre par toi ? »

Je commence a réfléchir a ce qu’elle pourrait gagner et la seule réponse qui me vient est :

« Tant que c’est raisonnable, demande-moi tout ce que tu veux. »

Je n’ai pas le temps d’ajouter un mot de plus qu’elle se lance déjà. Merde. Non seulement elle est rapide, mais en plus, je ne sais même pas ou il y a un harnais. Et voilà, un joli minois, des douces paroles, et je me suis fait avoir en traitre. Je prends avec humour se départ « discutable » et, après le moment de « ou se trouve la corde », j’abandonne l’idée de la trouver pour monter sans harnais ni corde de rappel.

Elle a déjà fait un bon tiers du parcours alors que débute a peine, heureusement, je me débrouille pas trop mal. Je me tâte a être mauvais joueur et lui dire qu’il y a un trou dans son bas, mais je me retiens préférant me battre a la loyale. Je la rattrape a mi-parcours. C’est sans m’économiser et en jouant des muscles que je me retrouve presque coude a coude avec elle. Cela se joue de peu, mais j’arrive en haut le premier, passablement essoufflé pour lui tendre la main avec un grand sourire :

« Tu n’as jamais pensé a passé la sélection de pompier ? Je n’en connais pas beaucoup a la caserne qui se débrouille aussi bien que toi. »

Quand elle me rejoint en haut, on a une bonne vue sur toute la salle. C’est vrai que je prends rarement le temps de venir dans ce genre de complexe, je me contente des entrainements du boulot et des sorties dans la cambrousse. C’est un autre charme :

« La prochaine fois, ça te dirait de tenter en pleine nature ? »

Mon attention se reporte sur le visage de la jeune femme, qui est aussi marqué par l’effort :

« Et pour mon gage, vu que je pense comprendre que l’intérêt que je te porte n’est pas absolument réciproque, j’imagine que tu as très envie que je trouve une autre idée qu’un rencard romantique dans l'espoir de te plaire un peu? »

Je fais une petite grimace quand elle m’avoue sa phobie qui n’est, malheureusement, pas vraiment compatible avec le lot qu’elle a gagné. Au moins, je comprends mieux sa remarque. C’est avec beaucoup de précautions que lui suggère :

« Et si vous demandiez a ce que le bateau reste a quai en y allant avec une personne de confiance, ou plusieurs, vous pensez que vous pourriez tenter de dépasser votre phobie et profiter un peu ou ca vous semble insurmontable ? »

Il n’y a pas de jugement dans ma question. Si je ne me rends pas compte avoir mes propres peurs irrationnelles, j’ai surtout bien conscience de celles des autres de part mon métier. J’ai appris a les gérer, enfin, a tenter d’aider les gens a faire face quand il le faut. Rapidement, le sujet change et j’en oublie presque le bateau. Certes, je suis un peu surpris de l’aveu de son orientation sexuelle, qui expliquerait surement bien des choses, pour autant, je reste bon perdant. J’ai un truc en trop pour faire plus que tenter ma chance visiblement, ca ne m’empêchera pas de passé un bon moment ici avec elle.  Sans compter qu’elle reste intéressée par le calendrier des pompiers des New york.

« Tu m’y feras penser en partant, il est dans mon sac. J’ai un peu couru mais tu as les dédicaces de tout le monde. Je te conseille pas mal Janvier, je ne dis pas ca parce que c’est moi, évidemment, juste que je trouve l’éclairage plus intéressant sur cette photo… »

Je ris de ma bêtise. Tous les ans, c’est un peu la guerre pour savoir qui sera dedans, ou pas, alors, pour une fois que c’est mon tour, j’aime bien jouer les faux modestes. Au moins, je prends un peu de temps pour me préparer, sans savoir que la belle compte bien me faire un départ précipité dans peu de temps ; Pour le moment, on est encore a la conversation légère, même si son affirmation me laisse un peu dubitatif :

« Les mauvais perdants le sont avec tout le monde, femme ou pas. »

Et ce n’est pas mon cas. Perdre n’est pas un souci en fait. C’est aussi comme cela que les choses s’étaient faites avec Carmelo. La ou d’autres se seraient énervés d’avoir été dupés, moi, j’avais préféré en rire. Ce qu’il m’avait volé valait bien le prix de la leçon et puis, je me souviens encore de sa tête quand je m’étais amusé de son tour, lui proposant de lui payer un repas s’il m’explique son truc. Visiblement proposer des enjeux a l’air de lui plaire, je me demande bien ce que son « tout » peut signifier pour elle :

« Pourquoi pas, si c’est raisonnable ? »

Sauf que je n’ai pas le temps d’ajouter un mot, elle est déjà partie a l’assaut du mur d’escalade en oubliant de me donner le top départ. On dirait que la mise du « tout » la motive sacrement car j’ai du mal a la rattraper et ma victoire se joue de peu. Au moins, pouvons-nous faire une petite pause sur le sommet de cette paroi artificielle. Je vais m’amuser a de redescendre sans corde ni harnais.

« « Tes petits bras » font bien plus que te soulever « a peine ». Je suis sérieux dans ma proposition Gabriela, je pense que tu as plus que le potentiel pour tenter le concours et en plus, je pourrais t’aider si un jour tu as envie de changer de carrière. »

Est-ce que je me rends compte que je suis en train de proposer a une cambrioleuse de l’aider pour aller vers un métier qui lui donnera accès a toutes sortent de maison en toute impunité ? Évidemment que non. Mon sourire ne me quitte pas alors qu’elle semble ne pas savoir ou grimper en pleine nature :

« Je connais d’excellents sites, mais c’est vrai qu’ils se méritent. Si tu n’as rien contre la moto et que quelques heures de routes ne te font pas peur, je pourrais te dévoiler des endroits a couper le souffle. Tu connais Taughannock Falls State Park ou Minnewaska State Park Preserve: Sam's Point Area? »

Bon, le plus souvent, quand j’y vais, c’est avec ma tente pour dormir sur place, mais si ca se trouve, c’est jouable dans une journée. Je la regarde sans être sûr de bien comprendre la suite avant de pouffer de rire :

« Attends, tu veux dire que pour éviter un rencard avec moi, tu as tenté la carte « je n’aime pas les hommes ? ». Tu sais, je peux entendre un « non » ? »


C’est toujours mieux que de ne pas gâcher notre belle amitié ou de parler de ma ressemblance avec son frère. Mon regard se fait plus intense et je ne sais pas trop comment prendre sa remarque :

« Serais ce une proposition Melle ? Sache que je tiens plus que très bien sur la durée, charge a toi de le vérifier. Après, si tu te sens encore essoufflée, on peut attendre encore un peu… »


Évidemment, elle n’en fait qu’a sa tête et s’élance a nouveau a l’assaut de l’autre bloc. Le hic, c’est que je suis toujours sans corde.  J’ai du mal a trouver les prises du départ et, même si je frôle l’excellence sur la fin, ca e suffit pas. Elle est restée parfaite et constante tout du long. Une fois de plus, c’est serré, mais c’est elle qui termine en tête avec panache :

« Il faut croire que ca va être a ton tour de me parler de ton gage, même si le mien n’a pas encore été déterminé. »