Il n'y a pas besoin d'aller a la fourrière pour adopter

J’avais l’impression d’être comme ces justiciers de l’ombre détenteur de froids secrets dans une foule d’individus sans relief et sans intérêt. Une sorte de Batman dans Gotham, agissant en secret dans les bas-fonds. Bon, sauf que je suis loin d’être gaulé comme l’autre fan des chauves-souris, en plus, qu’est ce que c’est moche ces bestioles-là, et puis, surtout, j’ai ni son fric ni le mec a son service qui gère tout ce qu’un vengeur ne devrait pas avoir a gérer.

Pourquoi je vous raconte tout ça ? je sais pas… juste parce que je me dis que là, même pour moi, c’est p’être un peu too much le bordel dans la casa del Logan, la maison de mon tuteur dont j’ai herité. Le facteur a voulu jeter un œil l’autre jour en m’apportant des factures et il m’a sorti « ah ben merde vous aussi vous avez été cambriolé !! C’est pas de bol. Ils ont vraiment mis tout sans dessous dessus, je vous plains.»  Sur le coup j’ai pas trop pigé de quoi il causait. Il avait pas l’air bourré. Et puis, j’ai réalisé que je savais plus mettre un pied au sol sans écraser un truc et que j’avais mis trois plombes ce matin pour trouver mon dernier froc presque propre.

Et voila comment le vengeur pas masqué a dû laisser tomber son grand projet viril pour se comporter comme une gonzesse en tablier. Parfois je me dis que je devrais p’etre essayer de m’en coltiner une pour plus qu’un coup de bite tellement c’est chiant ces histoires de ménages. En plus, j’ai pas la gueule de Blanche Neige, j’ai pas sifflé et les saloperies animales des égouts sont pas venues se la jouer les boniches pour tout nettoyer et ranger. Autant dire qu’après quelques heures et pas mal de sacs poubelles plus tard, ce qui était un grand mieux pour moi restait peut être encore très flippant pour un être normalement constitué. Je devrais peut être mettre un panneau « vaccination contre le tétanos obligatoire », sauf que je sais même pas si je suis vacciné ni ce que c’est que le tetatruc. Certainement un cousin a Thanos. Bref, la petite maison de Logan, un modeste 4 pièces à la hauteur du quartier ou elle était implantée, un taudis d’après les bourgeois quoi, avait quand même une meilleure gueule sans les boites de pizzas qui trainaient, ni les canettes de bières vides et les cendriers plein. Restait le souci du linge sale. La technique de « tant que ça tient debout, tu retournes et tu portes » arrivait quand même à ses limites, même pour moi.

Au départ, je me suis dit, tranquille, y’a un lave-linge. Sauf qu’après une heure devant ce truc je me suis rendu compte qu’il avait dû clampser durant mes années de taule. Fais chier putain. Alors d’une, au cas où vous vous poseriez la question, c’est pas parce qu’on sait réparer une bécane qu’on sait gérer un grille-pain. J’espère que la petite vieille du coin de la rue le comprendra un jour au lieu de me ramener toutes ses brols en panne en voulant que je la dépanne. Ensuite, vue que j’étais un peu « agacé », le lave-linge a pris cher. Visiblement, lui filer des coups de pieds en le traitant de connard et en lui demandant pas gentiment de se lancer, ça marche pas des masses.

C’est donc après avoir épongé la flotte, le pieds douloureux, que je me suis retrouvé avec le sac a dos plein de vêtements crades sur ma Harley direction la laverie. Il était tard et dans ce coin de la ville, quand la nuit tombe, les gens avec un instinct de survie restent dans leur maison et évitent de se promener dehors. J’imagine que ça vous donne un indice quant à mon instinct de survie ou ma confiance en moi. Mais du coup, j’étais un peu le seul glandu dans la laverie dont l’une des ampoules, agonisante, se croyait en soirée disco. Fallait pas être epileptruc avec les clignotements chiant de cette merde !!!

J’ai mis pas mal de temps a trouver la machine la moins dégueu. Je me suis, aussi, offert le luxe de de pester des plombes sur le prix de cette connerie devant le distributeur de lessive avant de tout bourrer dans le tambour. Franchement, même en prison je devais pas m’abaisser à ça. Ca craint ! Et puis 5 dollars pour sentir la lavande !! C’est abusé !

Vu le prix de la dosette de lessive, quand je dis que j’ai mis tout ce que je pouvais, j’ai vraiment mis tout ce que je pouvais devant. C’est donc en t shirt Punishers et en shorty que je me fous sur le banc en espérant que ça va pas durer des plombes cette connerie. Dès les premières minutes je sens que si, ca va forcement durer trop longtemps, j’aurais dû prévoir un truc a faire, si j’avais été du genre prévoyant. En même temps, je l’aurais été, j’aurais peut-être vérifié avant le lave-linge et mis de côté de la thune pour lui plutôt qu’acheter un tableau géant et de la cordelette rouge.

Je suis donc là a feuilleter un magasine a la con qui date d’il y a des mois, voire plus, très certainement, et a me demander si c’est vrai que Brad Pitt trompe Jenny avec Angelina quand j’entends du bruit qui vient de dehors. Pas du genre des gens qui sont rentrés dans la laverie, m’ont vu a moitié a poil, avec un beau tatouage de gang bien visible et un ravissant bracelet électronique a la cheville, avant de se barrer rapidement, non, là c'est plus genre pugilat dans la rue. Je lâche mon magazine et me tord le cou pour faire mon concierge. Y’a une p’tite nana qui a des emmerdes avec trois types. Une partie de moi me dit que c’est pas ma merde, l’autre me dit que j’ai un peu rien d’autre a foutre là et que, surtout, ma mob est quand même pas loin de la zone où ça chauffe.

Je soupire en me levant pour sortir, ouai, a moitié à poils, et alors ? Ca vous choque ? Allez en prison, vous verrez qu’on apprend vite a chier devant les autres. La pudeur est un concept que j’ai appris a perdre. Bref, donc je pousse la porte et sort comme si de rien était. J’ai pas besoin d’en entendre trop pour comprendre ce qui se passe.

« Tu vas nous donner ta thune salope ou je vais te saigner comme la sale pute que tu es… »

Yeah, y’a d’autres poètes en ville ! Bordel, ils sont trois, dont deux avec des couteaux contre un minette. J’hésite à intervenir. NOOOON je déconne !!! Vous m’avez cru ?!! Je vous adore, vous êtes trop naïfs ! En fait non j’hésite pas parce qu’hésiter implique réfléchir et que ca, c’est clairement pas mon truc. Je m’avance tranquillou, réalisant, un peu tard, que mon couteau est dans ma veste. Mais bon, comme dirait certain, tant qu’on a une bite on est jamais désarmé, et je me fous a coté des types.

« Ca va aller les mecs ? A votre place je me méfierais. Vous voulez pas que je vous aide, parce qu’a trois contre une, ca risque d’etre chaud. Vous préférez que je lui tiennes les pieds ou les bras pendant que vous la planter ?»

Les trois se retournent surpris, de 1 qu’un mec vienne leur causer, de 2, de se demander si je blagouille (si si ce mot existe) ou pas et de deux, attendez, non le deux j’ai déjà fait, donc et de 3 de ma tenue. Je les sens presque buguer et le plus rapide du lot demande :

« T’es qui toi ? »

C’est vrai que de toutes les questions pertinentes a poser a un mec en sous vet’ qui vous accoste dans une ruelle glauque la nuit, c’est pas la moins conne. Je lui souris comme si on était les meilleurs potes du monde.

« Tu me remets pas ? C’est moi, Dominique… Dominique Tamer. »

Je leur laisse pas le temps de brancher les neurones pour comprendre que je suis un vrai comique que le premier a déjà mon poing dans sa gueule, et le deuxième, il se mange le couteau du premier dans le bras. Des années de taule, ça apprend a taper vite et fort. Le troisième me regarde, regarde la nana, et se barre en courant. On a trouvé le moins débile des trois. Sans faire attention au mec au sol qui se tient le nez en sang et a celui qui braille comme un âne a cause de son petit bobo et je demande a la nenette :

« T’as pas une clope ? »

Ou un jeton de lessive, ou un mars ou des capotes. Ouai une vengeance ca coute cher bordel. On gratte tout ce qu’on peut quand on est pas Bruce Wayne.