Wait for me quietly - Matt & Daryl

Attendre...Il avait l'impression de ne faire que ça de ses journées. Attendre qu'une émotion le traverse en rencontrant une personne de son passé, attendre une sensation nouvelle alors qu'il la connait, attendre un déclic, un son, une image, un mot...Le moindre déclencheur qui pourrait l'aider à se rappeler qui il était. Daryl était perdu auprès de ces gens qui semblaient en savoir tant sur lui alors que lui, il ignorait tout et il commençait à se demander s'il devait réellement chercher à savoir quelle personne il fut ou s'il devait se recréer au risque de devenir quelqu'un d'autre. Serait-ce forcément un mal ? Rien n'était moins sûr. Tout recommencer de zéro, avoir une nouvelle vie, s'éloigner des embrouilles. Peut-être...Peut-être était-ce là la chance d'avoir une vie bien différente, plus sereine. Mais on ne changeait jamais réellement celui que l'on était au fond de soi, quand bien même on l'ait oublié. Il s'était rendu à plusieurs reprises au Blue Moon, il s'était installé comme s'il était là en tant de client, un verre à la main, et il avait observé. Certes, il avait eu l’œil qui trainait un tantinet sur les danseuses, mais ce n'était pas ce qu'il avait regardé le plus. Non, c'était son staff au complet qu'il tentait d'analyser. Il avait vu des jeunes femmes en tenue sexy qui se démenaient pour servir les clients tout en leur offrant de jolis sourires, il avait vu les agents de sécurité qui veillaient au bien être des filles, et il avait vu sa femme, dans les loges, qui aidait les danseuses à se préparer, qui leur faisait répéter quelques pas pour une soirée particulière avec une chorégraphie des plus sensuelles. Dans ces moments là, elle semblait comme habitée et il avait du mal à détacher son regard d'elle. Et puis, il y avait l'italien qui passait de temps à autre, toujours aussi taciturne et énigmatique, et un petit groupe qui semblait bosser à l'étage mais il y avait toujours eu quelqu'un pour l'empêcher d'entrer dans la dernière salle, trouvant une excuse quelconque pour l'emmener ailleurs dès qu'il approchait.

Dans sa quête de lui même, il avait fouillé ses placards et trouvé une boite cachée tout en haut de son dressing. Quelques vieilles photos et objets qui ne lui parlaient absolument pas mais où l'on voyait deux jeunes enfants, des jumeaux, entourés de ce qui semblait être leurs parents et leur grand-mère, puis une autre, ressemblante, où les gamins étaient adolescents mais seule la vieille dame était encore avec eux. Il en avait fait certaines déductions, et puis, il avait fouiné dans son téléphone et sur le cloud, trouvant des photos de son club, de soirées, de certains de ses amis et quelques unes avec sa femme. Le photos étaient bien différentes si l'on remontait quelques années en arrière où l'on pouvait voir des jeunes femmes fort peu vêtues, laissant place à des choses plus importantes finalement même s'il avait remarqué une chose qui l'avait quelque peu surpris. Il avait pas mal de photos de lui et de son frère jusqu'en 2015, puis ça s'était espacé jusqu'à disparaitre totalement. Il avait du mal à comprendre ces changements où il était passé d'un jeune homme qui semblait avoir un grand esprit familial à des choses bien plus légères et sans importance, en dehors de celle qui partageait à présent sa vie.

Daryl s'était habitué à noter un peu tout et n'importe quoi, pour se rappeler. Son application n'avait jamais autant servi que ces dernières semaines mais il était une chose pour laquelle il n'avait pas besoin de prendre des notes : la conduite. En se rendant sur ce circuit, Daryl n'imaginait pas qu'il se mettait en danger, qu'en ces lieux se trouvaient ceux qui l'avaient mis dans cet état. Il avait du mal à patienter et avait demandé à l'hôtesse de prévenir son double qu'il avançait. Se préparant à aller sur le circuit alors que son tour allait arriver, il entendit une voix familière dans son dos alors qu'une main se posait sur son épaule. Un léger sourire vint fleurir sur les lèvres de Daryl, ça lui paraissait tellement naturel comme situation, comme s'il était habituel que l'un des deux n'écoute pas, et que le second râle.

Je viens d'arriver, et de payer mon entrée, je n'ai pas l'intention de partir. Tu as beau me le dire, comme tant d'autres que j'ai pu croiser, je veux vérifier ça par moi-même. Monte, et ne t'inquiètes pas, je laisse la capote relevée, ça n'abimera pas ta jolie coiffure de hérisson frisé. Avait-il lancé en ouvrant les portières afin de se faufiler dans l'habitacle. Mais ce n'est peut-être pas pour ça que tu as peur ?...

Si une chose n'avait pas changé, c'était bien son côté provocateur.

Se lancer des piques semblait être revenu très facilement entre les deux frères et ça ressemblait presque à de la complicité. En réalité, Matt était la seule personne dont Daryl ne pouvait douter étant donné leurs ressemblances, et il s'appuyait sur ce qu'il lui disait depuis le début de tout ce merdier. Le hic ? Le portoricain ne disait pas grand chose ! Il lui avait parlé rapidement des gens qui étaient les plus proches de lui, du Blue Moon, mais pour le reste, tout semblait particulièrement mystérieux, et ça, il le sentait avec tous ceux qu'il croisait. Il y avait tout un pan de sa vie qui lui était cachée, ce qui ne manquait pas de le pousser à s'interroger. Pourquoi donc faisaient-ils cela ? Quel était l'intérêt ? Qu'y avait-il dans sa vie de si choquant qu'il ne faille pas lui dire pour ne pas le brusquer ? C'étaient là des questions qui restaient sans réponses. Le portoricain n'avait cependant pas changé sur certains points, comme sur le fait qu'il était incapable de rester tranquillement en place. Il s'était avancé, signalant à la demoiselle de l'accueil que son double le chercherait, et lorsqu'il arriva, celui-ci ne put s'empêcher de râler. Daryl ne s'en formalisa pas, lui demandant s'il tenait à sa crinière et s'il devait fermer le toit de son véhicule, et le brun répliqua rapidement, le faisant doucement sourire alors qu'il répondait sur l'utilisation du gel.

En réalité, je n'en mets pas tant que ça et si tu veux, à l'occasion, je te montrerai comment on utilise un peigne.

Daryl sentait bien que quelque chose perturbait son double, et il évoqua le fait qu'il puisse avoir peur d'autre chose que de la possibilité d'avoir sa si jolie crinière totalement en vrac. Matt posa ses fesses sur le siège passager, commençant à évoquer le fait qu'ils n'avaient pas que des amis dans le coin. Daryl releva un sourcil, l'observant alors qu'il attendait qu'il poursuive sur sa lancée. Il évoqua furtivement ce qu'ils avaient pu faire dans le passé, parlant de paris sportifs et Daryl eut un léger rictus.

On était trop bons et ça a attisé des jalousies ? Répliqua t-il avec un petit sourire au coin des lèvres. Ça aurait pu être ça, et c'était certainement le cas d'ailleurs concernant quelques personnes, mais ce n'était pas là le but des propos de son frère. Non, la réalité était beaucoup moins simpliste mais ça, Daryl était loin de pouvoir se l'imaginer. Il était sur le point d'enchainer lorsqu'ils furent rejoint sur la ligne de départ par deux véhicules qui les entouraient. A sa gauche, une petite blonde qui aurait certainement bien eu besoin d'un copilote pour lui tenir le volant à sa place, et à sa droite un type que Matt semblait bien connaitre. La vitre s'abaissa et son frère échangea quelques mots avec l'homme qui ne manqua pas de provoquer Daryl au passage. Alors, quand son frangin lui demanda s'il était prêt, Daryl eut un léger rire.

Ce crétin m'a provoqué, tu m'étonnes que je suis prêt. On verra qui s'endort en attendant l'autre !

Le brun se concentra alors sur le départ, il était hors de question de laisser à ce type le plaisir de lui mettre la pâtée. Un Roja restait un Roja, mémoire défaillante ou non, il avait sa fierté et était incapable de refuser un défi. Le fait de potentiellement perdre n'était pas plus envisageable face à une telle provocation. Lorsqu'il s'était décidé à venir ici, Daryl était surtout curieux. On lui avait parlé de ses compétences au volant, et il avait vite remarqué qu'il prenait du plaisir à faire gronder le moteur, zigzaguant entre les véhicules, et dépassant allègrement les limites. Mais là, c'était différent. Le tour de circuit qui aurait dû être fait afin qu'il voie jusqu'où son bolide était capable de l'emmener, et surtout jusqu'où lui même savait aller sans commencer à craindre un possible accident n'était plus à l'ordre du jour. Ce type, il l'avait titillé et Daryl n'avait clairement pas dit son dernier mot. Lorsque le feu passa au vert, il s'élança sur le circuit, lâchant l'embrayage et accélérant rapidement. Ils arrivèrent bientôt au premier virage, le petit comique d'à côté étant avantagé du fait de son positionnement, Daryl se retrouva derrière lui, quant à la blonde, elle semblait n'avoir toujours pas trouvé la quatrième vitesse.

Premier tour...Daryl était toujours second, talonnant le type qui s'amusait à slalomer devant lui autant pour le narguer que pour l'empêcher de passer.

Fais ton malin, marmonna t-il alors qu'il rétrogradait, restant quelques mètres derrière lui alors qu'un nouveau virage se profilait. A la sortie du virage, il reprit son accélération et s'élança sur la ligne droite où il était parvenu à remonter, rattrapant ces quelques mètres qui lui faisaient défaut. Le second tour resta particulièrement serré, les deux véhicules se retrouvant un moment côte à côté mais au troisième, Daryl parvint enfin à prendre l'avantage alors qu'il voyait la ligne d'arrivée à seulement quelques mètres de là. Lorsqu'il la franchit enfin, seulement quelques secondes devant son concurrent, il releva doucement le pied de la pédale d'accélération, regardant dans son rétroviseur son concurrent qui pestait en tapant sur son volant.

Il ne semble pas avoir apprécié la course. C'est dommage... Moi j'ai pris mon pied. Lança t-il avec un large sourire comme on en voyait rarement chez lui. Apparemment, je sais encore faire, ajouta t-il à l'attention de son frangin qui lui avait demandé de le prouver. Ralentissant peu à peu, Daryl dirigea son Aventador pour sortir du circuit. Il était loin de s'imaginer les problèmes qu'il risquait d'avoir en ces lieux, il était juste...Heureux et un tantinet surexcité !

Il ne manquait que les filles à peine vêtues pour nous accueillir comme des rois sur la ligne d'arrivée...

Comme quoi, chassez le naturel, il revient au galop ! Le brun finit par s'arrêter doucement quelques mètres plus loin, rapidement rejoint par le perdant de la course. En sortant du véhicule, le brun ne put s'empêcher de provoquer son concurrent comme lui même l'avait fait quelques minutes plus tôt.

Ne t'en fais pas, ça arrive à tout le monde de perdre. Regarde, la petite blonde est sans doute encore plus déçue que toi, tu devrais aller la consoler.

Daryl ignorait juste qu'il ne faisait pas que provoquer un coureur automobile qui avait subi une défaite, mais un des hommes du gang de Roberts, ce même gang auquel il devait une dette colossale et qui l'avait envoyé à l'hopital...

La victoire était une sensation familière pour Daryl, mais cette fois-ci, elle était teintée d'une excitation particulière. Sans doute parce qu’il ne se rappelait pas des victoires passées, même si on lui en avait parlé. Il n'avait pu s'empêcher de sortir une énormité qui était bien représentative même si sur le coup, ça ne voulait pas dire grand chose pour lui. Où étaient les jeunes femmes trop peu vêtues et hystériques qui auraient dû accueillir le vainqueur ?? Matt lui lança alors qu'il prévoirait pour la prochaine avant d'ajouter qu'il verrait avec sa femme avant vu le caractère de la brune, ce qui le fit éclater de rire.

J'ai entendu ça deux ou trois fois déjà, je vais finir par croire que j'ai épousé un dragon !
De ce qu'il en avait vu, ce descriptif était bien loin de la réalité. Elle avait son petit caractère, certes, mais ce n'était pas une folle furieuse volcanique qui saccagerait toute sa maison si elle le voyait en compagnie d'une jolie femme...Par contre, il parierait moins là-dessus s'il écrasait sa précieuse Myrtille...

L'adrénaline parcourait encore ses veines alors qu'il sortait de la Lamborghini, les bruits des moteurs et les applaudissements de quelques rares spectateurs résonnant autour de lui. Son regard se posa sur la voiture du perdant, un sourire triomphant sur les lèvres. Mais l’euphorie de la victoire et les petites provocations laissèrent rapidement la place à une réalité plus sombre. Ils furent bientôt rejoints par d’autres hommes qui semblaient bien les connaître, et être des amis du pauvre type qui se faisait gentiment malmener par les frères Roja. Avoir la victoire plus humble… Oui, c’était sans doute ce qu’ils auraient du faire, mais on ne se change pas, même si en l’occurrence, Daryl ne savait plus vraiment qui il était. Matt semblait vouloir gérer la situation, lui signalant dans une phrase qui l’offensa quelque peu qu’il était préférable que ces types ne remarquent rien de son état de santé. Il resta alors en retrait, du moins sur le moment. Il n’était pas garanti que son naturel impulsif ne fasse pas ressurgir certaines traits de caractère qu’il valait mieux garder enfouis sur le moment.

« Bien joué, Roja. On ne s'attendait pas à te voir ici, surtout dans cet état », lança Roberts d'une voix calme, mais menaçante, ce qui lui fit froncer les sourcils. Il ne savait que bien peu de choses sur cet « accident » qui l’avait mené à l’hôpital mais la façon dont il lui avait dit cela le poussait à s’interroger. Avait-il simplement eu vent de son séjour à la clinique ou y était-il mêlé ?
« Je te laisse une dernière chance de régler ça à l'amiable, Roja. Tu sais que tu nous dois une somme conséquente, mais je suis prêt à t'offrir une chance de rembourser d'une autre manière », proposa Roberts, un sourire sardonique aux lèvres alors qu’il posait à présent un regard lourd de sens sur Matt. C’était assez ironique de lui dire qu’il « savait » quelque chose. Entre théorie et pratique, il y avait un monde et le brun était perdu. Il jeta un regard vers son frère. Apparemment, ils se connaissaient bien tous les trois et Daryl ne put s’empêcher de se demander dans quel genre de merdier il était allé se fourrer pour qu’on lui parle de dette.
«Dix combats pendant lesquels, toi, tu feras tout ce que je te dirai». Ajouta-t-il en observant Matt avec un sourire en coin avant de planter son regard dans celui de Daryl : «Et toi, je veux ton club. Il paraît qu’il est florissant. Ça devrait régler ce que tu…Non, ce que VOUS me devez depuis bien trop longtemps. Il faut bien que j’y retrouve mon compte. Et en presque six ans, les intérêts ont doublé. » En temps normal, Daryl aurait déjà réagi avec provocation et diplomatie entremêlé. Contradictoire, non ? Il connaissait juste les points sur lesquels appuyer et les limites à avoir pour ne pas se laisser marcher sur les pieds tout en limitant la casse...Plus ou moins. Là, ce n'était plus le cas. L'arrogance du type, la menace sous-jacente, sa condescendance mettaient les nerfs de Daryl à rude épreuve. Mais ce fut la dernière remarque qui finit de lui faire perdre ton sang-froid.

«Il parait d'ailleurs qu'une de tes danseuses est exceptionnelle, je serais ravi d'apprendre à la connaitre personnellement. Comment s'appelle t-elle déjà ? Ah oui. Billie. » Mémoire ou non, provoquer un Roja n'est jamais une bonne idée, et les menaces de ce type, son attitude toute entière lui donnent une furieuse envie de lui foutre la raclée de sa vie. C'était instinctif. Il avait passé une vie à jongler avec les menaces et les provocations, mais là, il n'en connaissait plus les codes.

Je te promets que si je te vois roder autour d'elle, je te fume.

Ces paroles allaient-elles mener à un grand éclat de rire moqueur à une bagarre ?...Rien n'était sûr.

En temps normal, Daryl n'aurait jamais mis les pieds dans ce circuit de course, ou il l'aurait fait avec suffisamment de gars pour pouvoir intimider Roberts et ne pas se retrouver...Dans la situation dans laquelle ils se trouvaient avec Matt. Lui, il pensait juste faire un test, s'amuser un peu avec son frère, il ne s'imaginait pas du tout qu'on allait leur tomber dessus et que l'échange allait être empreint de tant de sous-entendus. Il ne comprenait pas tout à la situation, loin de là, mais les remarques, les "demandes" de ce Roberts ne pouvaient que le faire réagir. Il avait bien remarqué quelques petites choses étranges ces derniers temps, il y avait trop de non-dits autour de lui, trop de cachotteries, trop de secrets. Il avait fouiné, il avait trouvé des documents surprenants, et il y avait cette salle dans le sous-sol du Blue Moon qui ne s'ouvrait qu'avec un code que personne ne semblait avoir. Foutaises. Plusieurs de ses hommes, et lui même, l'avaient...Avant qu'il ne l'oublie. Le lieu regorgeait d’œuvres qui transitaient par là avant d'être revendues au marché noir ou expédiées à l'étranger. Seulement, Daryl n'avait jamais pu y pénétrer, et ce n'était pas le seul mystère qui l'entourait. Outre cela certaines conversations l'avaient poussé à s'interroger, ne comprenant pas bien de quoi il retournait.

Si ce n'était pas ça qui l'avait mené là, la tournure que prenait la situation, l'échange entre Matt et ce type le poussait à se poser pas mal de questions. Matt avait pris les devants, lui disant de le laisser gérer, chose peu habituelle lorsque l'on savait que Daryl avait tout pris en main, secrètement, depuis le départ de son frère du clan Roberts. Mais étant donné son état, ce qu'il allait dire ou faire pouvait avoir de graves répercussions, personne ne devant savoir ce qu'il en était. Alors, Daryl observait, écoutant l'échange. Il était un tantinet nerveux alors qu'en temps normal, il serait resté parfaitement impassible, arborant ce petit sourire en coin de celui qui se pensait intouchable ou presque, car c'était là l'impression qu'il cherchait sans cesse à refléter. Son équipe n'était pas énorme, mais laisser entrevoir une faiblesse était la brèche nécessaire pour que les loups s'y engouffre. Or, il refusait d'être un agneau prêt à se faire dévorer, et même s'il n'avait pas une immense force de frappe, il reflétait la confiance, laissant ainsi penser qu'il était plus puissant qu'il n'était en réalité. Le bluff, ça avait toujours bien fonctionné. Sauf que ces derniers temps, ça ne semblait plus trop impressionner Roberts et son équipe, en attestait l'attaque qu'il avait subie.

Daryl n'avait pas moufté lorsque l'homme lui avait dit vouloir son club, il comprenait par là qu'il avait une dette envers lui. Apparemment de belle ampleur pour qu'il demande une chose pareille, mais il ignorait tout du deal passé. Jusqu'alors encore calme, il observa l'homme s'approcher un peu plus de lui :

Tu es étrangement silencieux toi... Ajouta-t-il en observant Daryl. Et pour cause. S'il commence à comprendre dans quel genre de merdier ils se trouvent, il n'en connait pas réellement les tenants et aboutissants, et il n'avait pas en tête ce qu'il sait habituellement : Il n'est pas seul. Il a tout un réseau derrière lui. Un réseau qui aurait sans doute du mal à avoir le dessus sur Roberts mais qui est suffisamment fort pour le faire douter. Là, au vu de la situation, il ne pouvait que lui laisser l'avantage et, pour une fois, écouter ce frère qui semblait gérer à peu près la situation.

On pourra entamer une conversation sérieuse lorsque ton offre sera réaliste. Avait-il simplement répliqué. Même sans savoir de quoi il s'agissait, le fait qu'il parle de doubler les intérêts n'avait pu que le faire tiquer. Jusque là, il n'y avait encore rien qui puisse faire sortir un Roja de ses gonds réellement, et puis, Roberts parla des danseuses, et surtout de l'une d'elle, ce qui finit par avoir raison des nerfs du plus jeune. Ferme ta gueule Roja, c'est que de la provoc'. C'était ce que lui disait la petite voix dans sa tête sauf que, le brun, il était de nature impulsive, et ça, rien ne pourrait le changer. Sa réaction eut tôt fait d'avoir des conséquences alors que Matt se faisait attraper par deux types. Daryl s'élança vers lui mais fut stoppé par deux autres de ces gars. Le coup porté sur Matt ne manqua pas de le faire réagir alors qu'il tentait de se défaire de l'emprise que les hommes de Roberts exerçaient sur lui. En vain. La mesquinerie de Roberts avait poussé son jumeau à bout, et il lui fit une offre, ce qui ne manqua pas de faire froncer les sourcils de son double. Vingt combats, et carte blanche. C'était quoi ce bordel ? Matt lui avait dit qu'il bossait dans le sport mais là, ça commençait à ressembler à une arène de la mort au vu de tout ce qu'il avait entendu.

On devient raisonnable à ce que je vois. Cependant ! Il n'y a pas de raisons que tu sois le seul à payer, même si ton offre est intéressante. Il fit alors signe à ses hommes de relâcher l'emprise qu'ils avaient sur les jumeaux. Je vais réfléchir à une contre-proposition. Sois là jeudi, à 23h. Si je ne te vois pas arriver, sois sûr que ce ne sera pas à l’hôpital que j'enverrai ton frangin.

N'envenime pas une situation que tu ne maitrises déjà pas, voilà la pensée qui traversa l'esprit de Daryl alors qu'il sentait la poigne des deux hommes se réduire. L'air satisfait de Roberts l'agaçait au plus haut point, mais ce n'était pas le moment de jouer au plus fort, il ne l'était pas, pas en cette journée, pas sur ce terrain. Les deux frères retournèrent à la voiture et Daryl démarra. Le silence dans l'habitacle ne dura pas.

Tu vas enfin me dire ce que c'est que tout ce bordel ? Ça fait des mois que j'ai l'impression de suivre une piste de miettes de pain pour finir ici, avec le sous-entendu d'un aller simple pour la morgue. Je crois qu'il est plus que temps que quelqu'un me dise ce qu'il se passe, et pour le moment, t'es le seul que j'aie sous la main, alors accouche !

Daryl était un tantinet agacé par la situation, toutes ces cachotteries pouvaient les mener dans un bordel encore plus monstrueux que celui dans lequel ils étaient déjà. Il était temps qu'il sache afin qu'il puisse reprendre sa vie en main et riposter. Car là, il fallait bien l'avouer, il avait subi la situation, il avait observé sans savoir quoi dire, et ça, c'était quelque chose de difficile pour lui.

Le fameux jeudi...

Les choses avaient été dites, certaines paroles avaient fusé plus haut que d'autres. Le naturel avait repris ses droits : les deux frères s'étaient embrouillés avant de se calmer et de réussir à se comprendre un minimum. Daryl avait élevé la voix quand Matt lui avait dit qu'il irait à ce rendez-vous. L'ainé avait fait le petit malin en rétorquant qu'il savait parfaitement se battre, et Daryl lui avait rétorqué que ce serait bien fait pour lui s'il se faisait rétamer vu qu'il insistait "bêtement" pour y aller. Comme d'habitude, le tout était saupoudré de provocation, c'était plus facile de se dire que l'autre était un crétin plutôt que d'avouer qu'ils étaient inquiets l'un pour l'autre. Le portoricain commençait enfin à cerner la situation, pour autant, il ignorait sur qui il pouvait compter ou non. Matt lui avait donné quelques informations, mais il était sorti du système, il n'avait jamais fait partie de la Bella Muerte, alors, à part ceux qui étaient réellement proches de Daryl, il n'en connaissait pas forcément les membres. Alors, Daryl avait fouiné, il avait questionné ceux qui étaient au courant de son état, disant cash qu'il savait et qu'il avait besoin de plus d'informations. Le deal passé avec Roberts fit rapidement le tour des "têtes" de la Bella Muerte qui se tiendraient prêt si les choses dérapaient. Pendant ces quelques jours, les informations reçues l'avaient mené à quelques sensations de déjà vu, comme s'il avait déjà eu ce genre de discussion, ou déjà vécu les situations évoquées. Et puis, vint le grand jour, celui où Matt descendrait dans l'arène. Daryl s'y était rendu, mais pas seul. Ils étaient arrivés séparément, allant chacun de leur côté afin d'anticiper tout dérapage. Il était allé se poster à l'étage, surplombant l'arène dans laquelle son frère devait aller se battre. L'endroit lui était familier. Les éclairages, les odeurs. Et soudain, Daryl sentit un bras autour de ses épaules.

Tu es venu à ce que je vois. Espérons pour toi que ton frère ait tenu ses engagements. Lança t-il dans un naturel déconcertant. Je vais m'en assurer de ce pas, murmura t-il avant de s'éloigner, laissant planté là un Daryl passablement hérissé. Bientôt, on entendit quelqu'un parler au micro, des jeunes femmes passaient dans les rangs pour les paris. Le bruit, l'ambiance, tout cela était familier...Mais c'était là une familiarité qui avait quelque chose d'oppressant, de dérangeant. Daryl sentait son coeur battre plus fort dans sa poitrine, il était loin d'être à l'aise. S'il ne se souvenait pas réellement de ce qu'il se passait dans cette arène, il ne pouvait que l'imaginer, et les craintes génèrent souvent plus de peur que la réalité. Bientôt, les portes s'ouvrirent, les combattants arrivèrent. Les doigts de Daryl se serrent sur la rambarde alors qu'il observait son frère qui s'avançait. Dans quel bordel s'étaient-ils fourrés ?