Le verre de trop [PW Leo]

À la base, c'était une soirée comme les autres. Un vendredi soir comme les autres, avec une sortie dans les bars comme les autres. C'était le week-end, le chantier sur lequel il était employé était terminé, il reprendrait lundi et donc il pouvait fêter ça comme il se devait le vendredi. Sean était un habitué de plusieurs établissements du Bronx, de plus ou moins haut standing. Surtout du moins haut, le genre de boui-boui ou tu peux te battre dans une salle puante à l'arrière. Mais il n'était pas question de coller des gnons ce soir là.

C'était juste une bière. Puis une deuxième, une troisième, un premier shot, un premier mètre de shot, des mélanges alambiqués... bref, la soirée comme les autres s'était rapidement transformée en murge intersidérale pour l'irlandais. Problème, quand il se mettait dans ce genre d'état : il vrillait très, très rapidement. Le moindre regard de travers, la moindre blague malavisée et O'Hara pouvait aller chercher les embrouilles.

Il ne se rappelait même plus comment il s'était retrouvé à se battre. Mais les flashs étaient sans équivoques. Le type en face de lui buvait un cocktail avec sa copine. Il avait titubé un peu trop près de leur table. Le regard dégoûté qu'avait porté cet inconnu sur Sean avait suffit à lui faire péter les plombs.

C'moi qu'tu r'garde là ?

Quelques secondes plus tard, l'autre type avait peut-être ou peut-être pas traversé la vitre la plus proche. Ça allait encore lui coûter un paquet en réparation et il allait peut-être encore se faire bannir d'un nouveau bar. Mais passé un certain seuil d'alcoolémie, Sean perdait le contrôle. Il se remémorait les gyrophares, les agents qui essayent de le calmer, sans succès. Puis le blackout.

Alors qu'il ouvre les yeux, Sean n'a absolument aucune idée d'où il se trouve. Il a un mal de crâne terrible, la bouche pâteuse, les membres engourdis, la totale. Il lui faut quelques secondes pour assimiler son environnement immédiat. C'est une cellule de dégrisement. Il connaît bien : une sorte de petite cage avec un banc sur lequel comater le temps que l'alcool redescende. Combien de fois il y a passer des nuits entières ? Manifestement, ça avait encore été le cas cette nuit.

Avisant le policier chargé de le surveiller, O'Hara fronça les sourcils :

J'te connais pas toi, t'es nouveau ? Ou j'suis pas au même endroit que d'habitude ?

S'il n'avait pas été amené dans le Bronx, ça allait être embêtant. Il n'avait plus qu'à espérer ne pas avoir perdu ses affaires, sinon la promenade à pied allait prendre un moment.

# Jeu 7 Sep 2023 - 17:04

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Le verre de trop

Leo se souvenait parfaitement de ce que c’était que les heures de garde jusqu’au milieu de la nuit. On n’avait pas grand-chose à faire, quand on ne faisait pas partie de la patrouille. Il savait que certains collègues en profitaient pour dormir. Il ne jugeait pas. Tant qu’ils se réveillaient si quelqu’un arrivait ou que le téléphone sonnait et tant qu’ils n’avaient pas une tâche qu’ils ne faisaient pas, se reposant à la place, il ne voyait pas où pouvait bien être le mal. Mais il ne le faisait pas lui-même, il avait un peu trop de conscience professionnelle pour ça.

Puisque ce soir, il était de garde et qu’il avait des rapports à faire, Leo avait décidé de se positionner à la place du policier de garde, ce qui permettrait au commissariat de renvoyer se coucher un fonctionnaire de police qui en avait bien besoin. Assis tranquillement près des cellules vides, il rédigeait ses rapports, devant rester là au cas où quelqu’un serait amené. Il s’avéra que ce fut le cas. Un homme corpulent, à moitié évanoui, avait été ramené par la patrouille. Comme il se devait, un médecin avait été appelé, les informant qu’une nuit en cellule de dégrisement suffirait pour le guérir. Il n’était pas malade, il était saoul.

Occupé à rédiger ses rapports, Leo ne vit pas le matin arriver et la fin de son service de garde approcher à grands pas. Ce fut la voix de son invité du moment qui le rappela à la réalité. L’individu semblait être un habitué des postes de police puisqu’il s’attendait à reconnaître son garde du moment. Il ne savait pas si c’était un habitué de ce poste, mais tout au moins, lui ne l’avait jamais vu. Il le toisa sans animosité, sans même un brin de jugement. Ce n’était pas le genre de Leo. Il pouvait exprimer qu’une chose ou une autre était contraire à la loi, mais il jugeait rarement, surtout une bagarre de bar.

« Inspecteur Baxter. Vous êtes au commissariat de Brooklyn. Comment vous sentez-vous ? »

La patrouille avait dit qu’il s’était battu avec un autre gars qui avait fini à l’hôpital pour la nuit. Mais à priori, ce n’était rien de sérieux. Il faudrait quand-même interroger l’individu pour avoir sa version de ce qui s’était passé et prendre ses coordonnées au cas où l’autre homme ou le barman avait envie de porter plainte. Mais a priori, ce n’était pas une affaire qui s’étendrait au-delà d’un simple avertissement en ce qui le concernait. En tout cas, dans l’immédiat. A long terme, ce serait peut-être éventuellement différent.

« Avez-vous quelques souvenirs de votre soirée ? »

Halloween

# Ven 15 Sep 2023 - 16:44

Avec son mal de crâne, il fallut à Sean quelques secondes de plus pour vraiment aviser son environnement immédiat. Il y avait pas grand chose qui ressemblait plus à une cellule de dégrisement qu'une autre cellule de dégrisement. Mais quand on a bien connu celle du commissariat du Bronx, il y a quelques détails qui ne trompent pas. Déjà, Sean est seul dans cette cellule. D'ordinaire, l'irlandais émerge toujours avec un ou deux autres saoulard du soir. Mais peut-être a-t-il juste dormi si longtemps que tous les autres ont eu le temps d'être libérés ?

Non, il n'est définitivement pas dans le Bronx. L'odeur est différente. Il manque des tâches, des gravures diverses sur le banc et les murs. Alors que le rouquin se redresse petit à petit, le regard toujours dans le vague, le policier en charge lui révèle qu'il est à Brooklyn. Il ne percute pas tout de suite, se contentant de hocher la tête. Il faut, à nouveau, quelques secondes plus avant que son cerveau n'analyse l'information. Dans son esprit, il visualise son quartier et la distance qui le sépare de Brooklyn, avant de s'écrier.

Attends comment ça Brooklyn ? Qu'est-ce que je fous aussi loin de chez moi, y'avait plus de place dans le Bronx ou quoi ?

D'une série de gestes gauches, Sean se frotte les yeux, se grattent la tête, se donne quelques gifles pour se réveiller. Le trajet de retour va être si long, surtout qu'il n'est toujours pas à l'aise avec l'idée de prendre le métro depuis l'incident à la fin de l'été.

Mais une chose à la fois. D'abord, il faut sortir de la cellule et pour cela, il faut répondre aux questions de l'inspecteur Baxter.

C'est très flou, honnêtement... commence Sean en tentant de reprendre ses esprits. J'imagine que c'est pas bien différent de d'habitude cela dit. J'étais bien trop ivre, quelqu'un a dû dire un truc qui m'a pas plu et... voilà.

Révéler qu'il était un habitué de la bagarre alcoolisée n'était peut-être pas la meilleure stratégie à adopter, mais Sean n'était clairement pas en état de mentir. Il en aurait déjà été incapable, même en pleine possession de ses moyens. En plus, avec tout ce qu'il a déjà dit, l'inspecteur se doute probablement qu'il n'en est pas à son coup d'essai.

J'ai pas allongé un collègue à toi, cette fois ?

Il l'avait échappé belle lors de ce précédent incident. De plates excuses au flic qu'il avait couché, un ordre d'éloignement et la promesse de ne plus jamais remettre les pieds dans le bar de la bagarre, pour s'offrir le droit de sortir libre. Vraiment, ce n'était pas cher payé pour un tel outrage.

Si t'as un rapport ou un truc pour m'éclairer, je prends, ça m'évoquera peut-être un truc. Termina Sean en tentant de se concentrer sur le policier qui se trouvait dans la pièce. Son mal de tête lui vrillait le crane.

# Sam 21 Oct 2023 - 21:08

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Le verre de trop

L'homme avait l'air un peu perdu et ne pas bien comprendre ce qu'il faisait là, mais le plus étonnant, c'était que cela n'avait rien à voir avec le fait d'être en prison. Il pensait ne pas être dans la bonne prison. Voilà qui était une nouveauté pour Léo. La plupart des gens plaidaient leur innocence plutôt que de partir du principe que c'était normal de se réveiller dans cet endroit. Cela lui fit penser qu'il devait être un habitué de ce genre de soirée. Cela aurait pu inquiéter le policier, mais l'homme n'avait pas l'air particulièrement violent et il était encore en cellule en plus. Léo décida donc objectivement qu'il n'avait rien à craindre.

« Je l'ignore. Une patrouille vous a ramené ici. Il est vrai que nous n'avons pas souvent de sortie de bar ici, mais je suppose qu'il doit y avoir une explication logique. Malheureusement, je ne la connais pas. »

Léo haussa un sourcil en entendant l'homme mentionner un comportement qu'il aurait eu parce qu'un type aurait dit quelque chose qui ne lui plaisait pas. Il semblait être plutôt rapide à monter au créneau, même si l'inspecteur supposait qu'il avait cette attitude davantage lorsqu'il était alcoolisé. En tout cas, il n'avait pas l'air particulièrement difficile en ce moment précis. La question que se posait le jeune inspecteur était surtout de savoir si l'homme avait retrouvé tous ses moyens et s'il pouvait le laisser partir sans risque pour sa sécurité. Il ne pensait pas qu'il y ait beaucoup de risques pour la sécurité des autres actuellement.

« Je ne suis pas tellement surpris, étant donné le degré d'alcool que vous semblez avoir ingurgité hier soir, que vos souvenirs soient plutôt confus. Mais à ma connaissance, vous n'étiez pas en assez bon état pour faire obstacle à votre arrestation. »

En tout cas, la patrouille n'en avait pas fait état. Cela dit, quand il était lui-même un jeune policier, Léo aurait été parfaitement capable de passer une telle chose sous silence si cela ne lui avait pas provoqué quoi que ce soit de grave et s'il pouvait ainsi empêcher qu'un homme ce retrouve accusé de coups à agent. Ce n'était pas systématique, évidemment. Mais il était persuadé que certains de ses collègues en seraient capables. En tout cas, il n'avait aucune preuve que ce type s'en soit pris à des figures d'autorité, quoi qu'il en soit. En fait, il devait juste s'assurer que le type était en bon état et il pourrait partir.

« Apparemment vous vous seriez battu avec quelqu'un alors que vous étiez en état d'ébriété. Certains de mes collègues vous ont récupéré et ramené ici. Nous avons appelé un médecin pour qu’il vous examine et il nous a assuré qu'une nuit suffirait pour que vous vous sentiez mieux. Mais si vous le souhaitez, je peux vous faire réexaminer, ce matin. »

Halloween

# Dim 29 Oct 2023 - 12:43

Toujours dans le coltard, Sean tentait de recoller les pièces du puzzle, tentait de comprendre comment il avait fini à Brooklyn, plutôt que dans le Bronx. En se massant vigoureusement les tempes, l'irlandais essayait de retracer le programme de sa soirée. Il était sorti avec ses collègues de chantier dans leur bar habituel, dans le Bronx. La suite... la suite était si floue. Elric n'était pas là, ils n'étaient pas allés se battre au Fight Club, sinon Sean, malgré ses talents de boxeur, aurait quand même mangé quelques coups. Alors comment s'étaient-ils retrouvés à Brooklyn, le quartier branché ou tout est deux fois plus cher qu'au Bronx et deux fois moins cher qu'à Manhattan ?

Le rouquin esquisse un sourire amusé lorsque l'inspecteur Baxter lui explique qu'il était bien trop ivre pour faire obstacle à son arrestation. En général, c'est comme ça que ça se passe pour O'Hara. Quand son adversaire est aussi éméché que lui, il n'a pas de mal à gagner. Mais dès que le « combat » passe à deux ou trois mecs sobres et entraînés contre un seul irlandais vigoureux mais qui tient à peine debout... c'est tout de suite plus difficile. En tout cas, c'était rassurant de savoir qu'il n'avait pas fait obstacle à son arrestation. Sean pouvait presque s'imaginer tendre ses poignets aux flics, un sourire triomphant aux lèvres parce que de toutes façon il avait gagné la bagarre avant.

Je devais déjà avoir fait assez de dégâts, que ce soit à l'autre type, au mobilier ou à mon foie. Commenta Sean. Mais bon, tant mieux, ça m'est arrivé y'a quelques temps, mais c'est pas contre vous. Juste quand je bois le verre de trop je dégoupille vite.

Encore une fois, ce n'était sans doute pas le genre d'information à révéler de but en blanc. Mais Sean se disait que de toutes façons, si l'inspecteur voulait fouiner dans son dossier, il retrouverait sans mal le rapport de cet incident. Le jeune homme de l'autre côté de la cellule ne semblait pas vraiment du genre à le faire chier avec tout un tas de paperasse et d'interrogations. Il avait simplement l'air de comprendre que c'était juste une bagarre d'ivrognes comme il y en a des dizaines tous les soirs. Il lui proposait même de se faire examiner par un médecin. Rapidement, Sean inspecta ses poings, palpa ses bras, son torse, son visage, à la recherche d'un point douloureux.

Hmm, non... rien. Marmonna le boxeur, avant de s'adresser directement au policier. Non merci, ça va aller, j'ai pas l'impression d'avoir quoi que ce soit de cassé ou de travers. Par contre, si tu me laisses sortir, je veux bien de l'aide pour un itinéraire vers le Bronx qui implique pas de prendre le métro.

Une ombre était passée sur le visage de l'irlandais. Ce trajet au cœur des inondations avait laissé des traces, quand bien même il s'en était sorti quasiment indemne. Depuis, il n'avait recroisé aucun des passagers de la rame. Il se demandait ce qu'ils étaient devenus. Mais ce serait une question pour un autre jour. Pour l'heure, l'important était de quitter cette cellule et... et puis quoi ?

Attends... on est quel jour et il est quelle heure ? Demanda soudainement Sean.

Il était encore trop déboussolé pour se rendre compte qu'on était samedi et que par conséquent, il n'avait pas de chantier sur lequel se rendre séance tenante...

# Dim 19 Nov 2023 - 5:56

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Le verre de trop

S'il avait fait des dégâts, il était probable que le concerné avait certainement pris son nom et son adresse afin de lui faire payer les dégâts. Ça ne regardait plus Léo, d'autant moins qu'on ne lui avait rien rapporté sur la question. Il avait accepté de garder le gars à dessouler et de le relâcher lorsqu'il se sentirait mieux, c'était tout ce qu'il comptait faire. Il détestait tout ce qui pouvait impliquer de faire des histoires supplémentaires. Il y avait eu assez de dégâts causés dans le corps du gars pour ne pas aller chercher en plus des complications. Il allait sûrement payer sa nuit déjà assez cher.

« Je ne sais rien, a priori, des dégâts que vous avez causés. Je peux juste vous dire que personne ne m'a demandé de compte. Je suppose que c'est aussi bien pour vous. »

Il le regarda de côté pendant que le type s'auscultait lui-même. Il semblait avoir une certaine expérience pour ce qui était de juger les dégâts sur lui-même et Léo se demanda si ça avait un rapport avec sa tendance à s'en prendre à tout ce qui bougeait ou si cela était plutôt en lien avec sa vie personnelle. Ce n'était pas que ça le regardait en soi, mais le flic était d'un naturel curieux. Et puis, au fond, ce type avait un côté sympathique et il avait au moins l'honnêteté d'assumer ce qu'il avait fait, même si on ne pouvait que s'étonner qu'il le prenne autant à la légère. Léo savait néanmoins qu'il était compliqué de comprendre le fonctionnement de quelqu'un qui n'était pas vraiment du côté de la loi quand on l’était soi-même.

« Je pensais plutôt à des conséquences liées à votre consommation d'alcool, mais je suis ravi de constater que vous êtes capable d'évaluer votre propre forme sans en passer par un professionnel. Ca doit beaucoup vous aider si vous avez l'habitude de vous bagarrer tous les soirs. »

S’il n'avait pas envie de prendre le métro, on pouvait supposer que le taxi ne serait pas une meilleure option. Léo en conclut que la seule option qui allait lui rester serait de traverser la ville à pied. Il en aurait pour un bout de temps et ce ne serait certainement pas une partie de plaisir avec une gueule de bois mais après tout, Léo n'était pas sa mère. Il pouvait, a minima, s'assurer que le type savait ce qu'il faisait et l’aider en lui donnant des indications. Mais s'il décidait de partir à l'aventure dans les rues tout seul, ce n'était certainement pas lui qui allait l'en empêcher. Chacun son job, Il était une bonne pâte, mais pas un assistant social.

« Vous voulez revenir à pied dans le Bronx ? Ça va vous faire un sacré bout de chemin. Mais je suppose que prendre un taxi ne vous plaît pas plus que prendre le métro. Si vous voulez, je peux vous donner une carte et vous indiquer le chemin le plus sûr où vous risquez le moins de tomber sur des gens bizarres, mais de toute façon, vous en aurez pour un moment avant d'arriver. »

Léo pouvait comprendre les craintes du jeune homme en ce qui concernait le temps qu'il avait passé dans la cellule. Il n'avait pas vraiment de souci à se faire de ce côté-là. Léo l'avait vu arriver et il venait de le voir se réveiller et ce qui était sûr c'est qu'il n'avait pas passé plus d'une nuit ici. Il avait peut-être eu une soirée très arrosée, mais ça n'était pas au point d'être resté inconscient plusieurs jours. Si ça avait été le cas, ce serait probablement dans une chambre d'hôpital qu'il se serait réveillé. Le commissariat gardait rarement des gens inconscients plus d'une nuit. Ca ne correspondait pas à leur rôle de devoir protéger la population.

« Vous êtes arrivé hier soir et il est huit heures du matin, vous n'êtes pas resté dans le coltard bien longtemps. Je ne sais pas à quelle heure exactement vous avez intégré votre cellule, mais ça ne fait pas plus de douze heures en tout cas. Cela dit, si vous êtes à ce point perturbé que vous ne savez même plus quel jour nous sommes, c'est lundi. Le week-end vient de se terminer et j'imagine que ça vous fait autant de peine qu'à moi », lança-t-il avec un brin d'ironie.

Halloween

Pas de dégâts et personne pour lui réclamer des comptes, Sean s’en sortait extrêmement bien. Presque trop bien d’ailleurs, à croire que le flic face à lui n’attendait que la confirmation qu’il était suffisamment lucide pour le renvoyer dehors avec à peine une tape sur les doigts. Il restait encore la possibilité que le type qu’il ait envoyé au tapis soit simplement trop amoché pour s’être manifesté, mais l’hypothèse ne tenait pas debout. Le rapport aurait mentionné quelque chose d’aussi grave qu’un transfert à l’hôpital en état critique, et là, sans doute que l’attitude de l’inspecteur n’aurait pas été aussi sympathique. Ainsi, l’irlandais se contenta d’un hochement de tête et d’une onomatopée vaguement approbatif sur cette remarque.

« Je fais de la boxe depuis que je suis gamin », précisa le rouquin en réponse à la seconde observation de l’inspecteur. « J’ai vite appris à reconnaître si j’ai un truc de travers, ça aide pas mal en effet, dans le ring ou… ouais, ailleurs quoi. »

Les dents cassées, les côtes fêlées, les petites entorses et autres bobos du genre, Sean les avaient quasiment tous connus dans sa « carrière », tout comme il avait appris les remèdes des pros pour continuer à se battre malgré ces inconvénients. C’était le genre de méthode qui filait des ulcères à n’importe quel médecin, mais qui contribuait à l’image de dur à cuire que les combattants conservaient aux yeux de beaucoup, Sean y compris. Depuis qu’il avait commencé à se battre au Fight Club du Bronx, il avait même découvert de nouvelles techniques pour gérer les coupures et plaies plus importantes, comme celles causées par des tessons de bouteille…

« Pour ce qui est de la gnôle… j’suis irlandais, au cas où l’accent vous avait pas alerté. C’est comme si j’étais né bourré, c’est dans mes gênes et ça… ça c’est un combat qui se gagne pas. »

Un léger rire s’échappa des lèvres de Sean. Il savait pertinemment que son tempérament changeait dès lors qu’il atteignait un certain seuil d’alcoolémie. Mais il était tout aussi persuadé que la vie sans une consommation régulière d’éthanol ne valait vraiment pas la peine d’être vécue. Surtout lorsque son quotidien consistait à déplacer des charges lourdes sur des chantiers. Son foie le lâchera tôt ou tard, mais l’irlandais avait depuis longtemps accepté cette issue.

Ce qu’il n’acceptait pas encore, en revanche, c’était de reprendre le métro. Là par contre, c’était trop tôt, et le traumatisme était encore trop présent dans son esprit. Le policier suggéra sans conviction le taxi, qui, en effet, ne ravissait pas Sean, mais pas pour les raisons qu’il s’imaginait. C’était purement et simplement une affaire de finances qui freinait le rouquin sur ce coup-là.

« Bordel, y’a pas de bus dans ce pays ? » Maugréa l’irlandais.

Très rapidement cependant, cette affaire de transport ne lui importait plus autant. Lundi, huit heures du matin, et Sean n’était pas présent à son poste. D’ailleurs, il ne savait pas où était son poste, ils avaient sans doute reçu l’info la veille, accompagné de l’heure à laquelle ils devaient se présenter sur le prochain chantier. Il n’était donc plus question de rentrer chez lui, mais bien d’arriver le plus vite possible au boulot pour limiter ses pertes salariales.

« Oh meeeerde, on est lundi ? » Répéta-t-il d’un air éberlué.

Palpant ses poches, Sean ne trouva ni ses clés, ni son portefeuille, ni l’objet dont il avait besoin en ce moment.

« Je suis déjà en retard pour bosser, est-ce que vous croyez que je pourrais récupérer mon portable et le reste de mes affaires ? L’adresse de mon prochain job doit être dedans. »

L’inspecteur Baxter s’était montré très conciliant et affable jusqu’ici, ce serait vraiment pas de chance qu’il se mettre à faire des manières pile au moment où Sean devait partir. Mais dans ce commissariat, inconnu de l’irlandais, c’était bel et bien lui qui avait le pouvoir sur la suite de la journée du détenu…

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Le verre de trop

Quand on était un adepte des coups de poing, il était logique de finir régulièrement en cellule de dégrisement. Léo n'était pas là pour le juger et même s'il était persuadé que cet homme se rendrait service en évitant les problèmes, ce n'était pas à lui de choisir son mode de vie à sa place. Il regrettait juste que cet individu ait la possibilité de se retrouver dans des situations dans lesquelles les conséquences pourraient être autrement plus graves. Si jamais il allait trop loin un jour, il finirait sans-doute par tuer un homme. Mais fondamentalement, il n'avait aucune raison de le garder cette fois et il n'avait pas le droit d'insister de façon trop importante quant au fait qu'il avait un comportement comportant des risques.

« Je ne peux pas choisir qui vous êtes à votre place, mais je vous conseillerai de ne pas oublier que vous n'êtes pas constamment sur un ring de boxe. Cela vous éviterait bien des déboires. »

Il n'était pas son père, mais il faisait partie de sa tâche de faire un peu de civisme auprès des citoyens, qu'ils soient familiers ou non avec la violence. Cela prenait évidemment plus d'importance et de sens pour ceux qui en étaient familiers. Pour ce qui était de cet homme, cela semblait clairement faire partie de ses habitudes et il devait se faire sermonner plus souvent qu'à son tour et en avoir un peu assez des discours policiers. Évidemment, il ne pouvait que l'alerter sur sa consommation et l'excuse de son origine était un peu bancale, mais Léo sourit. Il en avait vu de plus irréductibles. Son sourire était un peu amer mais après tout, ce n'était pas à lui encore une fois de décider de sa vie.

« Cela ne me regarde pas vraiment. Le jour où les conséquences seront plus graves qu'aujourd'hui, ce sera à vous de les subir, de toute façon, et non à moi. En ce qui me concerne, je n'ai pas de raison de vous retenir actuellement. »

Il était libre de partir et de retourner dans le Bronx mais il ne semblait pas vouloir prendre les transports en commun. Du moins, c'est ce que Léo avait cru comprendre. Il se rendit rapidement compte qu'il s'était mépris sur la situation et il hocha la tête doucement avec compréhension. Evidemment, s'il préférait le bus au métro, Léo pouvait l'aider à construire son itinéraire. Il commença par aller ouvrir la porte et partit à la recherche d'une carte qu’il dénicha au moment où l'homme lui demandait la date.

« Malheureusement, même avec les bus, vous risquez de ne pas y arriver tout de suite. Vous devriez peut-être téléphoner pour avertir de votre retard. Je suis désolé d'avoir mal compris, je pensais que vous ne vouliez pas prendre le bus non plus. J'ai les itinéraires là-dessus si vous voulez qu'on regarde. Je ne sais pas trop lequel est le plus rapide. Regardez autant que vous le voulez, je vais aller chercher vos affaires. »

Halloween