Go, Diego, Go ! | Diego et Samuel

Go, Diego, Go !

Il n’a pas pu refuser la proposition faite par son supérieur. Proposition ? Ça ne sonnait pas réellement de la sorte… En réalité, Diego n’avait nullement été en mesure d’apposer son veto. Il n’est personne. Il n’a aucun mot à redire quant aux ordres reçus. On voulait lui imposer un collègue ? Il disait oui. Point à la ligne.

Les choses lui ont été expliquées simplement, ne laissant aucune place à la moindre négociation, « Tu nous dois encore une somme colossale, et ça traîne trop Diego. ». La main se voulant rassurante sur son épaule avait finalement broyé sa clavicule. L’avertissement muet était annoncé. « Comme tu le sais, Las Chiapas est une grande famille, et on ne voudrait pas avoir à devoir se séparer de l’un de nos membres... », les doigts avaient relâché légèrement leur prise, permettant au Mexicain d’avaler une grande goulée d’air. « On te propose donc un peu d’aide. Il s’appelle Samuel, à toi de lui trouver du boulot qui te permettra d’engendrer plus de bénéfice. ».

Il n’y a pas eu plus de détails. Le lieutenant chargé du cas Diego Arriaga lui a souri après son explication, le genre de sourire qu’il ne laisse rien présager de bon. Le cuistot, lui, il est resté impassible pendant toute l’entrevue, se contentant d’une grimace sous la douleur ressentit à l’épaule avant d’opiner du chef. « Merci pour le coup de main. », bien évidemment, il ne parlait pas factuellement de celle venant de le faire quelque peu vaciller. Sa remarque n’était pas non plus des plus sincères. S’il peut se montrer un peu trop naïf de temps en temps, là, en l’occurrence, au ton employé, il avait parfaitement que ce qu’on lui imposait n’avait rien d’un cadeau.

Est-ce qu’on lui envoie quelqu’un pour le surveiller ? A-t-on des doutes sur sa loyauté ? Pense-t-on qu’il puisse garder une part des recettes pour lui ? Il faudrait qu’il soit stupide pour faire ça ! Cependant, si on lui flanque quelqu’un dans les pattes, il y a forcément une raison, et cette dernière ne peut certainement pas être une réelle envie de lui venir en aide…

Il y a trop d’inconnu dans cette histoire, ça ne le rassure pas. Pour autant, il obéit. Sagement, comme le bon petit toutou qu’on lui demande d’être. Il verra bien qui se retrouve en face de lui. Chaque problème en son temps.

Et ce temps, il est arrivé. En fin d’après-midi, Diego a garé son food-truck à l’un de ses emplacements de prédilection. Ici, les affaires sont souvent fleurissantes. La place sur laquelle il se trouve est un carrefour fantastique, il y a autant d’étudiants que de salariés au bord de la crise de nerfs après une longue journée qui s’arrête à sa camionnette. Et lui, il a tout ce qu’il leur faut pour qu’ils parviennent à se détendre. Soit ils se contentent d’un bon plat aux saveurs ensoleillées, soit ils demandent plus. Ce sont ses petits plus qui font la réputation de son établissement mobile auprès d’une certaine tranche de la population new-yorkaise. Ce sont également ces petits plus qui lui rapportent gros, et qu’il doit absolument écouler.

Il se retourne en entendant une voix dans son dos. Le gars l’appelle par son prénom en faisant référence à sa cousine. « Je n’ai pas de cousine qui s’appelle Dora. », et dans tous les cas, elle se trouve à plusieurs centaines de kilomètres de là. Un sourcil relevé d’incompréhension - qui n'a rien avec un manque d'humour mais avec cette référence qui lui échappe - il pense simplement que c’est un nouveau client un peu farfelu qui ne sait pas comment l’aborder, « Tu arrives tard, je n’ai plus beaucoup de choix, il te fallait quelque chose en particulier ? ». Tourner ses phrases de façon à ce qu’elles passent inaperçues est devenue une habitude qu’il maîtrise plus ou moins bien.

Sam. Sam ? Oh, il doit être le fameux Samuel ! Qu’est-ce qu’il fabrique ici ?

« Tu ne devais pas débuter demain ? », à moins qu’il ait encore une fois perdu la notion du temps. Bon sang… Mais quelle date se trouve sur le calendrier aujourd’hui ? « Peu importe », chassant d’un revers de la main ce détail sans importance, il reprend, « Grimpe et ferme la porte derrière toi, on va voir en quoi tu peux te rendre utile. ».

De son côté, il jette un coup d’œil par l’ouverture servant de comptoir afin de s’assurer qu’aucun client de dernière minute n’arrive et il abaisse fait glisser la vitre avant d’occulter la transparence à l’aide d’un morceau de tôle.

Diego n’est pas franchement à l’aise, il mordille son pouce en attendant que le brun ne le rejoigne, puis il attrape un autre tablier pour l’envoyer vers celui qui va jouer le rôle de son acolyte pour un temps indéterminé, « Aide-moi à nettoyer tout ça pendant qu’on discute un peu. ». Il ne sait toujours pas si les gars du cartel le prennent pour un baby-sitter ou si, à l’inverse, ce type est là pour le surveiller, mais autant qu’il lui serve à quelque chose.



En Espagnol dans le texte

   

Go, Diego, Go !

Le levé de sourcil est dubitatif. Ce type le prend pour un crétin ? Ou pour un gamin de cinq ans peut-être ? C’est exactement ce que pense Diego quand il se met à lui chanter une chanson ridicule. Puis il se présente enfin. Sam. C’est le nom du petit nouveau censé venir l’aider à écouler sa marchandise plus rapidement. Apparemment, ses supérieurs au sein de Las Chiapas ont de l’humour. Le gars se pointe comme une fleur, le sourire aux lèvres et l’humeur joviale. Il n’a donc aucune idée de l’endroit où il met les pieds… Se retrouver au milieu d’un cartel, ce n’est pas une partie de plaisir, encore moins une scène à ciel ouvert pour montrer ses talents d’artiste.

Respire Diego, il n’a rien fait de mal. Il essaie juste de détendre un peu l’atmosphère.

C’est plus fort que lui, le Mexicain est sur les nerfs. Souvent. Du moins, en ce moment. Enfin… Depuis plusieurs mois. Se détendre et s’amuser sont deux luxes qu’il ne peut se payer depuis que de la came lui étant attitrée a disparu. Et, très honnêtement, devoir se retrouver avec un petit rigolo dans les pattes ne le rassure pas. Et si ce mec lui jouait un mauvais tour ? S’il embarquait sa marchandise et s’envolait ? Merde… Il serait dans une situation plus que catastrophique si ça se passe ainsi. Ou plutôt, il se retrouverait six pieds sous terre. Las Chiapas a beau lui avoir offert la chance de se rattraper, ils ne le feront pas à deux reprises.

Expulsant l’air de ses poumons en continuant de fixer le nouvel arrivant, il lui dit de faire le tour de la camionnette afin de le rejoindre. Avant cela, il a pu apercevoir la jolie montre accrochée à son poignet. Entre ça et l’allure de ses vêtements, Diego s’interroge d’autant plus sur qui il est. Il n’a pas la prétention de penser qu’il puisse reconnaître des fringues d’un couturier ou un truc du genre, la preuve en est qu’il ne remarque absolument pas que cette Rolex est certes tape-à-l’œil, mais totalement fausse, cependant, il n’est pas non plus aveugle. Et la suite de la conversation ne va pas lui permettre d’éclaircir ses inquiétudes.

Il tend un tablier à son invité du jour, et, là encore, il hallucine.

« Sérieusement, oui. », il parle tout bas alors que ce Sam lui pose une nouvelle question lui semblant totalement loufoque, « J’ai une tête à savoir de quoi tu me parles ? ». Il se fout littéralement de sa gueule, n’est-ce pas ? Voilà qu’il s’en va après avoir parlé de son… de son fessier ?! Diego louche dessus une seconde quand il se retourne pour descendre du véhicule, puis il lui cris, la main posée contre l’encadrement de la porte, « Tu vas où comme ça ? Je n’ai pas de temps à perdre ! ».

Ce n’est pas possible… Diego est fatigué. Usé. Et clairement, ce mec n’a pas l’air d’être hyper fiable. Il ressemble plus au genre de gars qui va lui attirer davantage de problème plutôt que de l’aider à amoindrir ceux qu’il a déjà. Cela dit, avec un peu de chance, il a fui plus rapidement qu’un courant d’air en voyant qu’on lui demandait de se retrousser un peu les manches, et il ne le reverra jamais. Mais si c’est le cas, est-ce qu’on va lui mettre sa désertion sur le dos ? Ou… Non, non, non. S’il vient de déguerpir, il va s’attirer des ennuis.

Mais pourquoi tu penses à ce qui peut arriver à ce type ? Préoccupe-toi de tes affaires. Mais, Diego, ce n’est pas son style. Alors, tout en commençant à ranger son food truck, il cogite. Ouai, on peut le dire, il s’inquiète même. Il ne le connaît pas, mais se casser comme ça et tourner le dos au cartel, il n’y a pas mieux pour finir avec une balle logée directement entre les deux yeux. Peut-être que… Retirant son tablier, il s’apprête à sortir afin de tenter de le retrouver pour lui faire reprendre raison, mais c’est à ce moment-là que la porte se rouvre.

« Tu es revenu ? », il le regarde. Éberlué. Il ne pensait vraiment pas le revoir de sitôt. Un petit sourire de soulagement vient même étirer ses lips, jusqu’à ce qu’il déchante à nouveau en voyant que Samuel est allé faire des courses. Des courses ?! « Je peux savoir ce que tu trimballes ? », il n’essaie même pas de cacher son ahurissement et sa lassitude.

Quand le jeune homme commence à retirer ses fringues, les joues de Diego virent instantanément au rouge cramoisi tandis que ses muscles se figent. « Que… Qu’est-ce que tu fous ? », il se retourne vivement lorsque le pantalon glisse sur les cuisses de son vis-à-vis. « Je… Je garderais ça pour moi. », alors que, très franchement, personne de sa connaissance n’aura quoi que ce soit à faire des vêtements que porte ce type inconnu. Par contre, le fait qu’il se change face à lui sans aucune gêne, ça, ça en ferait sans doute marrer plus d’un.

Toujours dos à Samuel, Diego ne bouge plus d’un cil. Il n’ose pas vérifier si le changement de tenue est fait, et il sursaute presque en entendant la voix du jeune homme s’élever pour lui faire une révélation énorme : il n’a aucune expérience dans le domaine. On ne s’en serait pas douté !

« C'est marrant, j'aurai parié que tu avais passé ta vie dans un food truck ! Commence par remettre ça. Première leçon, l’hygiène avant tout. », il fait enfin volte-face, attrape le tablier de tout à l’heure et le lui tend avant de repasser également le sien.

Diego pose doucement ses mains sur les épaules de Sam pour le faire se redresser, brisant ainsi l’aspect confidentiel mis dans son geste. Pour autant, il se met à chuchoter, « Tu devrais faire attention à ce que tu dis. Tu ne me connais pas. ». Il le regarde droit dans les yeux, avant de détourner le regard et de lui désigner une éponge, « Si tu es là, c’est que tu dois du fric aux mauvaises personnes, alors, à partir d’aujourd’hui, tu devrais partir du principe que tous ceux que tu croises peuvent avoir des oreilles indiscrètes et une langue un peu trop pendue. », c’est en gardant une bonne dose de méfiance qu’on reste vivant dans ce milieu, et Diego ferait sans doute mieux d’écouter ses propres conseils. Il est lui-même un brin naïf. Un peu trop souvent. On dira plutôt gentil, c’est plus agréable.

« On doit trouver ce que tu peux faire pour te rendre utile. J’imagine que tu n’es pas très doué en cuisine ? », ça saute presque aux yeux… « Est-ce que tu sais exactement ce que je fais pour nos amis en commun ? », ça sonne presque comme plus dangereux que la réalité. Il n’est qu’un simple dealer refourguant sa came de façon un peu originale.

Il a posé ses questions en gardant une certaine distance, puis, finalement, il s’approche du plan de travail, « Tu n’as pas l’air de savoir où tu mets le nez. », il pointe du doigt une tache, « Ici, si tu travailles correctement et que tu ne me fais pas d’entourloupes, tout se passera bien. ». Qu’est-ce que tu fous ? Tu essaies de jouer les gros bras en le faisant flipper ? Pas sûr que tu sois hyper crédible… « Ce que je veux dire, c’est que je ne suis pas du genre à cogner si un truc est mal fait, mais je te demande d’y mettre du tien pour faire de ton mieux. Ça nous évitera à tous les deux de nous retrouver dans la mouise. Ça te va comme deal ? », Voilà, ça, ça lui ressemble plus. Il lui tend une main amicale, un sourire discret à cause de l’inquiétude qui le ronge encore. Si ça se trouve, à vouloir se montrer gentil, c’est lui qui va se prendre une bonne grosse mandale dans les gencives.



En Espagnol dans le texte

   

Go, Diego, Go !

Quand ton supérieur au sein du cartel t’a parlé de l’aide qu’ils allaient t’envoyer, tu as immédiatement été partagé. Était-ce réellement un coup de main ou davantage un piège ? Les deux étaient possibles. Peut-être que Joachim avait mis son grain de sel afin de t’octroyer un peu de répit, et si le temps n’était plus envisageable, alors deux mains supplémentaires ne pouvaient qu’être bénéfique. Ou pas… Ce gars à clairement l’air à l’ouest. Déphasé de la réalité de la vie. De la réalité de leurs vies et des emmerdes dans lesquelles ils se trouvent. Parce que oui, maintenant que ce Samuel avait franchi les portes de son food truck, et surtout maintenant qu’il était revenu et avait passé le tablier, ils étaient dans le même bateau. Ils devraient se serrer les coudes ou alors ils s’entraîneraient mutuellement vers les profondeurs nauséeuses de Las Chiapas. Et Diego n’envisage absolument pas cette éventualité ! Bien trop de monde compte sur lui pour qu’un imbécile heureux vienne à le faire descendre.

Sois plus sympa, Diego. Il n’a pas l’air méchant.

Inspiration profonde. Expiration. Puis tu demandes s’il a une idée de ce que tu fais exactement. La réponse est vague. Tu reviendras plus précisément dessus plus tard. Dans un premier temps, tu préfères mettre les choses au clair et donner quelques conseils avisés et sûrement salutaire à ton nouvel acolyte. Pas d’entourloupe et de la discrétion. Tu ne demandes rien de plus. Ton regard se fait un brin méfiant alors qu’il te répond que ce n’est pas son genre. Du coup, tu préfères préciser : pas d’entourloupes signifie également de faire attention et ne pas se jeter dans la gueule du loup tout seul. En résumé, il faut être prudent et avancer à tâtons en évitant de hurler haut et fort qu’il y a de la drogue dans le coin.

Tu serres la main qu’il te rend et laissant échapper un petit rire alors qu’il t’informe avoir un talent particulier pour se mettre dans la merde. Finalement, vous avez peut-être plus en commun que ce que tu croyais… Tu le suis dans son rire plus appuyé en faisant une précision quant à ta sympathie, « Je le suis, évite de me le faire regretter. ». Tu le sais, Diego, tu as tendance à être trop gentil. Combien de personne te l’ont déjà dit ? À peu près l’intégralité de ta fratrie et sans doute que Rafaele a déjà dû te le glisser une fois ou deux également.

« On ne va peut-être pas se lancer dans un concours effectivement. », bien sûr que tu es doué pour t’enfoncer dans les problèmes, tu ne serais pas là sinon. « A moins que tu aies envie qu’on passe les… comment vous dites ? », tu frottes du bout des doigts la barbe de quelques jours sur ton menton en réfléchissant, « Ah oui, les auditions pour America's Got Talent ! On fera peut-être un super duo de poissards. ». L’atmosphère se détend petit à petit, et tu décides qu’il est temps de lui montrer l’envers du décor, « Mets l’éponge dans l’évier, je vais te montrer comment je procède pour agrémenter mes plats. ».

Tu fais quelques pas dans le petit habitacle aménagé en cuisine, tu t’accroupis et tu ouvres un meuble bas après avoir tourné une clé dans la serrure pour le déverrouiller. Tu pousses quelques casseroles ainsi qu’une dizaine de petits pots d’épices au nom de ton pays et tu fais glisser un faux fond pour découvrir tout un tas de sachets contenant différents cachets, « Je te montre la cachette simplement pour te prouver que j’ai envie de te faire confiance, mais dans un premier temps, tu n’y auras pas accès. Je préparerais les commandes classiques et je me chargerais d’y intégrer toutes les options. Je vais te confier la prise de commande et l’encaissement. ». Tu remets en place les part-feu avant de te redresser pour lui faire face, « Je vérifie la caisse à la fin de chaque service et dans un petit moment, on regardera comment on peut faire évoluer ton poste. ». Il n’est dans l’intérêt d’aucuns de vous qu’il ne te la fasse à l’envers, mais tu as appris à tes dépens qu’il valait mieux prévenir que guérir. « Par contre, Samuel... », ton regard devient fuyant et ta main vient, dans un geste de gêne évident, se placer à l’arrière de ta nuque, « Pour la prise de commande, tu pourras les noter pour t’en souvenir, mais il faudra me les dire de vive voix. ». Tu lui jettes un coup d’œil rapide avant de poursuivre rapidement pour ne pas t’éterniser sur ton incapacité à la lecture, « Il a des codes pour les petits plus, il faudra les mémoriser parce qu’il est hors de question de se faire un pense-bête. C’est bon pour toi ? ».


En Espagnol dans le texte

   

Go, Diego, Go !

Trop bon, trop con. C’est ce qu’on dit, non ? Cette expression te sied à ravir. Diego, tu es trop gentil. Trop doux. Trop délicat pour ce monde. Oh, tu n’es pas non plus une chiffe molle, mais tu as toujours tendance à éviter les conflits. Toi, tu aurais dû naître dans un pays composé de Bisounours, loin, très très loin de tout ce qui fait ta vie en réalité. Les drogues à la violence, bien qu’elles fassent partie intégrante de ton existence, ne te procure aucun plaisir. Au contraire. Tu détestes cela. Et pourtant, tu nages dedans. Depuis tout gamin. C’est ton quotidien. Un quotidien qui t’étouffe et dans lequel tu t’enlises. Il est comme des sables mouvants ; si tu résistes trop, si tu luttes, alors tu sombres encore davantage et tu finis par mourir. Voilà ce qu’est un cartel. Voilà ce que tu vis et ce que tu évites depuis que Las Chiapas t’a enrôlé.

« Ne t’en fais pas, ça viendra bien assez tôt. », tu souris à ton nouvel "employé" tandis que tu n’arrives pas trop à déceler si sa remarque est du lard ou du cochon. A-t-il réellement envie de se salir les mains ? Parce que toi, tu t’en passerais bien… Tu mettrais bien ton âme à l’abri de ce foutoir en prenant tes jambes à ton cou pour trouver une vie paisible, calme et presque ennuyante.

Qu’importe, tu ne te poses pas la question des plombes ; le salut de la sienne, d’âme, le regarde après tout. Tu lui expliques donc l’organisation de ton food truck. La prise de commande, le passage des informations et le rôle qu’il aura dans ton entreprise. Ne rentrant pas dans les détails de ton manque évident d’éducation à la lecture, tu fais néanmoins une moue gênée au passage et tu remercies le Seigneur de ne pas entendre Samuel rebondir dessus.

Une nouvelle risette prend place sur tes lippes quand il te parle de ses qualités d’acteur et de mémorisation puis ton regard se pose sur lui alors qu’il mentionne l’intérêt grandissant des clients grâce à sa personne, « Si tu les fais rire, c’est un bon point. ». Tu ne t’attardes pas sur ses propos suivants, ceux insinuants que sa grande beauté était un plus non-négligeable. Pour autant, sans que tu n’y fasses véritablement attention, tes yeux le fixent quelques secondes. Jusqu’à ce qu’il reprenne la parole et que tes joues se parent d’une teinte plus prononcée de rose.

Comme si tu avais besoin de t’assurer que ses mots te sont bien destinés, que le clin d’œil ainsi que le sourire taquin sont pour toi, tu pivotes bêtement la tête afin d’observer derrière toi. Évidemment, il n’y a personne… Le complément était pour toi, mais tu es assez crétin sur ce genre de chose pour ne jamais l’envisager, « Si… Si tu le dis. ». C’est malin, maintenant, tu n’oses même plus le regarder droit dans les yeux !

Tu t’occupes les mains en te rapprochant du frigo pour sortir quelques ingrédients que tu déposes sur le plan de travail. Découper des légumes sera une parfaite distraction, et puis, tu as encore des choses à lui dire quant à votre partenariat professionnel, « Il faut que je te prévienne d’un truc. ». Tu es un peu mal à l’aise suite à ses derniers propos, tes joues te chauffent encore et ton accent en ressort de plus belle, « Tu n’es pas le seul à venir rejoindre la troupe de Burrito Ambulant & Cie. Il y a une ado, Kelsey, qui fait le service depuis quelque temps. ». Quand on y réfléchi, c’est à croire que tu deviens une sorte de bon samaritain à recueillir les chiots perdus ou les oisillons blessés ! « Elle... », tu jettes finalement un coup d’œil vers Sam, ta gêne s’est envolée et un air sérieux se fixe à ton visage, « Si on te pose des questions sur elle, tu répondras qu’elle n’est au courant de rien sur ce qu’on distribue vraiment. ». Ce n’est pas une question, ni une suggestion. Le sujet te tient à cœur et tu emploies clairement un ton clair, net et précis qui ne laisse aucune place au doute ; c’est un ordre express, formulé avec politesse et sans véhémence, mais un ordre quand même, « Il est hors de question qu’elle soit mêlée à tout ça. Personne de Las Chiapas ne doit savoir pour sa présence, d’accord ? ». Si tu lui as proposé ce job, c’est justement pour la tenir éloignée.

En Espagnol dans le texte